03/01/2012
La disparition soudaine des ouvrières, de Serge Quadruppani
Une chronique d'Albertine
Vous connaissez Montalbano, sicilien au patois très particulier : c’est Serge Quadruppani qui en assure la traduction en français.
Français mais ô combien italien par tous ses neurones, toutes ses papilles, tous ses affects. Et auteur de ce petit polar au format parfait pour être dévoré en une soirée. Court, bien troussé, parcouru de traits d’humour parfois carrément scatologiques, ce qui n’est pas pour déplaire à certains d’entre nous.
Serge Quadruppani nous entraîne dans une thématique très en vogue, inquiétante, et au cœur d’enjeux économiques et financiers peut être sous estimés. Marchandisation du vivant par le biais de son contrôle technologique : OGM, pesticides, nanotechnologies… contre gentilles abeilles fertilisant gratuitement nos prairies.
En dépit de la rapidité du récit, nos personnages sont bien campés : Simona, une commissaire internationalement connue pour son action anti mafia et Marco, son mari questeur récemment retraité, sont en vacances dans une vallée alpine. Ce couple bien rodé dans la dispute conjugale et la frénésie amoureuse (en dépit de leur âge « avancé ») découvre chez un apiculteur un cadavre proprement tué par une arme compromettante pour la commissaire. Les deux époux savent se séparer lorsque rien ne va plus entre eux, si bien que Marco part en villégiature au bord de la mer tandis que sa commissaire de femme va mener l’enquête, piquée au vif par son involontaire implication dans le meurtre..
Nous découvrons avec elle une palette de personnages croqués dans leur singulière singularité et surtout étonnants par les retournements psychologiques qu’ils nous ménagent : l’adjudant de carabiniers Calabonda, tête à claques mais amateur de wikipédia ; le journaliste Felice du Quotidiano Delle Valli, transi de timidité, qui n’appartient pas aux services secrets comme le croit notre commissaire Simona mais à un cercle soutenu par la multinationale qui est au cœur du sujet… ; Minoncelli, Giovanni de son prénom, superbe héros apiculteur anti OGM/pesticides… compromis lui aussi à son corps (magnifique) défendant ; le professeur Marini, spécialiste des abeilles, extraterrestre vengeur ; les frères Signorelli, l’un directeur de la multinationale criminelle au nom prédestiné : Sacropiano, l’autre directeur du journal local précité, dont la fraternité est très relative pour ne pas dire fratricide ; sans oublier le procureur Evangelisti, un ami de trente ans pour Simona, mais qui connaît et fréquente les secrets services de l’Etat dont elle craint l’intervention, ou enfin Mehmet Berisha le berger, amant du mort initial (car il y en a d’autres en cours de route) et qui détient la clef de l’énigme qu’il ne livrera qu’à Simona.
Simona est bien notre héroïne, celle qui donne à toutes les ménagères de plus de cinquante ans l’espoir qu’on peut frôler le troisième âge et être néanmoins désirable, déliée dans son corps et dans sa tête, à armes égales avec son ronchon de mari. Elle naviguera tel un petit navire à bon port, se faisant le plaisir d’accomplir le dernier acte de cette vilaine histoire de multinationales-monstres-froids-prédateurs de notre encore belle nature. Dévoiler au monde leur activité secrète va-t-il les empêcher de « remplacer les abeilles par des nano robots autoréplicants » ? La question reste posée, hélas.
Et merci à Serge Quadruppani, qui aime tellement les vivants, et nous fait bien rire.
Albertine, 3 janvier 2011
A lire également : la nuit de la dinde, de Serge Quadruppani, une chronique d'Oncle Paul.
La disparition des ouvrières
Serge Quadruppani
Le Masque (7 septembre 2011)
17 €
Présentation de l'éditeur
En vacances avec son mari dans une sublime vallée italienne, la tranquillité de la commissaire Simona Tavianello sera de courte durée. Une série de meurtres inexpliqués va bientôt bouleverser la région et Simona ne résistera pas longtemps à se mêler de l’enquête. D’où viennent ces tracts signés « La révolution des abeilles » ? Pourquoi s’en prendre à un apiculteur a l’air inoffensif ? Que cachent les activités de la multinationale d’agro-alimentaire Sacropiano et quelles expériences peuvent bien être menées dans ses laboratoires ? Entre militants écologistes radicaux et industriels puissants qui s’allient aisément les représentants de l’ordre, la commissaire Tavianello aura toutes les peines du monde à garder la tête froide et à ne pas se laisser embarquer dans une nouvelle théorie du complot. Heureusement Marco, son mari, commissaire et tout jeune retraité, veille…
13:24 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |