Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/09/2019

L'horizon qui nous manque, de Pascal Dessaint

couverture+.pngUne chronique de Cassiopée

Comme on marche, on rêve.

Ces trois là n’avaient aucune raison de se rencontrer, encore moins de raisons de vivre en presque communauté. Et pourtant ce trio improbable est réuni dans un espace aussi atypique que chacune de leur personnalité fracassée par la vie.

L’un est un habitant du coin, Anatole, retraité, chasseur, qui sculpte des « appelants », ces oiseaux de bois censés attirés les vrais pour que pan….le fusil crache sa cartouche. L’une, Lucille, est une jeune enseignante qui s’est engagée pour apporter un mieux dans la « jungle » de Calais, mais face aux déceptions successives et au démantèlement, elle a choisi de prendre du recul et s’est installée dans une vieille caravane sur le terrain du premier. Le dernier, c’est Loïk, le plus trouble, un être imprévisible, qui fuit quelque chose ou quelqu’un ou sa propre existence. Il a passé du temps à l’ombre, comme ceux qui ont un dû envers la société et qui doivent payer. Par bribes, on découvrira son histoire, enfin seulement ce qu’il veut bien en dire…. Lui a élu domicile dans l’ancienne friterie, le cabanon d’Anatole qui n’est plus en service. Il l’a sommairement retapé et s’est installé. A ce groupe, on peut rajouter un policier assez discret et un ornithologue (d’ailleurs il est beaucoup questions d’oiseaux dans cet ouvrage). Tous sont des personnages réalistes mais loin des conventions et des normes.

Ils sont donc trois sur un même terrain mais dans des logements distincts. Ils vivent côte à côte, pas souvent ensemble, les échanges sont réduits au minimum car chacun reste sur ses gardes, souhaitant sans doute protéger son jardin privé. L’équilibre est fragile mais tient parce que, soigneusement, ce qui pourrait être source de conflits, est évité. « Ce n’était pas le monde que nous voulions, et pourtant nous y vivions, sans trop de désir mais avec une certaine volonté. »

Mais on est au bord de la mer et il arrive qu’un minuscule grain de sable enraye une machine qui tourne à peu près correctement…. Et voilà comment le quotidien se transforme et devient nettement plus difficile à gérer. Est-ce parce que Loïk a trouvé un boulot mais se sent incompris par son supérieur, est-ce parce que l’amoureux des oiseaux dérange le chasseur ? Ou tout simplement parce que le mal-être des protagonistes refait surface et qu’ils sont mal dans leur peau, donc dans leur vie et de ce fait, tout peut exploser d’un moment à l’autre ? Ou alors : « Le hasard qui ravage l’existence. »

L’écriture de l’auteur est toute en retenue, faite de mots qui font mouche, accompagné de citations de Gabin (Anatole est fan) et de chansons de Jean-Patrick Capdevielle, des Rubettes ou d’autres….. Elle est un brin languissante et il faut découvrir entre les lignes, les messages portés par Pascal Dessaint. Le rythme suit les activités des hommes, le plus souvent sans précipitation et puis de temps à autre, un événement qui oblige à agir, vite.

J’ai tout de suite aimé la photo de couverture. J’imagine la fenêtre de la caravane, ouverte, les chants des oiseaux au loin, le bruit de la mer et du vent, le sable qui rentre parfois quand ça souffle fort, et Lucille, allongée sur la couette qui se questionne en se demandant de quoi sera fait demain…. J’ai apprécié que ces laissés pour compte se soutiennent, même en disant le contraire, comme si la pudeur les empêchait de reconnaître qu’ils avaient créé des liens. L’atmosphère est porteuse de sens et le fait de donner la parole à ces trois « cabossés » est une belle reconnaissance pour tous ceux qu’on oublie…..En résumé, cette lecture a été une parenthèse enchantée.

 

Éditions : Rivages (18 septembre 2019)
223 pages

Quatrième de couverture

Entre Gravelines et Calais, dans un espace resté sauvage en dépit de la présence industrielle, trois personnages sont réunis par les circonstances. Laissés pour compte ? Pas tout à fait. En marge ? C'est sûr. En tout cas, trop cabossés pour éviter le drame.