07/12/2011
Pour le meilleur et pour le pire, de Gunnar Staalesen
Une chronique de Pierre
Drôle de journée pour Varg Veum, il se voit confier une affaire, en apparence, de bien faible importance. Roar, un gamin de huit ans, lui demande de récupérer son vélo, volé par Joker et sa bande.
La nature et l'importance de l'affaire proposée à Varg Veum, au début de Pour le meilleur et pour le pire, par le jeune Roar, semble bien être un pied de nez de notre auteur à un certain genre de littérature policière. Roar vit dans une banlieue, les immeubles sont immenses, les gens ne se parlent pas et Joker, petit malfrat sans repères fait la loi et tape tout ce qui bouge quand il ne menace pas les gens avec son cran d'arrêt.
Varg récupère le vélo, fait la connaissance de Joker puis de Wenche Anderson, la mère de Roar. Il sympathise très vite avec elle, c'est la même femme qu'il découvrira au près de son ex-mari, mortellement blessé en plein milieu de son appartement.
Varg, encore un personnage de roman policier à l'image de l'anti-héros, un brin asocial, solitaire, il attire pourtant les confidences. Il possède aussi l'extrême facilité de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment.
En exilant son enquête dans une lointaine et cafardeuse banlieue de Bergen, au milieu de ces tours d'habitation où personne ne connaît personne, parmi des familles où les liens se désagrègent ou sont déjà morts, Gunnar Staalesen s'engage dans la critique sociale d'une Norvège entre ancien et nouveau.
L'ancien, c'est le monde des pères, des pères terribles devrait-on dire, replié sur des communautés farouches, pauvres, corsetées dans des valeurs morales chrétiennes autoritaires mais partagées, aliénatrices mais signifiantes. Tout au long de son œuvre et sans nostalgie, Gunnar Staalesen y fera référence parce que, à ses yeux, le passage à la modernité, opéré en quelques décennies par la société norvégienne, s'est fait sans remplacer la cohésion et la cohérence qu'offrait ce temps là. On ne fera qu'entrevoir le nouveau monde, vaste, flou, incertain, fait d'une liberté et d'une autonomie des êtres dont il n'est pas certifié qu'elles sont voulues, désirées et acceptées par eux. Pour l'instant, c'est dans la fracture entre ces deux mondes que se situent le sens et donc les personnages de ce roman.
Comme l'indique clairement son titre, Pour le meilleur et pour le pire est aussi une réflexion sur l'amour, le couple et ses responsabilités. En résonance avec le divorce de Varg, Staalesen s'attache à ces solitudes de femmes en commençant par Wenche Andresen et ses rigidités mentales, incarnation de l'ancien coincé dans le nouveau. Puis, Hildur Pedersen et sa fuite alcoolique et enfin Solveig, cette incarnation du nouveau coincé dans l'ancien, bel oiseau aux ailes volontairement coupées, amoureuse de l'amour qui entend préserver le futur de sa famille. Mais il montre surtout le prix exorbitant que paye, pour ces errements individualistes et égoïstes, la génération suivante. L'enfance sacrifiée sera un thème redondant de l'œuvre.
Quatrième de couverture
Alors qu'il s'ennuie ferme dans l'attente d'une nouvelle enquête, Varg Veum voit débarquer dans son bureau un petit Baryon. C'est Roar. Il s'est fait voler son vélo. Son premier réflexe : ouvrir l'annuaire et chercher un détective privé. Quoi de plus naturel ! Varg, démuni par tant d'innocence, accepte de relever le défi. Pour cela, il doit passer par Joker et sa bande, qui terrorisent tout le monde, y compris Wenche, la mère de Roar, dont il fait la connaissance. Se pourrait-il que notre (si) solitaire détective tombe amoureux ?
Mais voilà. le lendemain, coup de fil de Wenche : Cette fois-ci, c'est Roar qui a disparu.
Là, ça devient vraiment du sérieux.
Détective privé jusqu'au bout des ongles, seul, plutôt moche, Varg Veum sillonne la nuit de Bergen, grosse ville côtière de Norvège.
Après « Le loup dans la bergerie », « Pour le meilleur et pour le pire » est le deuxième volume d'une série consacrée à Veum.
Pierre Mazet http://www.pierre-mazet.com/
L'auteur vu par l'éditeur
Gunnar Staalesen est né à Bergen, en Norvège, en 1947. Il fait des études de philologie et débute en littérature à 22 ans. Il se lance peu à peu dans le roman policier et crée en 1975 le personnage de Varg Veum, qu'il suivra dans une douzaine de romans.
Tous les polars de Staalesen suivent les règles du genre à la lettre, avec brio. Et les problèmes existentiels du détective privé, ses conflits avec les lemmes et son faible pour l'alcool sont l'occasion d'explorer, non sans cynisme, les plaies et les vices de la société.
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