28/07/2013
Entretien avec Alice Quinn
Après avoir chroniqué le roman d'Alice Quinn Un palace en enfer, qui connait un gros succès auprès du public, Cassiopée a proposé à l'auteur un entretien. Le voici.
[ A noter la sortie sur iBookstore (ipad, iphone, apple) de Un palace en enfer, le 2 septembre 2013, et sur YouTube le trailer de ce même roman, à l'adresse : http://www.youtube.com/watch?v=205RkorbIIs ]
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Cassiopée. Comment êtes-vous venue à l’écriture et pourquoi ?
Alice Quinn. Je suis issue d’un milieu où il n’y avait pas beaucoup de livres. Je crois tout simplement qu’on n’achetait pas de livres parce qu’il n’y avait pas assez d’argent à la maison. Mais ma mère aimait bien nous raconter des histoires. J’ai donc été bercée de récits de toutes sortes, car elle avait beaucoup d’imagination et un goût prononcé pour la tragédie. J’ai commencé par écrire des scénarios, puisqu’après avoir été ouvreuse de cinéma, je voulais réaliser des films et en effet j’en ai fait quelques-uns. J’ai tourné quelques courts-métrages. C’est par le biais de l’écriture cinématographique je suis donc arrivée au roman.
Écrire pour le cinéma ne m’a jamais posé de problème, puisqu’il s’agit d’une écriture très technique. Il n’est pas nécessaire -c’est même décommandé- de se pencher trop longuement sur les descriptions, sur les sentiments des personnages, ou de faire des effets de style. Il me semblait donc qu’écrire un scénario ne nécessitait aucun talent littéraire spécifique. Jamais il ne me serait venu à l’idée d’écrire des livres. J’ignorais qu’en m’exerçant à cette forme d’écriture, j’engrangeais une expérience qui concernait la construction, le rythme, les dialogues, toutes choses importantes dans un roman.
Alors que je venais d’écrire un scénario de long-métrage que je ne parvenais pas à produire, j’ai commencé à me dire que je ne voulais pas abandonner à leur sort mes personnages et mon histoire. Pourquoi ne pas en faire un roman ? Le travail de gestation a pris plusieurs mois pour que je m’autorise à le faire. C’est bien d’une autorisation qu’il s’agit. Il a fallu que je comprenne et que j’entrevoie qu’il y avait peut-être quelque part au milieu des piles de livres, une petite place pour moi.
Je ne serais peut-être jamais un grand écrivain comme ceux que j’admirais, mais je ne serais peut-être pas non plus parmi les plus nuls. C’est ainsi que j’ai commencé à écrire mon premier roman en adaptant ce scénario.
Mon irruption dans l’écriture littéraire a été de faire en sorte de transformer ce scénario en roman. Ce fut un bel apprentissage. Le roman a été ensuite publié, et comme il s’agissait au départ d’un projet de films genre comédie familiale, j’ai été tout naturellement dirigé vers la littérature jeunesse. Et j’y suis restée pas mal d’années.
Cassiopée. Vous avez choisi de publier votre roman en ebook, pourquoi ? Est-ce vous qui avez choisi titre et couverture ?
Alice Quinn. Le passage à l’e-book s’est fait encore plus naturellement que le passage du scénario à l’écriture de romans. Vu l’économie de marché actuel, il m’est arrivé de récupérer les droits de mes livres déjà sortis et je souffrais de voir mes romans inaccessibles pour le public, à jamais enfermés dans des tiroirs. Cela faisait plusieurs années que je me disais qu’une seconde vie, un second souffle, via le Net, seraient quelque chose de merveilleux. Mais je ne savais pas comment m’y prendre. Je suis nulle en informatique à part les traitements de texte, et j’ignorais tout de ce monde.
Je suis tombée l’an dernier sur une formation en ligne vers les métiers d’éditeurs numériques. Ça a été comme une percée dans le brouillard. La porte s’est ouverte devant moi, j’ai franchi ce passage et je me suis attelée à la tâche.
Je travaille maintenant au sein d’une association, les éditions alliage, qui réunit plusieurs passionnés comme moi. Nous publions les livres qui nous font plaisir. Au passage bien sûr je publie tous mes livres dont j’ai récupéré les droits, mais également certains de mes romans qui ont été refusés par les éditeurs papier.
L’un des grands bonheurs des auteurs indépendants numériques, c’est cette liberté totale de choix que nous avons. Choix de la couverture, du titre, de la quatrième de couverture. Bien sûr cette grande liberté à la fois vertigineuse et grisante, peut aussi être source de nombreuses erreurs. Mais comme le papillon qui se cogne et se brûle à la lumière, tout excitée, je me suis lancée. J’ai tout à fait le sentiment que cet état d’esprit euphorique à la fois me porte et peut représenter un piège. Mais je ne sais pas m’en empêcher, depuis que je me suis jetée dans cette aventure, je suis sur un nuage.
Car je suis allée de découvertes en pérégrinations merveilleuses, de rencontres en expériences enrichissantes, le tout parsemé de stupéfiants cadeaux comme celui de voir mon roman grimper dans les classements du top 100 du Kindle, et y rester maintenant depuis de nombreux mois. Ce mois-ci, j’ai dépassé les 10 000 exemplaires vendus ! Je n’en reviens pas !
