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12/03/2014

Le jardin de bronze, de Gustavo Malajovich

jardin_de_bronze.jpgUne chronique de Richard.

« Le jardin de bronze » est une de mes premières incursions dans le monde du polar argentin. Il est vrai qu’en général, je connais très peu la littérature de l’Amérique du sud ; Gabriel Garcia Marquez et Mario Vargas Llosa sont mes seuls repères (quand même pas les moindres !). Alors, appel à tous. Il serait intéressant que vous, lecteurs de mon blogue, vous nous fassiez part dans les sections commentaires, des incontournables à lire pour une bonne introduction à cette littérature, peu connue.

"Le jardin de bronze" est le premier roman de Gustavo Malajovich traduit en français. Il faut reconnaître à la maison Actes Sud, sa capacité à nous faire découvrir les bons filons ( et ses pages couvertures fascinantes). Cet auteur argentin, architecte de son métier, maintenant scénariste pour la télévision, nous propose un roman touffu, dérangeant, avec un style unique et une gamme d’émotions bien présentes. Cette porte d’entrée à l’œuvre de cet auteur (il semble que ce soit le début d’une série) et à la littérature argentine est pleine de promesses.

« Le jardin de bronze » est un roman inquiétant, un peu déstabilisant et qui transporte le lecteur dans un imaginaire tout à fait particulier, un monde étrange qui côtoie quand même, une réalité plus normale. Une réalité plus normale ? Non pas vraiment ! Lila et Fabian vivent ensemble avec leur fille Moïra ; plus ou moins heureux, un peu en questionnement mais surtout rassemblés fragilement par la présence de leur fille de quatre ans. S’ajoute à la famille, Cecilia, la « baby-sitter » qui s’occupe de la petite.

Puis le malheur arrive ! Cecilia et Moïra se rendent en métro à une fête ; jamais elles n’arriveront. On perd leur trace dans le métro de Buenos Aires. Puis, on retrouve, dans une arrière-cour, le corps de la nounou, troué de deux balles à la poitrine et avec une étrange blessure au cou. Aucune trace de la petite Moïra.

Commence alors un long calvaire pour les parents ! Insupportable ! L’enquête piétine, la police cherche mais les zones d’ombre sont nombreuses et infranchissables. Font-ils le maximum ? Mettent-ils toute l’énergie nécessaire ? Cachent-ils des faits ? Protègent-ils quelqu’un ?

L’incertitude, le découragement, les questions sans réponses viennent à bout de la résistance et du courage de la mère. Abattu mais encore capable de se battre, Fabian, le père, s’allie avec un détective privé aux méthodes d’investigation qui ne plaisent pas à la police locale. Une complicité s’installe entre le père et le détective, complicité qui dépasse le simple engagement d’un privé dans une affaire d’enlèvement.

Les mois passent, la disparition de l’enfant ne fait plus la une des médias et le père, muni de son mince bagage d’espoir, croit toujours que sa fille est en vie. Voilà toute la puissance de ce roman : la capacité de l’auteur à immerger le lecteur dans les pensées, les malheurs et les émotions de son personnage. L’intimité se crée entre le personnage et celui qui tourne les pages ; on devient graduellement ce père, perdu, malheureux, qui cherche désespérément un sens à cette perte immense et qui nourrit un espoir qui se matérialisera, un jour, dans une petite araignée sculptée dans le bronze.

L’auteur nous invite à un véritable voyage dans un Buenos Aires noir, peuplé de mendiants, de junkies apeurés, de bars mal famés et de rues sinistres, très loin des lieux touristiques et sans la musique du tango argentin.

« Le jardin de bronze » s’avère une lecture fascinante malgré le malaise qu’elle crée chez le lecteur. Juste à la lecture du préambule, on se sent comme décontenancé, un peu en déséquilibre, par ce personnage anonyme qui avoue, dès les premières phrases :

« Aujourd’hui, dans le ravin, il s’est produit quelque chose de terrible.

J’ai dû tuer papa. »

Voilà le ton est donné ! La quête commence ! Il nous reste 525 autres pages pour découvrir ce monde étrange et fascinant du jardin de bronze. « Le jardin de bronze » est le roman de la détresse, du découragement et de l’espoir. Un roman envoûtant qui vous laissera sans voix.

Il me semble que « Le jardin de bronze » est le premier roman de Gustavo Malajovich. Soyez certain d’une chose, j’attendrai son prochain avec beaucoup d’impatience. S’il recrée une atmosphère aussi prenante, s’il nous tisse une intrigue aussi bien ficelée et s’il est capable de nous replonger dans cette Argentine aux accents inquiétants et si ses personnages arrivent à nous toucher toujours autant, nous serons sûrement nombreux à admirer ses futurs jardins.

Voici quelques extraits :

« Elle le regarda avec des yeux qui avaient la couleur d’un fleuve en mouvement. »

« Il cherchait quelque chose qu’il devinait tout proche, mais sans pouvoir le définir. Vision périphérique, une matière fuyante que l’on ne captait qu’avec la partie latérale de l’œil, qui s’évanouissait si on la regardait de face. »

« Le visage de la femme obéissait à une géométrie plus représentative d’un tableau cubiste que d’un être vivant. »

Bonne lecture !

 

Richard, Polar Noir et blanc

Le jardin de bronze

Gustavo Malajovich

Actes Sud, actes noirs

2014

526 pages