08/11/2021
Entretien avec Marco Pianelli
Après avoir lu "L'ombre de la nuit", Cassiopée a posé des questions à l'auteur: Marco Pianelli.
- Cassiopée : Un prénom inspiré d’une grand-mère corse, fils unique, des études de lettres, du goût pour les sports de combat, l’enseignement dans des pays de l’Est puis en France, voilà en gros tout ce qu’on sait de vous. Vous êtes assez secret. Ah non, j’oubliais, un goût prononcé pour l’écriture depuis toujours et c’est sans doute le plus important. Que vous apporte l’écriture ? Le sentiment de vivre, d’exister ? C’est un besoin, un exutoire, une détente ou …. ?
Marco : Un sentiment affirmé de vivre. Pendant longtemps je ne l’ai pas considéré comme une vie par procuration, mais la vraie vie, le seul endroit d’épanouissement, le reste n’était que le réel. Ce n’était pas par hasard que mes personnages masculins principaux étaient des héros au sens où je le concevais, j’avais besoin de vivre ce hors-norme. L’écriture était alors plus le biais nécessaire que de l’exploration de moi-même. Finalement Paco n’est qu’un aboutissement de cette expérience. Dans son genre il est une concrétisation parfaite d’un modèle viril, humain et cela peut paraître étrange, mais généreux. Aujourd’hui écrire demeure le lieu d’une expression vivace à défaut d’être totalement vitale.
- C : Votre roman « L’ombre de la nuit » met en scène une mère et un homme qu’elle rencontre. Il va l’aider dans sa quête de vérité face à la disparition de son fils. Ce sont des assoiffés de justice, est-ce qu’ils vous ressemblent ? Ressentez-vous de la colère face aux situations injustes ? Arrivez-vous à la canaliser ou est-ce que comme votre héros, Paco, elle vous habite ?
M : J’ai discipliné la colère, un des privilèges de l’âge, avec les rides et les douleurs au squelette le matin… Mais Paco est un héros et chez lui la colère n’est pas le moteur, seulement une réponse possible face à l’adversité. Plus que l’absence de justice, je crois que ce qui le motive (en réalité je sais) c’est une vengeance en suspens, comme une dette envers lui-même. Mais ça le lecteur aura l’occasion de le découvrir. « L’ombre de la nuit » est la matérialisation d’un héros qui substitue la fatalité au hasard.
- C : Comment vous est venue l’idée de ce roman, de ces personnages, surtout celui de Paco, assez atypique ? Qu’est-ce qui vous a inspiré ?
M : C’est d’abord l’ambiance qui a créé Paco. Je m’explique, pour « L’ombre de la nuit » j’ai commencé le récit comme il débute pour le lecteur : décrire un homme qui marche sous la pluie, la nuit. Je ne m’explique pas tout dans le processus de création, ou alors ce serait très long à raconter, mais si Paco est secret, si cette histoire se découvre à chaque pas, si les évènements rebondissent, c’est que je l’ai créé au fur et à mesure. Ce n’est pas toujours le cas. Donc si Paco est secret c’est que je ne le connaissais pas moi-même. C’est finalement un confort de lui laisser autant de latitude. Il s’est affirmé au fil des pages et m’a permis de profiter moi aussi des surprises que j’ai laissées pour le lecteur. Je voulais que « L’ombre de la nuit » soit l’allié qu’on demande au ciel, et l’ennemi que les autres redoutent.
- C : Allez-vous remettre Paco en scène dans un nouveau récit ? D’autres romans sont en cours ?
M : Oui et oui. Le prochain est entre les mains de mon éditeur, Jimmy Gallier. Vous pouvez lancer une pétition…
- C : Comment écrivez-vous ? De façon frénétique, appliquée, par à-coups, la nuit, le jour, en musique, sur cahier, sur ordinateur, à quel rythme ?
M: Anciennement, j’écrivais au stylo sur des cahiers. Pas d’ordinateur à l’époque. J’en ai encore quelques-uns de manuscrits, je m’y pencherai un jour ou l’autre. Maintenant j’ai discipliné ma pratique. Sur ordinateur directement, tous les jours ou presque (on n’est pas toujours maître de son emploi du temps comme vous le savez). Je travaille la plupart du temps au préalable avec un carnet de bord, par contre manuscrit. J’ai aussi écrit la nuit, par nécessité, mais je m’adapte. L’important c’est d’écrire. Comme la pratique du sport, c’est tous les jours, ou on régresse.
