12/02/2012
La vallée des disparus, de Bente Porr
Une chronique d'oncle Paul
De tout temps Germer a été un personnage prétentieux, imbu de sa petite personne, exécrable, tyrannique envers ses condisciples et principalement Sedlitz, qu’il traitait de mulâtre à cause son teint dû à une lointaine origine maghrébine. En vieillissant il n’a pas changé pourtant Sedlitz est devenu son ami. Enfin, ami est vite dit, mais Sedlitz voue une profonde admiration envers celui qui l’abaissait devant tous les gamins de l’école. Si Sedlitz était un intellectuel, réussissant ses études, mais frêle physiquement, Germer était un sportif accompli, dans toutes les disciplines. Pourtant ni l’un ni l’autre ne pouvait rougir de leur extraction. Le père de Sedlitz était banquier, tandis que celui de Germer était consul et propriétaire d’une entreprise de textiles. Aujourd’hui, nous sommes en 1930, Germer a proposé à Sedlitz de l’accompagner jusque sur la Côte d’Azur, Nice, Cannes, à bord du véhicule de luxe qu’il a emprunté à son père sans en l’informer. Les accompagne dans leur voyage Fee, une jeune fille soumise avec laquelle il est presque fiancé, qu’il domine comme il a toujours fait envers ses congénères.
Durant le voyage qui les emmène d’Allemagne vers le sud de la France, Germer se trompe de chemin et emprunte une route de campagne défoncée. Il conduit rapidement, trop, et l’incident inévitablement se produit. Le carter est abimé par une pierre et les passagers doivent se résigner à continuer leur périple à bord d’une charrette de paysan qui passe fort à propos, pour se rendre au petit village de Moriac. Evidement Germer agonit d’injures Fee et Seidlitz, se montrant plus que jamais odieux envers eux. Ils s’installent dans une petite auberge tenue par le sieur Caillou et Germer n’a en tête que de se préoccuper de son véhicule à l’abandon. Las, le village n’est pas relié au téléphone, et il leur faut se déplacer au village le plus proche pour contacter un garagiste lequel ne possède pas de matériel afin de remplacer la pièce défectueuse. L’automobile, une Maybach, n’est pas un modèle assez répandu et il faut se résoudre à s’adresser à Paris, mais les délais vont être longs. Et Germer fulmine, car il appréhende les reproches justifiés de son père.
Moriac est juché sur un plateau entouré d’une plaine qui est prolongée par une vallée devant laquelle se dresse le Mont Larin, autrefois appelé le Mont Noir. Et sur cette vallée et ce mont planent des légendes de disparitions subites concernant des touristes ainsi que des nuages, des nuées grisâtres, brunâtres qui apparaissent et disparaissent brusquement. Dans le village nul ne veut s’épancher sur ces histoires d’autrefois qui reviennent épisodiquement. Ainsi Sedlitz fait la connaissance d’un Britannique qui loge à l’auberge et qui lui confie qu’il est à la recherche de deux amis qui deux ans auparavant se sont installés dans le village puis se sont comme évaporés dans la nature.
Treize disparitions depuis deux-cents ans, depuis que le Comte de Larin, paillard et meurtrier sans vergogne, pillait la région et embrochait les jeunes filles des environs. Depuis à dates irrégulières, des touristes s’évaporent dans la nature, sans laisser de traces. L’endroit est maudit, toutefois Gordon Lynn, le voyageur décide de partir à la recherche de ses anciens compagnons. Toutefois avant de s’élancer sur leur piste, il confie à Sedlitz une serviette contenant des papiers. Après une balade en compagnie de Fee, Seidlitz apprend de l’aubergiste que Gordon Lynn a plié bagages. Une nouvelle qui le laisse sceptique.
Dans une atmosphère de suspense, d’angoisse et de surnaturel, Bente Porr construit une intrigue sur une double charnière. Les relations entre Germer et ses deux compagnons forment la trame principale, avec la montée en puissance de la dégradation des rapports, le jeune homme se montrant de plus en plus cruel verbalement, dominateur, arrogant, vindicatif. Peu à peu Sedlitz comprend le soudain revirement dans l’attitude de Germer à son encontre lors de leur jeunesse. Sous des dehors despotiques, ce n’est qu’un couard tremblant devant l’autorité paternelle. Quant à ses prétendues fiançailles avec Fee, elles ne sont envisagées que dans un but bien précis. Dans cette ambiance délétère l’histoire des soudaines disparitions issues d’une légende tenace mais tue par les villageois, donne le liant nécessaire pour enrichir l’intrigue, en lui apportant l’indispensable sentiment de peur, de mystère, de surnaturel, de fantastique, mais toujours narré sur le fil du rasoir. Un très bon premier roman que l’on aimerait suivi d’autres.
Les lectures de l'oncle Paul
La vallée des disparus
Bente PORR
(Moriac – 2008. Trad. de l’allemand par Anne-Judith Descombey).
Editions de l’Archipel. 224 pages. 18,95€.
08:22 Publié dans 04. autres polars | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
Commentaires
Un bon bouquin, pas encore fini pour moi
Écrit par : Mutuelle | 14/02/2012
Les commentaires sont fermés.