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16/12/2013

"Enquête dans la réserve", de David Adams Richards

ob_0a9cd7_enque-te-dans-la-re-serve[1].jpgUne chronique de Richard.

«Enquête dans la réserve» de David Adams Richards est un roman très très spécial !

Oubliez les revirements spectaculaires, les rebondissements à couper le souffle, les exploits des héros plus grands que nature, ce roman d’un des grands auteurs canadiens-anglais est un chef d’oeuvre de lenteurs, de nuances et de subtilités.

Après la parution du très apprécié «La malédiction Henderson», premier roman traduit en français, Richards nous revient avec un autre roman, construit autour d’une atmosphère, d’un climat qu’il installe de façon bien personnelle. De page en page, ficelle par ficelle, comme un peintre impressionniste, l’auteur nous dessine, par petites touches, un tableau tout en finesse, dans des nuances de gris et de noir. Le lecteur se retrouve sur une longue pente douce, qui l’amène vers une finale à l’image du reste du roman.

«Enquête dans la réserve» est un roman de mensonges, de solitudes (et le pluriel est important !), d’opacité et de crises.

Juin 1985, au petit matin, les débardeurs arrivent au port pour se faire engager. Hector Penniac, un jeune Micmac de 17 ans commence sa première journée de travail. Il vient travailler pour payer ses études de médecine.

Roger Savage arrive trop tard au travail. On l’informe qu’il n’y a plus de place pour lui. On a donné son travail à quelqu’un d’autre. Roger est blanc. Il demeure tout près de la réserve. Déçu, il reste à proximité du bateau, au cas où ...!

Peu après, un accident arrive ! Le jeune Penniac meurt quand l’élingue s’ouvre et le chargement de bois s’écroule sur lui.

« C’est un accident qui causa la mort d’Hector Penniac, un Autochtone de la réserve d’Amos Paul. Peu de temps après, on vint à considérer cette mort comme suspecte. Et une fois devenue suspecte, on en vint à la considérer criminelle

Voici que la lente spirale se met à tourner pour aspirer le coupable vers les abimes de la culpabilité.

Amos Paul est le chef de la réserve. Leader et grand sage devant le grand Manitou et les hommes, il amorce une enquête en analysant chaque fait, chaque geste et chaque perception des différents intervenants. Son petit fils Markus est le témoin privilégié des réflexions de son grand-père.

Vingt et un an plus tard, Markus est policier; cette affaire l’habite encore. Pire, elle le hante ! Comme toutes les personnes métissées, ni autochtone, ni blanc et en plus policier, il n’est accepté par personne mais il se sent attiré par sa communauté ...pour résoudre cette énigme. Et en plus, il veut sauver l’honneur de son grand-père.

Isaac Snow et Joël Ginnish sont deux personnes influentes de la réserve. Isaac, plus jeune, plus dynamique et plus jeune qu’Amos Paul, a des vues sur le poste de chef de la réserve. Joël, lui, semble tremper dans des activités illégales et tout le ramdam autour du meurtre lui laisse toute une liberté d’action. Il alimente le «feu» du racisme, la confrontation entre les blancs et les amérindiens. Le chahut est propice aux affaires ... surtout quand elles sont clandestines.

Alors, dans le décor d’une réserve amérindienne d’une province canadienne, se confrontent la sagesse d’Amos Paul, l’ambition d’Isaac Snow et la cupidité de Joël Ginnish. Événement par événement, s’installe un climat de suspicion qui prend souvent la couleur d’un malaise interracial, d’une injustice qui se donne des airs de justicier et de silences forcés ou provoqués.

Il faut lire ce roman avec en tête, l’idée de découvrir un monde, le monde des Premières nations avec leurs croyances, leur mode de vie. L’enquête, même si elle est le noyau du roman, est quand même le prétexte à voir s’installer cette ambiance de suspicion et de non-dit. Puis, au fur et à mesure du développement de l’histoire, le lecteur découvrira ce personnage fascinant de Markus Paul, homme complexe, avec un passé trouble et une vie amoureuse très difficile. Un personnage qu’on aimerait revoir !

Même si, « Des gens comme vous et moi, on ne nous aimera jamais, mais on aura toujours besoin de nous.»

En bref, malgré certaines longueurs, j’ai beaucoup aimé ce roman pour ce qu’il est: un roman d’atmosphère avec des personnages extraordinairement plus vrais que nature. Richards nous offre un portrait touchant de réalisme de la vie d’une communauté amérindienne. En guise de conclusion et pour vous donner le ton du roman, voici une citation du vieux sage Amos, tout imprégnée de la philosophie pacifiste et spirituelle de certains autochtones:

 Le père d’Amos lui avait parlé une fois des gens qui étaient prêts à se rallier à quelque chose. Il lui avait dit ceci :  « Il y a toujours un grand géant caché dans la pièce, et ce géant s’empare des gens dans la foule et les pousse dans une direction ou dans une autre. Ceux qui ne se rallient pas à ce géant sont exclus et, parfois, ils se font piétiner par ses grands pieds. Ceux qui se rallient au géant bénéficient du pouvoir de se gonfler et de se prendre pour des géants, et ce sont eux parfois qui piétinent les autres jusqu’à ce que leurs amis les quittent, et alors ils deviennent de plus en plus petits. Et parfois même, quand tout est terminé, ils disparaissent tout simplement

Bonne lecture !


Richard, Polar Noir et blanc

Enquête dans la réserve
David Adams Richards
Pleine lune
2013
363 pages