05/12/2012
Le message du pendu, de Pieter Aspe (chronique 2)
Une chronique de l'oncle Paul.
Alors qu’ils pensaient bénéficier d’une journée de repos au calme, dans la détente d’une complicité amoureuse et dinatoire, le commissaire Pieter Van In et sa compagne la juge Hannelore Martens sont dérangés par des coups répétitifs sur la sonnette de la porte d’entrée. Le petit-déjeuner composé d’une belle côte à l’os cuite sur le barbecue et d’un bordeaux bien frais est remisé à une date ultérieure. Ce visiteur impromptu n’est autre que Versavel, l’adjoint et ami de Van In.
Un triple meurtre vient d’être découvert dans une maison située sur les berges du canal de Damme, le quartier chic de Bruges. Louise Hoornaert et ses deux enfants ont été selon toutes vraisemblances assassinés. Un drame familial à première vue qui s’est déroulé quelques heures auparavant. C’est le jardinier qui a découvert les corps le lundi matin et le drame a eut lieu le dimanche dans la soirée. Louise a été abattue à l’aide d’un pistolet retrouvé près de son corps. Les enfants gisent dans leur chambre. La petite fille est en position assise dans un coin de la pièce, le petit garçon, le crâne fracassé à l’aide d’un marteau, allongé devant la fenêtre.
Le père de Louise est sur place, effondré, toutefois il ne tarit pas d’éloge sur son gendre Wilfried Traen, ce qui est suspect aux yeux de Van In qui a connu Traen à l’école primaire, un gentil garçon selon ses dires. Mais depuis il n’en avait plus eu de nouvelles jusqu’au jour du drame. Traen est considéré comme le présumé meurtrier mais son corps est retrouvé par les hommes de la Scientifique, dirigés par Vermeulen dans le grenier, pendu. La chaise sur laquelle il serait monté est renversée. Un suicide après le triple meurtre ? Pourtant, le couple s’entendait bien selon le père de Louise. Traen dirigeait une petite entreprise de recyclage informatique qui prenait au fil des ans de l’essor, avec l’aide financière de son beau-père.
Le légiste Zlotkrychbrto, d’origine polonaise, examine les corps avec sa minutie habituelle, plus habitué à palper, en tout bien tout honneur, les défunts, qu’à s’exprimer en bon flamand. Mais les éléments dont il dispose et encore pas tous car il faut du temps pour faire parler, façon d’écrire, les corps n’aident guère Van In.
Les journaux s’emparent bien évidemment de l’affaire et l’un d’eux titre même : Un altermondialiste extermine toute sa famille, photo prise lors d’une manifestation à l’appui. Altermondialiste Traen ? Première nouvelle. Il serait même l’auteur de deux ouvrages concernant l’économie. Fausse bonne nouvelle. Un journaliste avoue à Van In qu’il est l’auteur des deux ouvrages mais travaillant dans un journal qui ne manque pas de faire l’éloge du capitalisme, son nom en couverture aurait fait bondir les actionnaires.
Une prostituée, une respectueuse comme aurait dit Jean-Paul Sartre, aux charmes indéniables, et répondant au doux nom de Kitty Jouy, s’adresse directement à Hannelore en son cabinet pour se plaindre du manque de respect financier d’un homme politique et de Traen qui avaient eu recours à ses services et lui devaient de l’argent. Elle n’avait vu Traen que quelques semaines auparavant mais l’homme politique, dont le nom figure sur l’agenda de Traen est lui un client régulier.
Suite à un appel téléphonique anonyme, celle-ci est retrouvée morte dans son appartement, et cela obscurci l’horizon de Van In mais pas celui de son voisin habitant l’immeuble en face et qui possède un télescope pour admirer les oiseaux. C’est lui le drôle d’oiseau.
Cela ne résout en rien l’enquête et Van In ne manque pas, afin d’humecter ses neurones et permettre à leurs rouages de fonctionner librement, d’ingurgiter moult bières, des Duvel, précision pour les amateurs et les connaisseurs.
En épluchant la comptabilité de Traen, Van In et consorts se rendent compte que les comptes financiers du mort ne sont pas aussi florissants qu’il est parait. Pourtant, des boites de caviar ont été retrouvées dans son réfrigérateur et une réception était prévue pour le vendredi suivant.
Une piste se profile avec la découverte qu’un employé a été mis à la porte peu de temps auparavant et qu’il pourrait ressentir de la haine envers son ex patron. Mais ce qu’ignore Van In, c’est que la CIA, elle aussi, est sur le coup. De toute façon, la CIA est partout.
Si l’on peut comparer Van In à Maigret, la vie de couple du commissaire flamand est nettement plus riche en péripéties que celle du héros de Simenon. Van In croque, ou plutôt boit la vie avec gourmandise, tandis qu’Hannelore possède une aura, une présence indissociable auprès de la vie professionnelle et familiale de Van In. Ils vivent en couple, s’amusent beaucoup ensemble, ne négligent pas les moments d’intimité, traitent les affaires et les enquêtes ensemble mais les petits accros mettent parfois la pression, comme la bière, sur le couple. Van In professe envers les journalistes une certaine méfiance : Si Van In se méfiait des journalistes, c’était moins à cause des hommes eux-mêmes, car il s’entendait bien avec la plupart d’entre eux, qu’à cause de l’arrogance de l’institution. Mais il devrait se méfier surtout de ses réactions, surtout de ses réparties, lorsqu’il a abusé de la bière. Il est vrai que cette enquête se déroule alors que les conditions climatiques incitent plus à se désaltérer qu’à autre chose.
Versavel lui aussi possède sa vie privée. Il est homo, et se demande si la petite coucherie d’un soir avec un bel inconnu ne va pas influer sur sa santé. Quand au médecin légiste, Zlotkrychbrto, ce n’est pas tant sa pratique de sa profession qui est intéressante, mais sa façon de parler qui apporte la touche d’humour indispensable dans les moments tragiques.
Je ne sais pas si c’est le meilleur roman de la série Van In, mais c’est assurément, parmi tous ceux que j’ai lu, celui qui m’a le plus enivré… je veux dire intéressé, qui m’a le plus intéressé et est le plus abouti.
A lire également de Pieter Aspe : Pièce détachée, Le tableau volé, La mort à marée basse.
Paul (Les lectures de l'oncle Paul)
Le message du pendu (Onder Valse Vlag – 2002. Traduit par Emmanuèle Sandron).
Pieter ASPE
Collection Van In 11.
Editions Albin Michel.
304 pages. 18€.
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