Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/11/2011

Country blues, de Claude Bathany

country_blues.jpgUne chronique de l'oncle Paul.

Imaginez une région de la Bretagne profonde, sauvage, noyée sous une brume épaisse matutinale. Seules quelques silhouettes se profilent dans les filaments du brouillard qui va peu à peu s’estomper, au fur et à mesure que le soleil parviendra à glisser ses rayons et éclairer la lande.

On pourrait comparer l’intrigue de ce roman à cette image, roman dans lequel les personnages sont présents mais dont l’intrigue est diluée et se révèle peu à peu. Des silhouettes s’érigent, des voix s’élèvent se répondant comme un écho décalé dans le temps. Des ectoplasmes s’infiltrent, joignent leurs paroles aux délires, aux interrogations, aux pensées des divers protagonistes qui déambulent dans cette campagne. Les uns habitent une vieille ferme délabrée, d’autres un garage ou un café minables, de chaque côté d’une distillerie désaffectée. Mais tous sont hantés par un passé qui leur colle à la peau, un passé toxique, malsain, dévoyant leurs neurones.

Dany Argol semble être le plus sain, le plus frais dans sa tête. Il s’occupe des vaches, les siennes, et des femmes, celles des autres, ou de jeunes filles en manque d’amour charnel. Une véritable bête dont la réputation n’est plus à faire. Son frère aîné, Jean-Bruno, qui s’entraîne toujours à la boxe sur un ring aujourd’hui inutilisé et qui pendant un certain temps se croyait promis à un bel avenir pugilistique. Maintenant il se contente de monter un mur d’enceinte autour de la ferme et cela lui prend du temps. Ensuite Lucas et sa marionnette Olive, une excroissance qui parle pour lui, car c’est un taiseux Colas. Il a le cerveau en capilotade, mais cela n’a pas toujours été le cas alors qu’Olive sait de quoi elle parle, même si ce n’est qu’un pantin.

Et Cécile, la fille de la maison, hommasse, lesbienne, qui a vécu au bourg avec Anne-Laure, mais depuis que celle-ci a disparu, Cécile est revenue à la ferme. Elle a une passion des armes, anciennes de préférence, et se délecte à la lecture de magazines spécialisés. Les heurts entre elle et ses frères ne manquent pas, c’est la vie de famille. Chapeautant tout ce petit monde, la mère qui n’a plus toute sa tête dont elle a perdu la gérance depuis le drame.

Avant, il y avait aussi le père qui aurait pu prétendre à une carrière honorable de rocker si… De l’autre côté il y a Didier le garagiste, Evelyne sa sœur alcoolique qui tient un bar et Vincent l’aîné qui fut gendarme. Sans oublier Gildas qui adepte de la peinture qui prenait pour modèle des écorchés. Et puis voilà Flora qui débarque, qui boxe elle aussi, déchire un coin du voile, ou l’opacifie. Et les réminiscences du passé s’élèvent en fumerolles, des petites filles qui ont disparu, le rocker mort, une sœur suicidée, d’autres cadavres qui sortent d’un placard, ou plutôt d’une cave, vingt ans de drames, de secrets, de refus de la mémoire, de la vérité, jusqu’au nouveau drame qui clôturera le premier. Comme une spirale infernale.

Construit comme un puzzle oral dont les pièces s’emboitent peu à peu, pas toujours dans l’ordre, au fur et à mesure des dispositions imposées par les protagonistes, ce roman étrange nous change des énigmes linéaires et l’épilogue, la pièce finale, nous dévoile un tableau sombre et immoral. Comme la vie. Si l’atmosphère nous plonge dans certains romans de Pierre Pelot, avec ses personnages déjantés, Claude Bathany a écrit une œuvre personnelle, qui n’emprunte à personne, et démontre qu’on peut encore innover en matière de littérature noire.

Paul Maugendre (oncle Paul), son blog !

Claude BATHANY
Country Blues.
Le Point, collection Romans Noirs.
216 pages ;
6,50 €.
Réédition de Métailié (2010).

Les commentaires sont fermés.