- C : Quels sont les écrivains que vous appréciez et pourquoi ?
M : Je ne vais pas me laisser tenter par l’exhaustivité, mais je ne peux pas réduire totalement la liste. Je parlerais d’abord d’Albert Cohen et surtout de « La belle du seigneur ». Peut-être un des dix plus grands romans d’analyse de la littérature française. Allez un peu de courage, le plus grand. La dissection de l’impossibilité d’aimer et d’être aimé, entrainant le lecteur au désastre sans qu’il ne cesse d’espérer, jusqu’à la fin inéluctable pour certains. Je découvre la littérature policière à la fac de lettres, une prof de stylistique grammaticale en partage son amour. J’ai oublié le nom de celle-ci, ce qui est totalement injuste, mais pas ce qu’elle m’a apporté. D’abord Daniel Pennac, et le roman policier ingénieux, lettré, drôle et actuel. Puis Tonino Benacquista. Une révélation. Un style énergique, une qualité romanesque inventive et avec plusieurs niveaux de lecture. Je pourrais citer une demi-douzaine de petits bijoux de la littérature. Fred Vargas ensuite. La meilleure ? Peut-être bien. La maitresse du contrepied et cette qualité d’entrainer le lecteur où elle veut avec une plume d’une rare qualité. Je dois aussi mentionner James Ellroy. Inévitablement. Ses romans noirs à l’ambiance posée, calibrée, au rythme changeant, au récit erratique parfois, mais sachant lui où il veut nous conduire et cette difficulté de mettre en lecture l’action avec succès. Enfin Harlan Coben, dont la mécanique parfaite reste une réussite à chaque fois et surtout son côté prolixe. J’adore : « un écrivain, ça écrit ! » et surtout il ne se moque pas de son lectorat, reste à sa place de romancier. C’est ce que j’aime aussi de ceux précédemment cités.
- C : On vous appelle demain pour adapter votre roman en film, qui voyez-vous dans les rôles principaux ? Des acteurs connus ?
M : Je connais très mal les acteurs français actuels, je compterais peut-être sur vos conseils, dans ce cas. Lanvin, il y a quelques années, ça aurait eu de la gueule ! Aujourd’hui, aussi bons soient les Dujardin, Lellouche, Magimel.. Je ne les vois pas dans le rôle de Paco. Ou peut-être Joey Starr ? Sinon dans le cinéma américain, ou anglo-saxon, je pense immédiatement à Gérard Butler. Physiquement, il en impose et il a déjà incarné des héros virils, séduisant sans vouloir être beau. Ou encore Chris Hemsworth. Mais il a le défaut d’être trop beau ! Mais quel charisme et cette qualité dans le jeu, la nuance d’intensité de son regard… J’imagine très bien aussi Ben Affleck, en plus il pourrait le réaliser ! Un acteur qui sait jouer le mutisme et les ombres, et pas besoin d’évoquer son physique. Dans un autre genre, mais pas tant que ça, Daniel Craig. Une animalité presque métallique dans le regard, le jeu à l’économie et un visage à mille facettes. Là encore un physique qui va avec. Et enfin, Henry Cavill. Plus ténébreux, plus charmant aussi, mais une machine à jouer, comme j’aime.
- C : Pour vous définir, pouvez-vous me donner : une couleur, un lieu, un mot ?
M : J’aurais pu dire le noir, sans que ce soit faux, mais un peu facile. Alors je dirais le marron. J’aime cette couleur, et ses nuances. C’est peut-être un peu l’automne idéal. Un lieu : la montagne. Les Alpes. Quelle que soit la saison ou la météo. Un mot c’est plus dur… en tout cas, j’ai dû réfléchir. Alors je pense à endurance. Résilience est un peu exagérée me connaissant, mais par contre je tiens la distance. J’écris comme pour un marathon. Beaucoup, longtemps, inlassablement.
- C : Avez-vous quelque chose d’autre à partager avec nous ?
M : Là, je ne vois pas. J’ai aimé vos questions et j’ai réfléchi avant d’y répondre. Je vous remercie de l’attention que vous m’avez portée. J’espère rencontrer des lecteurs lors des salons et prolonger l’aventure de « L’ombre de la nuit ».
17:37 Publié dans 07. Les plus récents entretiens avec des auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |