04/01/2012
Entretien avec Claude Soloy
Après sa chronique sur le roman de Claude Soloy, publié aux éditions Krakoen les algues mortes, Cassiopée a demandé à Claude Soloy s’il acceptait le principe d’un entretien. Le résultat, que nous vous présentons ici, est une réflexion d’une grande force, d’une exceptionnelle densité, sur l’écriture, la vie, l’art, la création, dans laquelle Claude Soloy se livre avec profondeur et intelligence. D'ailleurs, plus qu'un entretien, il s'agit, selon le mot de Claude Soloy, d'un petit roman pour une interview, qui fera date dans nos publications !
Photo W.D. CORDIER PETIT ROMAN POUR UNE INTERVIEW
Cassiopée. Si je vous dis : « La terre est bleue comme une orange ».
Vous me répondez :
- C’est faux…
- C’est beau…
- C’est Paul….
- Mouais pas mal mais je sais faire aussi…
Claude Soloy. Ni faux, ni beau, ni Paul, ni touais ni mouais… mais évident ! Eluard n’avait pas le regard bleuté du lointain cosmonaute découvrant notre planète, mais il avait « poétiquement » anticipé sur une vérité, il savait… Quant à l’orange, c’est son affaire. Ça pourrait être un autre fruit ou une voyelle de Rimbaud, à la condition que ça soit bien rond, une pomme ou un O… Les goûts et les couleurs, c’est sacrément culinaire…
Cassiopée. Vous jonglez avec les mots comme un magicien avec les cartes. Pour vous l’écriture est-elle une forme de magie ? Pensez-vous que derrière les mots chacun peut voir apparaître son propre imaginaire ?
Claude Soloy. Je respecte les mots que j’emploie : ils sont ma propre chair, mon prolongement, mon souffle ! Et je dois avouer la relation incestueuse que je développe avec eux, je les caresse avec une infinie tendresse quand ils s’échappent de ma plume, je m’étonne d’eux (de moi) quand ils m’enfantent des lexiques inconnus au dictionnaire. Je n’accepte pas n’importe qui, je les trie, leur remonte la virgule, corrige leur accent, les parenthèse, leur cloue le point… Je les mets en bouche, les fait rouler sous la luette et sonner dans mon « engueuloir » car je me sermonne quand ça s’égosille de travers. Le mot est une carte à jouer, pourquoi pas, c’est aussi une mouche vrombissante qu’il faut saisir au vol, apprivoiser, assaisonner à sa sauce, quitte à lui couper une patte… Je ne peux séparer le mot du bruit qu’il fait, des mariages ou des divorces qu’il entretient avec ses semblables, c’est pourquoi je le dis, le chuchote ou le crie quand il s’inscrit sur la feuille de l’écran. Il y une épaisseur physique dans le mot, de la gravité au sens de poids même quand il parle d’elle ou d’aile, des choses légères de la vie et de ses longs fleuves tranquilles.
L’écriture, c’est une forme de jonglerie qui tient de la magie, pourquoi pas, ou plus précisément d’une technique à affiner en permanence. C’est un jeu savant qui ne souffre pas l’à peu près. L’écriture, pour moi, ne peut se résumer à une histoire comme on a trop tendance à le faire, idem pour un film. Chacun peut raconter une histoire ou se faire son film ! Ecrire un polar ou une quelconque fiction, avec un début, un évènement trouble-fête, des conflits qui se résolvent ou pas, une fin ouverte ou bien fermée, le fameux schéma dit de narration… ça se comprendra mais ça sera du sur mesure sans intérêt qui n’émoustille pas l’imaginaire. C’est là le principal défaut de la critique qui ne commente l’histoire que trop souvent, au détriment du reste…
Se pose, bien sûr, la fausse opposition du fond et de la forme, indissociables. Sans cette dernière que j’aurais tendance à privilégier pour qu’il y ait un véritable travail d’écriture, il n’y a rien, ou si peu… La forme ne se réduit pas à une structure inodore, incolore et sans saveur, c’est une chaîne de maillons sonores et trébuchants déjà porteurs de sens. L’ « histoire », en quelque sorte, s’y inscrit en filigrane jusqu’au moment où elle impose son scénario, faisant oublier la virtuosité de l’apprenti magicien. L’écriture est un acte de création, ce qui suppose qu’on se surprenne avant de surprendre un lecteur potentiel. J’ai toujours refusé les mots qui s’enfilent comme de l’ingrédient à brochettes, ça m’ennuie ; la pression qu’ils exercent les uns sur les autres appelle presque naturellement tel ou tel mot, aucune surprise dans ce cas, ainsi le dé de viande sèche jouxte la tranche de poitrine fumée qui le graisse, ainsi amour rime avec toujours, je préfère avec yaourt, c’est tellement plus sucré.
