07/01/2012
Jusqu'à la folie, de Jesse Kellerman (chronique 2)
Une chronique de Liliba
Quand le jeune Jonah, étudiant en médecine surmené, se précipite à l’aide d’une jeune femme agressée dans la rue, il n’écoute que son instinct. C’est bien malgré lui qu’il tue l’agresseur et qu’il va faire la une des journaux. Il passe pour un héros aux yeux d’une grande majorité de la population, mais tous ne sont pas persuadés de sa totale innocence dans ce geste de défense, et notamment le procureur qui décide d’ouvrir une enquête. Jonah se passe et repasse la scène dans l’esprit et ne sait plus vraiment quel fut son geste et s’il n’a pas en effet accentué sa force pour tuer l’agresseur.
Lorsque la victime le retrouve pour le remercier, il trouve ça plutôt sympa, d’autant plus qu’elle est jeune et jolie. Malgré un emploi du temps de forçat et des gardes de nuit qui n’en finissent pas à l’hôpital où il doit gérer son stress, sa fatigue et les examens à venir, tout comme les brimades des médecins ou d’autres internes, il trouve un peu de temps à consacrer à Eve Gones, ravissante et surtout si originale, intrigante et parfois même déconcertante, ce qui l’émoustille pas mal…
Mais le comportement de la jolie Eve est de plus en plus bizarre et Jonah ne sait rapidement plus très bien où il en est…
Voici un roman dans lequel il faut prendre le temps de se plonger pour en découvrir toute l’horreur psychologique. Dans la première partie intitulée chirurgie, nous plongeons dans l’univers des hôpitaux et le rythme de vie que doivent supporter les étudiants, à la merci des médecins pour la réussite de leurs examens, et donc corvéables à l’infini. Jonah doit affronter le sang, la violence, les horaires de dingue, et l’univers rude de l’hôpital. Il fait de son mieux pour tenir le choc, tant physiquement que psychologiquement et justement, sa rencontre avec Eve lui permet pour quelques soirées ou moments privilégiés, de prendre du recul et de se reposer du stress qui le tient sur un fil depuis plusieurs mois.
Dans la deuxième partie, notre jeune étudiant se retrouve en stage dans le service psychiatrie, et là, tout se complique. En effet, il semble pris dans un engrenage terrible, ne sachant plus vraiment qui il est, ni quelles sont les limites de la réalité et de la folie. Imagine-t-il les situations, les crée-t-il par une force de volonté cachée ou bien est-t-il manipulé et trop fatigué pour faire la part des choses ?
On commence à vraiment angoisser pour lui, dont on ne sait pas s’il sortira indemne de cette année d’étude, comme de sa relation avec Eve. Devient-il aussi fou que ses patients ? Ou bien est-il au contraire tout à fait lucide et ce sont les autres autour de lui qui sont fous ? Jonah culpabilise, somatise et va mal… Il est pris dans une spirale infernale qui semble ne jamais pouvoir s’arrêter.
J’ai beaucoup aimé ce roman, et surtout la deuxième partie dans laquelle le suspense devient carrément insoutenable. Si le début est plutôt long à se mettre en place, on en comprend mieux la raison ensuite, puisque la première partie aura servi à nous brosser avec précision les traits des personnages impliqués dans cette histoire. On se sent mal à l’aise au fil des pages, on devient aussi paranoïaque que Jonah, brrrr…
L’univers hospitalier est extrêmement bien décrit, de même que l’ambiance toute particulière qui y règne, les relations entre médecins, internes, étudiants. On se croirait dans Urgence, mais en bien pire, puisque les vraies horreurs sont non pas sanglantes et physiques, mais bien morales. Car ce thriller porte sur l’univers de la folie. Celle de Hannah, l’ancienne petite amie de Jonah, celle de Eve, celle des médecins qui ont une vie de dingues, la douce folie du copain Lance totalement azimuté, celle de Jonah, qu’il sent poindre en lui… La folie que tout un chacun porte au fond de soi et qui, un jour, peut éclater et imprimer sa marque sur une personnalité.
Ce roman n’est pas un thriller traditionnel vite avalé et digéré. Non, il faut lui donner du temps, entrer dans l’histoire et en découvrir les protagonistes, apprécier le style de l’auteur, qui peut être aussi « clinique » et incisif que franchement littéraire dans ses descriptions. Bref, c’est un bon et beau roman, que je vous conseille !
11:55 Publié dans 02. polars anglo-saxons | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |