02/01/2012
Nirvana transfert, de Marie Vindy
Une chronique de Jacques
Nirvana transfert est le quatrième roman de Marie Vindy, le deuxième qu’elle publie aux éditions Krakoen. Après l’excellent le sceau de l’ombre, dans lequel nous découvrions les personnages du commandant de police Simon Carrière et de la criminologue Marie-Shan Li, nous y retrouvons ces deux mêmes personnages, toujours dans la région de Dijon, mais avec un changement majeur pour Simon. Celui-ci, après la sombre histoire des corps décapités qui l’avait plongé dans une spirale infernale alcool/divorce/dépression, a abandonné la P.J. pour trouver une affectation à la brigade des mineurs.
Une des premières affaires sur laquelle il travaille concerne un jeune homme, Warren Stoll, qui affirme avoir été violé dans sa petite enfance. Problème : il n'a aucun souvenir précis des faits. Warren, admirateur du mythique Curt Cobain et de son groupe Nirvana a eu, depuis la mort de sa mère lorsqu’il était encore enfant, un parcours chaotique qui l’a plongé dans l’univers de la drogue et d’une semi-délinquance. Des lettres anonymes, envoyées par une personne qui semble bien le connaitre, semblent avoir pour objectif de le replonger dans une partie de son enfance qu’il a tenté d’effacer de sa mémoire. Ces lettres le perturbent, suscitent chez lui un malaise qui risque de le faire retomber dans les vieux démons dont il était en train d’émerger.
L’enquête de Simon Carrière (on peut même dire : la quête) va précipiter le lecteur dans un écheveau dont il va tenter de démêler les fils en même temps que les policiers. Le transfert du héros vers la brigade des mineurs nous plonge dans un univers que le polar (même noir) ne fréquente pas si souvent : celui de la pédopornographie organisée, avec ses filières et ses utilisateurs pervers qui bien souvent ont été les victimes, eux aussi, de perversions dans leur enfance.
Les codes du polar sont parfaitement respectés par Marie Vindy. L’enquête est précise, méthodique, et nous mène peu à peu vers une solution logique, suffisamment complexe pour ne pas être devinée trop tôt. En même temps, l’auteur se livre à une analyse fouillée des motivations des personnages, que ceux-ci soient les victimes (comme le jeune Warren Stoll), à la fois victimes et coupables, comme Alexis, une jeune garçon que Warren avait connu quand il était enfant, ou même coupables sans circonstances atténuantes, comme… celui que vous découvrirez en lisant le roman !
Les personnages de Simon Carrière et Marie-Shan Li sont suffisamment bien campés pour que le lecteur s’attache à eux et à la relation amoureuse qui se tisse au fil des pages. Ce qui était sympathie et estime professionnelle se transforme peu à peu en amitié, puis en amitié amoureuse. Marie Vindy analyse finement cette évolution des deux personnages, qui constitue un contrepoint agréable à l’enquête policière.
L’écriture de Marie Vindy est directe, sobre, sans fioriture. Elle s’adapte avec souplesse aux différents personnages et aux milieux qu’elle décrit. Ainsi lorsqu’elle nous montre Warren, l’admirateur éperdu de Cobain, ancien squatteur ayant touché à toutes les drogues et qui tente de se reconstruire à travers son amour pour Cécile : « Minuit. Brahim et Warren tâtaient l’atmosphère au fond de la salle, une nouvelle bière dans les mains, cette fois dans un gobelet en plastique. Devant eux, une bande d’au moins dix jeunes excités se secouaient comme des dingues sur l’interminable riff d’un groupe de pop punk acidulée, c’est du moins l’énoncé qui était imprimé sur le flyer que Warren avait fourré dans sa poche de jean. Les gens autour de lui avaient un look nettement moins débraillé que le sien. »
Comme dans le sceau de l’ombre, la fin du roman nous conduit jusqu’aux assises, où les différents responsables vont être jugés. Marie Vindy ne laisse pas le lecteur sur sa faim et conduit l’histoire jusqu’à son terme, avec une grande maitrise.
Nirvana transfert est un remarquable polar, riche dans sa thématique, très prenant par son écriture, son style, ses personnages. C’est le deuxième roman de Marie Vindy que je lis, et il est certain que je ne raterai pas son prochain livre, qui doit sortir en 2012 : une femme seule.
Un polar collectif a publié une chronique sur le roman de Marie Vindy le sceau de l’ombre. Vous pouvez lire aussi l’entretien qu’elle a nous accordé.
Présentation de l'éditeur
Dijon, Hôtel de Police. Après de longs mois de congés forcés, le commandant Simon Carrière est affecté à la brigade des mineurs. Par défi, il s'investit dans une enquête sur des viols remontant à une quinzaine d'années. La victime ? Un ancien toxicomane, dénommé Warren Stoll, qui voue une admiration sans borne à Kurt Cobain, le chanteur mythique du groupe Nirvana. Si les faits ont disparu de sa mémoire, en revanche d'horribles cauchemars hantent son sommeil. De surcroît, des lettres anonymes viennent raviver son passé. Qui remue ces souvenirs? Incapable de faire face, Warren replonge dans la déprime et la dope. L'auteur des lettres en sait visiblement plus long sur la victime que la victime elle-même ; Carrière contacte alors son amie, la criminologue Marie-Shan Li. Explorant la vie de Warren, les deux enquêteurs se rendent à l'évidence : c'est bien au présent que se décline cette ténébreuse affaire. Après le palpitant Le Sceau de l'ombre, Marie Vindy lance le commandant Simon Carrière dans une sombre affaire de pédophilie. Rien ne lui sera épargné une nouvelle fois...
05:09 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
Commentaires
Les deux chroniques de Jacques sur les romans de Marie Vindy m'incitent à ne pas rajouter une chronique, car il a dit l'essentiel. J'insisterai seulement ici sur la symétrie de ces deux romans "le sceau de l'ombre" et Nirvana transfert". Le premier nous fait assister à la plongée de Simon Carrière, dont la "carrière" se brise sur un échec insupportable, en partie lié à une gestion désordonnée de la machine policière ; le second nous montre sa remontée, difficile mais soutenue par la rencontre avec l'experte Marie Shan li. Et dans les deux cas, Marie Vindy s'attache à mettre en exergue la solidarité de l'équipe des policiers, qui supplée les difficultés de Simon Carrière et le soutient. A l'horreur des tueurs en série et pédophiles, elle oppose l'humanité de fonctionnaires qui sombrent parfois, mais se relèvent et ne perdent pas de vue leur mission, l'équipe venant suppléer les défaillances. Peut être avons nous besoin de tels contes de fée pour apprécier encore notre société ? En tout cas, Marie Vindy nous fait passer de très bons moments, et c'est un auteur à suivre
Écrit par : albertine | 08/02/2012
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