Cette jonglerie avec soi-même est un excellent exercice d’introspection. Sans aller jusqu’au divan, une modeste chaise paillée suffit, ou le siège d’une murette sous le soleil bleu, entre deux lézards. On se jette au fond de sa tête, on y parcourt les méandres des synapses en sachant qu’on n’en fera jamais le tour ; des choses surgissent, à la dérive, incohérentes, qu’on ordonne, qu’on associe aux éléments du vécu conscient, qu’on rejette ou qu’on falsifie… Alors se construit le roman qui n’est jamais la réalité mais qui porte des traces de réel et de folie. Il arrive qu’un lecteur trouve là-dedans écho à son imaginaire. Je le souhaite. Mais n’en fais pas une priorité…
Cassiopée. Dans «Les algues mortes », vous écrivez de différentes façons. Est-ce habituel pour vous ? Pourquoi avez-vous choisi de vous exprimer ainsi au risque de perdre un certain lectorat, qui sera dérouté, et peut-être rebuté par votre « originalité » ?
Claude Soloy. « Les algues mortes », tout comme « Le plancher des algues », sont construits selon trois strates de lecture : le soliloque obsessionnel dans lequel je n’utilise que le point comme signe de ponctuation, la narration sans exclamation ou interrogation, et le dialogue traditionnel. Ces trois champs d’écriture participent d’une contrainte que je me suis donnée pour « sonoriser » plus orchestralement mon travail et laisser au lecteur le privilège d’improviser sa partition sur une trame imposée. J’ai lu et relu mon texte, le retouchant ça et là, en jouant de tous les tons, en choisissant mes pauses respiratoires, me suis amusé à accélérer plus ou moins le débit, à le casser, j’ai interrogé ou pas, j’ai mis à plat l’exclamation… chaque lecture à voix haute m’a permis de fabriquer la variante d’un opéra originel que je ne connaîtrai jamais, et c’est là le paradoxe de la contrainte qui permet une élasticité du jeu, un éventail de possibles.
Je peux écrire autrement, multiplier les champs de manière plus discrète, les fondre et les dissoudre à tout moment pour les faire immerger sans qu’on s’y attende. Je ne conçois pas l’écriture, sa liberté, sans contrainte, alors qu’un observateur pourrait penser que je me laisse aller à l’écriture automatique. Je démarre sur un mot, une scène, une vision ; ça se structure sans que j’aie à le faire de façon consciente, et puis, petit à petit, j’entrevois les grandes lignes qui traversent, sous-tendent une « histoire » possible, m’obligeant à revisiter le texte originel pour en préciser le personnage ou la situation ; l’un de mes romans, « Le clown de Mongolie », hommage à Claude Monet, a été commencé par le milieu, sans que je m’en doute dans un premier temps ! Je racontais la rencontre amoureuse du clown et d’une belle dame, et j’ai senti la nécessité d’étoffer leur psychologie, de leur fabriquer un passé. J’ai donc balayé la feuille de gauche à droite et littéralement bâti la chose à partir de son centre. Il peut arriver que je commence un récit par la fin, sans le savoir, évidemment…
Chaque travail est un choix délibéré, qu’il s’agisse de l’élaboration d’une nouvelle, d’un roman, d’un haïku… Je ne me pose jamais la question du lecteur, ou alors oui, puisque je suis mon premier lecteur. Je m’interdis toute concession à la facilité, à ce qui coule de source comme on dit familièrement, j’aime me surprendre, me tendre des pièges, c’est le prix de ma jouissance à écrire ; le reste m’indiffère. Créer, pour moi, n’est pas reproduire ce qui est, c’est anticiper sur un sens, une façon, c’est un art d’exister, le mien… Ça peut, je le conçois, désarçonner le lecteur et lui faire perdre définitivement le goût de me lire, mais qu’importe ! Je n’écris pas pour séduire autrui. J’espère, cependant, qu’un minimum de dialogue puisse s’instaurer avec l’autre, un hochement de tête me suffit, le fameux miroir…
Cassiopée. Je pense que l’écriture fait partie de vous, vous est indispensable. Est-ce que je me trompe ? Quand et pourquoi êtes-vous venu à l’écriture pour « communiquer » sous forme de roman ? Votre style particulier s’est-il imposé à vous ou avez-vous voulu faire « différent » pour renouveler le genre ?
