Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/02/2020

Dévorer les ténèbres, de Richard Lloyd Parry (People Who Eat Darkness)

007073229.jpgUne chronique de Cassiopée

Ce livre n’est pas un roman, c’est un récit, un compte-rendu d’enquête.

Richard Lloyd Parry est journaliste. Il était correspondant étranger, et se « reposait » au Japon (où il représente le Times) entre deux missions plus difficiles comme le Pakistan ou l’Irak. Dès le début de la disparition de Lucie Blackman, il a été fasciné par cette histoire. Il a suivi de près cette affaire et a rédigé de nombreux articles. Mais, il n’a pas pu en rester là, il a donc mené son enquête, espérant être celui qui la retrouverait…..

Dans ce recueil, l’auteur va d’abord prendre le temps de nous présenter la jeune femme. Lucie, 21 ans, couverte de dettes en Angleterre, est partie à Tokyo avec une amie. Pour quelques mois, afin de se remettre à flots. Toutes deux travaillaient dans un bar, où elles servaient de compagnie (de façon très chaste) à des hommes qu’elles essayaient d’inciter à dépenser beaucoup. Lucie avait été auparavant hôtesse de l’air. Pas vraiment en harmonie avec elle-même (dans son journal intime, elle dit qu’elle ne s’aime pas), elle essaie de faire face mais reste assez imprévisible. Un soir, elle fait un petit extra avec un client en dehors du club où elle travaille. Puis elle ne rentre pas. Sa compagne de chambre, Louise, s’inquiète mais elle reçoit un appel rassurant d’un homme qui signale que Lucie est entrée dans une secte et qu’elle demande qu’on la laisse vivre sa vie…. Cela lui semble bizarre et elle alerte la famille de sa copine.

S’en suivra une enquête, des recherches et après de longs mois, on retrouve l’homme avec qui elle avait passé la soirée, un certain Obara, pas net du tout, qui va être interrogé, suivi, accusé

Le journaliste va s’attacher à comprendre, à cerner, tout ce qui a été dit mais également tout ce qui a été tu. C’est impressionnant comme cette histoire a envahi son quotidien, à tel point qu’il diligentait des personnes pour assister au procès de Obara. Il a enquêté dans tous les milieux en lien avec cette disparition. Il est allé très loin dans ses investigations. Par l’intermédiaire de son récit, le lecteur découvre ce qui a amené Lucie à Tokyo, combien les rapports entre les membres de sa famille sont délicats. On se rend compte aussi que cette jeune femme avait une personnalité complexe, presque torturée parfois. Pour mieux saisir ce qu’il s’est passé, l’auteur nous emmène au cœur des mœurs japonaises (notamment la sexualité et le fait que les japonais sont à la fois attirés et apeurés par l’idée d’un mariage avec une occidentale), au plus près du fonctionnement de la police, de la justice et tout cela nous montre combien les repères sont différents lorsqu’on n’est pas dans son pays. Les parents de Lucie ne se positionnent pas de la même façon. Son père est à l’aise avec les médias, il en fait presque trop… Sa mère semble souvent en colère contre lui. Quant à Obara, dans quelques chapitres, on lit qu’il a un côté obscur, qui fait peur, qu’il est dangereux et on se demande comment Lucie a pu accepter d’aller avec lui ….  Était-elle manipulée, droguée ?

Richard Lloyd Parry a fait un travail remarquable. Je voudrais bien savoir comment son texte a été reçu au Japon car en filigrane, le déroulement de l’enquête, les méthodes, sont un peu écorchés.
Il a réussi à trouver un équilibre dans son compte-rendu entre la présentation de Lucie, la vie sur place, l’enquête, le procès, le portrait de l’accusé …. Il un ton très juste, il n’en rajoute pas, il reste factuel, il ne dramatise rien, il relate les faits et malgré tout il nous captive ce qui prouve que son écriture est prenante, son contenu intéressant puisqu’il réussit à maintenir l’intérêt de celui qui lit.

J’ai vraiment eu l’impression d’être de l’autre côté du miroir, au cœur des événements et de suivre ce journaliste pas à pas. Une belle réussite !

 

Enquête sur la disparue de Tokyo
Traduit de   Paul Simon Bouffartigue
Éditions : Sonatine (6 Février 2020)
528 pages

Quatrième de couverture

Lucie Blackman est grande, blonde et sévèrement endettée. En 2000, l'été de ses vingt et un ans, cette jeune Anglaise travaille dans un bar à hôtesses de Roppongi - quartier chaud de Tokyo - lorsqu'elle disparaît sans laisser de traces.