23/09/2011
Bien Connu des Services de Police, de Dominique Manotti
Une chronique de Pierre
Pas d’entrée en matière, on entre dès la première page dans le vif du sujet. Un parking glauque de la proche banlieue parisienne dans lequel tapinent quelques filles de l’Est. Trois hommes débarquent, ce n’est pas le relevé des compteurs, juste des taxeurs qui prélèvent leur dime en nature ou en espèces.. Trois flics de la BAC …
Au commissariat de Panteuil, ville que l’on imagine aisément dans la banlieue Nord-Est, coincée entre Pantin et Montreuil, arrivent deux petits nouveaux :
- Sébastien Doche qui hérite de Panteuil sa première affectation de jeune policier stagiaire. Ex-voyou, il arrive du Nord dans cette proche banlieue parisienne après avoir décidé de changer de vie le jour où son meilleur pote s'est tué au guidon d'un scooter volé. Il découvre "son" commissariat. Pas brillant…
- Isabelle Lefèvre est dans la même situation, sauf qu’elle apprend vite, à ses dépens, qu’une femme dans un commissariat, même avec un uniforme, est une proie.
Roman après roman, Dominique Manotti continue d’explorer l’arrière cour de notre société. Après « Lorraine connexion » et les dérives du capitalisme financier, elle s’attaque à l’instrumentalisation de la situation des banlieues au service des ambitions d’un homme politique. Pas de doute, nous sommes bien en 2005. Le ministre de l’intérieur ne cache pas ses plus hautes ambitions. L’angle de la campagne est fixé, il sera sécuritaire. La police est enrôlée dans les troupes. La description du système est implacable. Un commissariat pourri, sous la direction d’une commissaire ambitieuse est au centre d’une manipulation qui crée le désordre pour mieux l’exploiter ensuite. Sous l’œil complaisant des médias la police devient une extension du champ politique et non plus une simple affaire de sécurité, comme en témoigne les discours de la commissaire Le Muir.
« Il serait très exagéré de dire que l'ordre républicain règne dans les ghettos. Pour qu'un certain ordre y règne, il faudra que se développent des réseaux d'autorités ethniques et religieux propres aux gens qui les peuplent. Ce sera long, mais nous y travaillons. En attendant, nous tentons d'assurer, à un coût socialement acceptable, le confinement des problèmes et la stabilité de l'ensemble de la société française. Car, ne nous y trompons pas, aujourd'hui, c'est la peur de l'insécurité, fortement corrélée à la peur de l'étranger, la hantise du ghetto, à la fois hyper réel et fantasmé, qui sont les ferments de la cohésion sociale.
On assiste à un documentaire autant qu’à un récit. Un documentaire, qui fait froid dans le dos. Certains trouveront Bien Connu des Services de Police extrêmement pessimiste dans le constat. À voir. On peut au moins lui reconnaître une chose : sa lucidité.
Pierre Mazet http://www.pierre-mazet.com/
Présentation de l’éditeur :
« La voiture roule au ralenti, phares allumés, dans les ruelles désertes d’un quartier d’entrepôts à la périphérie nord de Paris. A cette heure tardive, au milieu de la nuit, l’ambiance de ce coin de banlieue est sinistre : grilles fermées sur des cours encombrées de détritus, rideaux de fer baissés et taggués, pavés défoncés, trottoirs effondrés, lampadaires éteints, silhouettes massives et noires des entrepôts, tassés les uns contre les autres. Le silence, l’immobilité sont tels que toute présence humaine évoluant à l’air libre ne pourrait être perçue que comme une menace. Dans l’habitacle de la voiture, faiblement éclairé, trois hommes, le chauffeur et ses deux passagers. Ils se ressemblent. Jeunes, costauds, cheveux ras, blousons de toile légère, jeans et baskets. Leurs gestes, leurs mots, leurs silences s’accordent, bouts de phrases sans importance, chewing-gums, rires, regards traînants aux alentours, dans une familiarité décontractée. Une radio grésille en bruit de fond sans que personne n’y prête attention. On se rapproche de Paris. Un cube de béton, coincé entre la zone d’entrepôts et le boulevard périphérique, apparaît au détour d’une ruelle. Cinq étages de parking, posés à l’entrée nord de Paris. A bord, la tension monte d’un cran. Les hommes se redressent, soudain silencieux, attentifs, une touche d’excitation. La voiture s’engage lentement dans la voie d’accès. »
14:24 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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