Claude Soloy. L’écriture est en moi depuis toujours, depuis que j’ai appris à produire des sons, à parler, à maîtriser d’autres outils de communication, ceux de la lecture- écriture et des arts plastiques qui ont joué un rôle décisif dans ma vie ( Ma vieille tante Angélina, robe longue et corsage à dentelle, buste raide et chignon à l’ancienne, promenait son chevalet et ses aquarelles - sentant venir sa fin prochaine, elle m’en fit le cadeau somptueux - dans les champs de coquelicots de la Normandie et ses chemins encaissés… Il y a toujours eu chez moi, quand j’étais enfant, des revues et des livres, ceux de la Collection verte, Rouge et Or, les journaux « féminins »… du papier à dessin, des crayons, de la gouache… Mes parents n’avaient aucun « don » particulier pour l’écriture à part le fait qu’ils mettaient un point d’honneur, chaque année, à rédiger leurs bons vœux, et qu’ils lisaient des tonnes de romans-photos qui ont nourri mon adolescence, ( Chaque dimanche, sur le marché, mon grande père m’achetait une « poignée » d’illustrés, les invendus de la semaine…) On écoutait la radio avec ses airs à la mode, ma mère chantait toute la journée, Tino Rossi, Luis Mariano, Berthe Sylva et son inséparable bouquet de roses blanches, et on se faisait les opérettes filmées en technicolor et les « revues » du petit théâtre où ça chantonnait pas mal… Tel fut mon univers : riche. Si j’ai, pendant de nombreuses années, mené de pair les arts plastiques, l’écriture théâtrale et la mise en scène, l’écriture romanesque, je constate qu’il y a entre ces activités de création des convergences, je serai tenté de dire une véritable collusion (Collision ?) de genres.
Quand j’écris, je vois et j’entends. Je sens, éventuellement. Le mot est à la fois une silhouette colorée et un bruit que je mets en scène. Quand un oiseau se déplace, je perçois le ciel dans lequel il évolue ainsi que le froissement de son cœur, je visionne les lumières qu’il traverse et qui moirent son plumage. Pour moi, écrire, c’est peindre en musique, c’est me jeter dans un tourbillon de signes cacophoniques dont je dois percer le mystère par essais successifs… J’ai toujours nié le concept de la page blanche, je la vois noire, épaisse, et c’est sans doute pour cette raison qu’elle ne m’effraie pas, prête à être grattée pour en faire émerger les mémoires enfouies, comme autant de touches de couleurs ne demandant qu’à s’épandre au grand jour. C’est la boîte noire du théâtre en attente de sa représentation…
Ça me fait penser aussi au sculpteur ou au tailleur de pierre qui cisèle le dur du matériau pour en faire jaillir une forme, comme si cette dernière était prisonnière de la matière première… Je vois, je palpe, prioritairement. C’est très proche de la peinture, et pas forcément au couteau (celui du polar…) Quand je peins, la première touche n’est jamais « le premier mot » en haut et à gauche ! Elle est le centre, ou ses environs, le cœur instable de la cible. Et c’est autour et à partir de lui que se construit mon propos. Il en va de même pour mes écrits, les brouillons, qui se baladent en électrons libres sur mes bouts d’écran et qui refusent qu’on les déchiffre de gauche à droite selon l’axe de lecture occidentale. Mais, on les lira de cette façon, bien entendu, quand ils auront trouvé ligne à leurs pieds, je ne suis pas un jeu de piste torturée!
Ecrire, pour moi, c’est plonger dans des eaux insoupçonnées, les miennes, mais je ne suis jamais certain d’en connaître les profondeurs. J’attends qu’elles m’étonnent. Ça fait des cercles concentriques, mais pas forcément, c’est de l’univers en expansion. La vie, c’est un peu ça. On se déplace avec des cerceaux de hula hoop autour du nombril, leurs diamètres sont variables et croissants, ça peut vous déstabiliser.
