02/06/2011
Entretien avec Maud Tabachnik
Cet entretien avec Maud Tabachnik a été réalisé à l'occasion de la sortie de son roman Désert barbare (Albin-Michel), dont nous avons publié une critique sur Un Polar.
Un Polar. Votre dernier roman Désert barbare , se situe pour l’essentiel dans le désert du Sonora, en Arizona. Comment et pourquoi avez-vous choisi ce lieu ?
Ce n’est pas comme ça que ça se passe. J’ai une première idée sur le thème abordé, puis une deuxième, et seulement à ce moment là je me dis que mes personnages, c’est là où ils devront être. Et j’ai souvent raison. Parce que mille idées plus tard, ça marche.
Un Polar. Vos personnages vivent des situations d’une grande violence. Dans le même temps vous cherchez à éviter à vos lecteurs un certain voyeurisme dans les descriptions des scènes de violence. Vous fixez-vous des limites à ne pas franchir dans ce domaine ?
Je n’aime pas, plus, je déteste l’exhibitionnisme. C’est trop facile, et quand c’est facile, je m’ennuie. Dans n’importe qu’elle forme d’art, trop montrer revient à ne rien montrer.
Un Polar. Vous avez imaginé pour Désert barbare deux histoires distinctes menées en parallèle : la recherche par Sandra Khan de la fille des Cooliers, la recherche par Sam Goodman du criminel Mercantier. Pourquoi ce choix ?
Je ne sais pas. Je voulais que mes deux personnages récurrents se rencontrent par hasard. J’admets qu’il n’y a que dans un roman que ça peut marcher. Rencontrer son meilleur ami dans un lieu aussi improbable, et dans de telles circonstances, démontre un sacré culot pour lequel je prie mes éventuels lecteurs de bien vouloir me pardonner.
Un Polar. L’alternance des points de vue narratifs est un principe clé de ce roman. Pourquoi ce choix ?
Quand vous vous serez imposé le pensum de continuer de me lire vous constaterez que c’est souvent ma façon de faire. Dans certains je suis à la première personne dans la tête d’un épouvantable meurtrier. C’est bon d’entrer dans la tête et le cœur des autres.
Un Polar. L’utilisation du présent de l’indicatif (pour Sandra) et des temps du passé (pour les autres personnages) a-t-elle pour objectif d’éviter au lecteur un sentiment possible de lassitude, ou bien y a-t-il une autre raison à ce choix ?
Instinctif. Je dois me surveiller. Il y a des scènes qui m’imposent le présent et d’autres qui me permettent le passé simple. Mon psy n’a pas su me répondre là-dessus.
Un Polar. Malgré le flou (évidemment volontaire) de la fin du livre, pouvez-vous quand même nous dire si nous retrouverons le personnage de Sandra Khan dans un prochain roman ?
Comme vous dites, flou volontaire. Quand vous lirez le Festin de l’Araignée qui a été un de mes plus gros succès (Viviane Hamy) vous verrez que je suis coutumière de ce choix. Vous savez pourquoi ? Je suis certaine que la vie finit mal.
Un Polar. La notoriété change-t-elle quelque chose à votre plaisir d’écrire ? L’écriture est-elle devenue un travail comme un autre, qui peut parfois vous peser, ou bien conserve-t-elle encore pour vous quelque chose de magique ?
La notoriété c’est sympa. Elle permet souvent d’obtenir de petits avantages dans les administrations (sérieux). Avant d’écrire j’étais ostéopathe et j’avais mon cabinet à Paris qui marchait du tonnerre de Dieu. Quand je me suis ennuyée, j’ai arrêté et peu de temps après j’ai commencé d’écrire. Mais écrire est trop douloureux pour que j’aie envie d’arrêter un jour.
Un Polar. Mis à part l’affaire Ilan Halimi, qui vous a inspirée pour votre roman « le chien qui riait », la plupart de vos histoires se situent aux Etats Unis. Pourquoi ce choix ?
Non, ce n’est pas Illan Halimi qui m’a inspiré le Chien qui riait. L’affaire Halimi m’a plutôt inspirée de prendre une mitraillette et d’aller descendre ces sous-hommes en commençant par les jambes. C’est en écoutant un matin à la radio une litanie de meurtres commis par des ados que ça m’a secouée. Les US, c’est grand, c’est le meilleur et le pire.
Un Polar. Lorsque vous démarrez un nouveau roman, comment procédez-vous ? Partez-vous d’une idée de base que vous enrichissez ensuite en la rendant plus complexe ? Etablissez-vous un scénario préalable dans ses moindres détails avant de commencer la phase de l’écriture à proprement parler ? En cours d’écriture, vous arrive-t-il de procéder à des modifications dans votre scénario initial ?
Je démarre un nouveau roman en écrivant un paragraphe, puis dix. Si ça ne me plaît pas je laisse tomber. Avant de publier le dernier j’ai jeté 250 pages du même manuscrit. Douloureux. Six mois de travail à la poubelle. C’est de ma faute. Pas de plan, pas de scénario, page après l’autre je me raconte l’histoire. Et la fin arrive au feeling.
Un Polar. Envisagez-vous d’écrire autre chose que des polars ou des romans à suspense, et d’aller par exemple vers la « littérature blanche » ? Ou bien le genre polar suffit-il à votre bonheur ?
Je n’ai pas écris que du polar : La Mémoire du Bourreau, Ciel de Cendres, New York Balafres, mais ce que j’aime c’est bousculer les idées avec mes personnages atypiques, mes prises de position. C’est libre un roman noir, ça ne prend pas de gants avec l’arrogance humaine. Le crime est au début de notre Histoire et sera probablement notre dernier acte sur cette planète.
16:38 Publié dans 07. Les plus récents entretiens avec des auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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