Il en existe à présent une version papier, toujours éditée par moi, quelle délectation! Dans les semaines et les mois qui viennent, je vais le sortir chez Ibookstore (Apple) chez Kobo (Fnac), peut-être chez Audible (version audio) et très certainement il va y avoir une version enrichie (avec bande sonore comme dans un film, créée par Hybrid-book http://hybrid-book.com/, c’est en cours de travail. Vous vous rendez compte ? c’est dingue !
C’est pour moi, dans ma vie, une page qui se tourne, je suis passée de l’état d’auteur-mendiant, à celui d’auteur à succès. Ça me fait un peu tourner la tête, mais c’est une bonne sensation. Comme de boire du vin blanc léger avec quelques crevettes. J’essaie d’en profiter au maximum tant que ça dure.
Cassiopée. Que représente, Rosie, votre héroïne, pour vous ? Une amie, une bonne copine, un mélange de plusieurs personnes que vous connaissez, une anti héroïne…. ? Comment ce personnage s’est-il imposé à vous, comment l’avez-vous construit ?
Alice Quinn. Mon personnage, Rosie, est le point névralgique du succès de mon roman. Tout repose sur elle. Sur son énergie, son optimisme, et la leçon de courage qu’elle donne au lecteur. Elle a commencé par me la donner à moi-même. Je crois que je l’ai créée aussi comme on prend un antidépresseur. J’avais besoin de rire, de me confectionner un espace à la fois d’évasion, mais aussi d’allégresse, de franche rigolade, dans une période de ma vie où j’avais pas mal de problèmes. L’idée de départ c’était tout simplement d’écrire une bonne comédie avec du suspense. Mais je savais qu’il me fallait un personnage qui porterait l’histoire. Et j’ai cherché longtemps. J’étais plutôt attirée au départ par l’idée de mettre en scène un personnage comique de loser, que j’adore dans les romans des autres.
Mais justement, j’en connaissais quelques-uns, et ils étaient très -trop- bons à mes yeux pour que je m’y frotte. C’est pourquoi j’ai pris un peu le contraire de ces personnages.
J’ai décidé que ce serait une femme au lieu d’un homme, une battante au lieu d’un perdant.
Je lui ai donné la jeunesse que je n’ai plus, la beauté et le côté sexy que je n’ai jamais eus, bref Rosie c’est ma (douce et drôle) revanche.
Quel que soit son destin en tant que roman, elle m’a déjà apporté beaucoup pendant toute la période où j’écrivais, elle me permettait de sourire quand tout allait mal. Les mois qui ont suivi l’écriture de ce roman ont été plus durs pour moi puisqu’il a été refusé par quelques maisons d’édition et pas toujours aimablement. Comme si Rosie agaçait les éditeurs.
J’ai mis du temps à comprendre que comédie et polar ne faisaient pas bon ménage en France. La plupart des romans policiers écrits sur un ton de comédie que l’on lit en France sont au départ des traductions anglo-saxonnes. Car les Anglo-Saxons en raffolent. Mais les éditeurs français ne sont pas suffisamment convaincus par ces succès pour prendre le risque.
Cassiopée. Est-ce que vous avez décidé d’écrire une suite à cause du succès de votre premier livre ?
Alice Quinn. Pendant que j’écrivais ce roman, j’avais vraiment envie de rester avec ce personnage, et de lui inventer tout un tas de catastrophes. Mais devant l’insuccès rencontré auprès des éditeurs, j’avais fini par renoncer à cette idée de suite. Bien entendu j’ai maintenant recouvré ce désir en même temps que mes lecteurs qui ont envie de la retrouver.
Cassiopée. Que pensez-vous du monde de l’édition des ebook ? Est-ce l’avenir ?
Alice Quinn. Je ne sais pas quoi penser des éditions numériques. Il est clair qu’en France les gens au pouvoir dans le monde de l’édition freinent le plus possible. Certainement pour gagner du temps, le temps de s’organiser, afin de ne pas perdre les prérogatives qui étaient les leurs jusqu’à présent.
Nous vivons actuellement une période de transition bénéfique aux auteurs. Elle ne va pas durer longtemps. C’est pourquoi je conseille aux auteurs de ne pas céder leurs droits numériques aux éditeurs, ou alors avec une date limite de reconduction, et de profiter de cette période.
Pour l’avenir je ne sais pas, je n’ai pas toutes les données. Je suis ok pour en discuter avec les personnes intéressées.
Cassiopée. Pouvez-vous me citer trois mots qui définissent la lecture selon vous ?
Alice Quinn. Liberté, évasion, découverte, plaisir, émerveillement, choc, gratitude.
Pardon je n’ai jamais su très bien compter…
Cassiopée. Quand sortira la suite d’Un Palace en Enfer ?
Alice Quinn. J’y travaille, mais je n’ai aucune idée de quand j’arriverai à terminer ce deuxième roman Au pays de Rosie Maldonne. Je suis un peu comme Rosie, je fais trop de choses à la fois, écrire a toujours été pour moi mon vrai luxe. C’est du temps que je m’offre.
Cassiopée. Avez-vous d’autres choses à communiquer à nos lecteurs ?
Alice Quinn. J’ai envie de leur offrir un mot en cadeau : joie. Ce n’est pas évident pour moi, ce n’est pas naturel, j’y travaille chaque jour, je m’y efforce, c’est quelque chose que j’essaie de construire. Merci, Cassiopée, de m’y avoir fait penser. Merci pour cet accueil dans vos pages.
15:22 Publié dans 07. Les plus récents entretiens avec des auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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