Les mots, les touches de couleurs… sont comme la vie ; on ne peut tirer indéfiniment dessus, les étirer, il y a de la résistance et quand ça craque, les carottes du roman sont cuites. J’essaie d’aller jusqu’au bout des mots, de la phrase, je les presse jusqu’au phonème ultime. On tourne en rond, parfois. C’est un peu le nouveau roman qui ne date pas d’aujourd’hui. Je pense à Gustave Flaubert et à son Bouvard et Pécuchet, deux héros de l’échec qui ne peuvent que recommencer inlassablement leurs expériences désastreuses ; l’écriture qui se mord la queue, montrant ainsi sa propre limite, voire sa négation. J’ai évité cette stratégie du néant dans « Le plancher des algues », la fin en était suffisamment entrouverte pour que vivent « Les algues mortes »…
Le roman a toujours été en moi. Amorcé. Il s’est épanoui, arrondi avec l’âge. Mon premier roman, une longue nouvelle, a été écrit quand j’avais 18 ou 20 ans, pas édité à ce jour, mais ça viendra. Il y a mes pièces de théâtre qui ont été jouées, j’ai créé la compagnie du Théâtre de l’Ecart (Ecart par rapport à la norme, à l’attendu…), sorte de théâtre laboratoire, j’ai joué la comédie… Pour revenir au sujet qui nous intéresse, je n’ai jamais voulu faire « différent » pour renouveler je ne sais quel genre, mon écriture est sans doute différente, elle est, et voilà ! Je suis animé de ce besoin irrésistible de créer, de dépasser ce que je crois maîtriser dans les domaines des arts que je pratique, je n’accepte jamais dans son intégralité la première image qui me vient, trop commode, trop facile, pas dynamisante, pas exaltante, pas jouissive. Le plaisir, chez moi, est lié à l’invention.
Cassiopée. Quels sont les auteurs que vous appréciez ? Pourquoi ?
Claude Soloy. De Rabelais à Rabelais en passant par. J’en cite dix, il y en aurait cent. Celles et ceux que j’ai étudiés au temps de ma jeunesse, culture générale oblige… Mes découvertes, le bouche à oreille… J’aime être surpris, dérangé… Les écritures fluides me ravissent dès lors que leurs eaux sont celles d’un bateau ivre… Prendre, m’approprier, élargir mon faisceau de connaissances, construire mon écriture.
On est toujours dans la culture de l’autre.
Un grand coucou à mon ami Allain Leprest, le Poète/ Chanteur de ce siècle qui s’est donné la mort sur les terres de Jean Ferrat, son comparse…
Cassiopée. Si vous aviez la possibilité de rencontre un écrivain contemporain, qui choisiriez-vous, pourquoi et que souhaiteriez-vous partager avec lui?
Claude Soloy. C’est fait. J’en ai choisi un : il se nomme René Char ; je l’ai rencontré deux fois, dans sa maison de l’Isle sur la Sorgue… J’avais le projet de mettre en scène l’une de ses pièces : « Claire » ; c’était OK, mais au dernier moment, alors que le travail de répétition était bien avancé et que le dispositif scénique se précisait, les éditions Gallimard s’y sont opposées ! Enorme déception pour toute l’équipe… mais j’avais rencontré René Char.
« René Char est ici, son chemin est facile.
C’est une maison bien dessinée, lestée de romarin.
Franchir le seuil…
23 juillet 1984 à 16 heures…
Le soleil apprivoisé est en ce lieu. Chaque bruit est un temps qui passe, chaque temps un écart de lumière précisant l’espace.
Picasso/ Matisse/ Les Autres/ s’étirent contre la cloison, ils ont tant de vie qu’un murmure les agite. Sur la cheminée un galet peint. A mes pieds, contre ma gorge : les livres, les manuscrits ; juste la liberté d’un carré sur la table de travail. Au fronton de l’armoire, les cylindres de papier riches de naissances. Et les mots de René Char s’y emboîtant… On se dit alors que la Poésie est simple car elle proclame l’essentiel. Ainsi la pénombre d’une pièce sous le volet fendu : c’est l’œil qui décide du nuancier à jeter sur la muraille. Ainsi la Dame Blanche porteuse du panier d’abricots qui désaltèrent, et qu’elle assied sur la chaise ; la veste du jardinier est posée sur le dossier, ô cotonnade complice des cueillettes ! René Char évoque Camus, d’autres amis, nécessaires évidences. Ainsi l’abricot est un fruit qui se cueille mûr… Mangez-en, dit encore le Poète, ils sont frais.
