14/10/2013
Les impliqués, de Zygmunt MILOSZEWSKI
Une chronique d'oncle Paul.
Quoi de plus reposant, de plus serein, de plus calme, de plus indiqué qu'un ancien monastère pour suivre une thérapie de groupe, une constellation familiale selon la formulation du psychiatre Cezary Rudzki.
Il a réuni quatre personnes pour un week-end et ses patients couchent dans des cellules séparées et austères. Monacales en un mot.
Seulement le samedi matin, l'un des participants est retrouvé mort, une broche à rôtir enfoncée dans l'œil droit. Le procureur Teodore Szacki est en charge de l'affaire, assisté du commissaire Oleg Kuzniecov. La piste du suicide est envisagée car un tube de somnifère a été retrouvé dans la cellule du mort. Seulement il faudrait un courage inconscient à un individu pour s'enfoncer ainsi un objet pointu dans un globe oculaire.
Teodore Szacki interroge les différents participants à ce jeu de rôle particulier au cours duquel chaque personne interprétait un membre de la famille du sujet soumis à la thérapie. Et lorsqu'il n'y avait pas assez de monde, des chaises jouaient le rôle de figurants. D'ailleurs Cezary Rudzki montre au procureur une vidéo qui a été enregistrée le samedi, Henryk Telak étant confronté aux autres membres de cette réunion. Telak, directeur de la société Polgrafex, une imprimerie, avait perdu deux ans auparavant sa fille qui s'était suicidée. Son fils plus jeune est atteint d'une maladie cardiaque qui lui laisse peu d'espoir de survie. Et l'une des participantes devait jouer justement le rôle de la fille de quinze ans.
Alors qu'il attend Hannah Kwiatkowska, trente cinq ans, les autres patients étant Barbara Jarczyk, soixante ans, et Ebi Kaim, quarante ans, une jeune femme s'introduit dans le bureau deTeodore. Elle se présente comme étant Monika Grzelka, une journaliste qui d'habitude couvre les faits-divers et dont c'est la première fois qu'elle doit rédiger un papier sur une affaire criminelle. Fort avenante Monika impressionne Teodore qui, s'il n'en perd pas se moyens, se promet fort de la revoir. D'ailleurs c'est ce que Monika demande, puisqu'elle doit couvrir l'affaire.
Les dépositions des témoins, où plutôt des membres du groupe de thérapie, puisque personne n'a assisté au meurtre, madame Jarczyk ayant découvert le cadavre dans une crypte, une fois enregistrées, c'est au tour du thérapeute de donner sa version des faits. C'est lors de cet entretien que le procureur visionne la vidéo.
Mais Teodore n'a pas que cette affaire sur les bras et sa supérieure lui demande instamment de se dépêcher sans pour autant boucler le dossier et le classer sans suite. Au cours des funérailles auxquelles il assiste, il lui semble que la femme du défunt et son fils ne sont guère affligés.
Attardons nous maintenant sur Teodore Szacki et sa vie familiale. Avec Weronika, sa femme, avec laquelle il vit depuis quatorze ans, d'abord en union libre puis le mariage, ce n'est plus la fougue des débuts de leur liaison. Seule sa fille, Hela, sept ans, compte pour lui. Presqu'une relation fusionnelle. Mais à bientôt trente six ans, il se sent fatigué, vieux avant l'âge. Ses cheveux sont blancs, car il a pensé perdre Hela quelques années auparavant, et ces histoires de suicides ne sont pas là pour lui redonner le moral. Toutefois son attirance envers Monika ne se dément pas, et la jeune femme semble prendre un malin plaisir à le provoquer. Ils se donnent rendez-vous dans des cafés, dans un parc qu'il fréquentait souvent enfant et correspondent par mails. Mails qu'il efface soigneusement et dont il impute la faute à son travail lorsque sa femme est là. Mais il ne roule pas sur l'or et il lui faut calculer ses dépenses, afin de ne pas mettre en péril la comptabilité du ménage. Il est également un adepte des jeux vidéos.
Teodore se pose de nombreuses questions sur le meurtre de Talek. Par exemple, la découverte de grilles de loto, et plus particulièrement une combinaison qui figure sur chaque bulletin : 7, 8, 9, 17, 19, 22 (tentez votre chance !) et il est persuadé que ces numéros n'ont pas été choisis au hasard. En relisant les rapports, les dépositions, en discutant avec le policier Oleg Kuzniecov, il a l'impression qu'un élément lui échappe. Cette pensée le taraude mais il n'arrive pas à mettre le doigt, façon de parler, dessus. D'autant qu'en parallèle il doit s'occuper d'autres affaires, des dossiers en souffrance. En reprenant les numéros de loto, il pense qu'il pourrait s'agir de dates, aussi il se plonge dans des archives, compulsant d'anciens journaux. Les numéros fétiches de Talek doivent se référer à des épisodes du passé, mais lesquels ?
Peu à peu, ce qui n'était au départ qu'un roman d'énigme, quatre personnes cloitrée dans un lieu clos, chacune d'entre elles pouvant être considérée comme le ou la coupable idéale, se transforme en roman historique. En effet il faut à Teodore se plonger dans le passé de la Pologne, celle d'avant la chute du mur de Berlin, et s'intéresser au fonctionnement des services politiques et sécuritaires. Car, comme le fait si bien remarquer un de ses interlocuteurs, un historien, les services de sécurité s'ils ont été abrogés, les hommes qui en dépendaient n'ont pas pour autant été chassés. Il consulte également un collègue de Cezary Rudzki afin d'avoir un avis différent. Et Teodore ne sait pas qu'un vieil homme suit de loin son enquête.
On appréciera la visite guidée de Varsovie, un parcours semé de monuments mais sur l'architecture desquels l'auteur ne s'appesantit pas trop afin de distraire le lecteurs de l'intrigue. Quelques réparties humoristiques sont placées ça et là afin de détendre l'atmosphère, comme dans la vie courante, de même que la scène du supermarché où Teodore effectue ses emplettes sent le vécu.
L'histoire se déroule du 5 juin 2005 au 17 juin 2005, avec une impasse sur les 12 et 16 juin, chaque date équivalant à un chapitre et se clôture le 18 juillet de la même année. Chaque chapitre est précédé de brèves de journaux, décisions politiques, faits divers et culturels du monde et de la Pologne, météo du jour. Ce qui permet de se remémorer certains événements.
Si des auteurs polonais ont déjà été traduits en France, dans le domaine de la SF notamment avec Konrad Fialkowski dans la collection les Best-sellers de la Science-fiction au Fleuve Noir, c'est à ma connaissance la première fois qu'un auteur de romans policiers l'est. Et les éditions Mirobole entendent bien continuer dans cette voie aussi bien en Fantastique qu'en policier, avec des auteurs de l'Europe de l'Est. Longue vie donc aux éditions Mirobole !
Paul (Les lectures de l'oncle Paul)
Les impliqués
Zygmunt MILOSZEWSKI
(Uwiklanie - 2007. Traduit du polonais par Kamil Barbarski).
Editions Mirobole.
448 pages. 22,00€.
14:06 Publié dans 04. autres polars | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |