Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/05/2013

La valse des odieux, de Sylvie-Catherine de Vailly

valse_des_odieux.jpgUne chronique de Richard.

«En réalité, je ne tiens pas à vous raconter cet épisode de ma vie, mais plutôt à m’en libérer», Bernadette (quelques années plus tard ...)

Reconnue principalement pour ses romans d’aventures pour l’exigeante clientèle des jeunes adolescents, Sylvie-Catherine de Vailly a fait quelques incursions dans le polar pour la jeunesse avec sa série Phoenix. Ce printemps, qui marque la naissance de la nouvelle maison d’édition Recto Verso, elle a publié un deuxième polar pour adultes, «La valse des odieux».

Cette nouvelle maison d’édition se donne comme mission de publier des romans populaires qui pourront plaire à une grande partie des lecteurs du Québec. J’avoue avoir certaines réticences face à ce genre d’affirmation. Je me laisserai donc quelques temps avant de poser un jugement sur le reste de la production de ce nouveau joueur dans le monde de l’édition québécoise. Cependant, avec ce roman de Sylvie-Catherine de Vailly, je peux d’ores et déjà affirmer que cette première sortie est réussie. J’apprécie la qualité et l’esthétique de la page couverture, la présentation graphique et l’allure générale du roman; le choix de la police de caractères et la qualité du papier facilitent la lecture.

Et j’avoue que je n’ai pas boudé mon plaisir. Malgré quelques éléments sur lesquels je reviendrai, j’ai bien aimé ce roman. L’auteure a su capter mon intérêt, l’histoire était intéressante et les personnages gagnaient de la crédibilité au fur et à mesure du développement du récit. Cette première enquête de l’inspecteur (nous sommes dans les années soixante ... donc on ne dit pas inspecteure ou inspectrice), Jeanne Laberge semble être assez prometteuse.

Un petit village, quelque part, à 60 kilomètres de Montréal, vit tout doucement au rythme de ses habitants. Six cent trente-quatre personnes l’habitent. Le seul événement qui en a marqué l’histoire est un incendie qui a enlevé la vie à la propriétaire de la maison, madame Noël Hébert, en 1955. Certaines circonstances demeurent nébuleuses mais la police clôt l’enquête.

Mai 1968. Une série d’incidents viennent troubler le calme et la tranquillité du village: des incendies, des vols et surtout, des assassinats. La petite communauté vit une période trouble où tous se méfient du voisin et où chacun devient un suspect ou la future victime potentielle.

Bernadette, douze ans, passionnée de lecture, développe une amitié littéraire avec Augustine Desautels, l’ancienne institutrice qu’on surnomme la Vieille Demoiselle. Malade et confinée à la maison, elle voudrait bien participer à l’enquête. Témoin passif des drames qui se vivent dans son village, elle espère aider l’inspecteur Laberge, qu’elle admire secrètement.

Le village commence alors à prendre des airs d’enfer ... où tout peut arriver. En plus, la Vieille Demoiselle disparaît, sans laisser de trace ... ou si peu. Arrive alors une galerie de personnages qui donnent une saveur particulière au récit, un goût amer dans un plat sucré: les Guilbert, famille aisée habitant un manoir d’une cinquantaine de pièces et leur fils un peu bizarre ; Paulette Dumont, la commère du village; l’énigmatique couple des Bourgeois; Félicien, le fils du concierge et quelques autres qui alimentent les rumeurs de culpabilité.

L’inspecteur Jeanne Laberge se voit confier l’enquête sur le premier incendie. Première femme inspecteur de police dans un milieu d’hommes, elle veut faire sa marque et démontrer ses compétences. Elle peut difficilement le prouver en enquêtant sur des chiens écrasés et des incendies, plus ou moins suspects. Mais au moment où le village bascule dans l’horreur, où les événements se succèdent à un rythme effarant, le nouvel inspecteur Laberge montre son vrai visage.

Qui se cache derrière ces crimes de plus en plus odieux ? Pourquoi la vieille demoiselle Augustine est-elle partie sans avertir personne ? Est-ce que cette disparition est liée aux crimes qui hantent l’esprit des villageois ? Qui mène la danse ce cette valse des odieux ?

«La valse des odieux» nous présente un nouveau personnage avec plein de possibilités et de promesses. Bien que le personnage de policière qui doit se battre pour faire sa place dans le monde machiste d’un poste de police ait déjà été largement traité, je pense que le fait de situer Jeanne Laberge dans les années 1960 pourrait apporter quelque chose de nouveau dans le paysage du polar québécois. Aurions-nous trouvé le pendant féminin de Stan Coveleski ? Un policier féminin qui nous ferait redécouvrir l’atmosphère effervescente de la fin des années soixante ...?

De plus, l’utilisation par l’auteure de la jeune Bernadette pour donner une vision, peut-être naïve mais sûrement perspicace et juste de cette enquête, est selon moi une grande force de ce roman. L’alternance entre le regard de la policière et celui de la jeune adolescente, donne une profondeur à ce roman, lui donne une couleur et une structure intéressante.

Finalement, au début du roman, je me suis posé la question à savoir si ce petit village ne ressemblait pas trop à un autre petit village imaginaire en Estrie ... ou ailleurs. Heureusement, le développement de l’intrigue et le traitement des multiples crimes commis ont permis de donner un peu de mordant à l’histoire, de lui donner une véritable consistance «polardienne».

Enfin, un dernier mot sur le style efficace de l’auteure et sa capacité à bien rendre le langage de l’époque. Son écriture est fluide et rend la lecture facile. Les courts chapitres donnent du rythme au roman. Juste un petit reproche, à certains moments, on retrouve dans le texte quelques « comparaisons-clichés » qui auraient mérité un traitement plus frappant, plus imaginatif. Un exemple: «Les allées et venues étaient réglées comme du papier à musique ...»

«La valse des odieux» est selon moi un bon début de série. Le personnage de Jeanne Laberge possède quelques atouts qui pourront sûrement donner d’excellentes histoires au cours d’une période de l’histoire du Québec riche en événements historiques. En ce qui me concerne, le roman policier placé dans une certaine période, permet à l’auteur de développer des intrigues et de nous les situer dans des univers ... qu’il fait bon revisiter.

Je vous recommande donc de découvrir cette auteure et de commencer à suivre les aventures de l’inspecteur Laberge. Vos adolescents connaissent déjà Sylvie-Catherine de Vailly... et ne soyez pas surpris s’ils vous subtilisent le roman pour le lire avant vous !

Bonne lecture !

Richard, Polar Noir et blanc

La valse des odieux
Sylvie-Catherine de Vailly
Recto Verso, 2013
299 pages

Les commentaires sont fermés.