Ô la belle leçon d’existence !
Dire est abricot. Il y a la juste maturation des mots, les saisir avant qu’ils ne s’écrasent, les organiser, leur imposer la flexibilité de d’osier, l’intelligence de l’Arbre… Croquer le fruit pour le modeler à son chant. René Char m’a appris l’abricotier pourfendeur de politiques incestueuses. J’ai touché la main du Poète, autographe de chair où le délié chevauche le plein, elle a versé dans ma poche les doux abricots ; Mes enfants et leur mère, sous d’autres arbres à m’attendre, y ont baigné leurs lèvres.
Ce fut mon premier mot de la Rencontre. Que dit le Poète, demande l’adolescent, sa maison, son regard, tout connaître…
Alors j’ai pris le fruit vrai et doré, j’ai dit : mangez-en, ils sont frais, René Char les a cueillis pour vous. Il est 18heures 30. »
Extrait d’un texte écrit en 1984 et que j’avais intitulé : La leçon de l’Abricotier.
Cassiopée. Le volet numéro trois de votre trilogie est en chantier, savez-vous déjà où il vous emmènera ou vous laissez –vous porter ?
Claude Soloy. Le dernier volet de la trilogie des algues est achevé : « Ulve la rouge » Sans doute est-ce le seul récit de cet ensemble dont j’ai perçu intégralement l’ « histoire » dès mes premiers brouillons. Une vraie fin s’imposait désormais car les personnages des deux premiers tomes étaient à bout de souffle, et les situations qu’ils auraient à vivre, inextricables, suicidaires. A force de faire mourir, symboliquement ou pour de vrai, génération après génération, sans héritier, et pas forcément par ordre d’âge croissant, la planète se dépeuple dangereusement ; nécessité de mettre un point final à ce carnage !
Cassiopée. Pouvez-vous me dire si vous êtes l’auteur de la photographie de couverture des algues mortes ?
Claude Soloy. Oui, j’en suis l’auteur, Et j’ai le privilège, aux Editions Krakoen, d’illustrer les couvertures de mes livres avec mes propres dessins ou photographies.
J’ai utilisé cette photo (Portrait d’un proche !), retouchée pour que toute ressemblance avec un personnage ayant… Je l’ai remodelée pour l’adapter à chacun des récits de la trilogie des algues. Le positif avec déformation pour « Le plancher des algues », le négatif inversé pour « Les algues mortes », et un gros plan flouté associant le positif et le négatif pour « Ulve la rouge ». J’ai voulu un visage ambigu, asexué, afin que le doute persiste quant à son identité. Pour moi, il évoque un chapeau d’algues nauséeuses collant aux neurones, annonciateur de drames ; les yeux du personnage sont inexpressifs, crevés, salés, noyés… Le renversement du positif en négatif suggère l’autre face du personnage, quelqu’un d’autre, un parent… c’est comme la bascule d’une feuille ; le recto et son verso. Il reste donc peu de choses pour une troisième version, ah si, le gros plan, comme une mauvaise éponge, le détail qui se mouille, se perd corps et biens… Les algues ont œuvré.
R.A.S.
Les trois photos constituent le fil conducteur d’une chronique, celle d’une mort annoncée, définitive.
Cassiopée. Avez-vous d’autres choses à partager avec nos lecteurs ?
Claude Soloy. Oui.
Offrir ma solitude.
Ecrire est un acte qui requiert la solitude…
Sans elle sans soi avec soi sans soi rempli des autres et de tous leurs bruits il n’y a aucune écriture à extraire de soi.
La feuille de l’écran ou du cahier n’est jamais l’autre, juste un support bien commode pour gratter le fond de soi. A jeter en pâture à l’imaginaire du lecteur.
Un oiseau se pose sur le bois de la fenêtre, et s’il frappe au carreau, c’est pour cueillir deux ou trois miettes, celles de la madeleine du jeune Proust qui grignote du bout des mots.
L’oiseau s’en va et son vol est un faisceau d’écritures impossibles.
Nuit.
Sang d’encre sur la solitude du ciel.
Claude Soloy
Un grand merci à Cassiopée dont la pertinence des questions m’a amené à réfléchir sur mon écriture.
07:20 Publié dans 07. Les plus récents entretiens avec des auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |