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14/03/2014

13 jours, de Valentina Giambanco

13jours.jpgUne chronique de Jacques.

 L’auteur de ce premier roman est une italienne qui vit à Londres, Valentina Giambanco.

Son héroïne, la jeune inspectrice Alice Madison, promise à un brillant avenir, travaille à Seattle où elle vient d’être nommée à la brigade criminelle. Avec l’aide de son expérimenté collègue Brown elle va être confrontée à une tache complexe : résoudre un quadruple assassinat, une famille entièrement exterminée par un meurtrier aussi méthodique que déterminé, qui a laissé un mystérieux message au-dessus de la porte de la chambre : 13 jours.

L’inspecteur Brown est plus âgé qu’Alice et elle se sent en confiance avec lui : « depuis son arrivée, Brown ne se montrait pas spécialement froid avec elle, il ne lui refusait pas non plus son aide à l’occasion, mais il faisait preuve d’un certain détachement. C’était un excellent flic, sans doute l’un des meilleurs. Tous deux ne seraient jamais amis, elle en avait bien conscience, mais en même temps elle se sentait prête à lui confier sa vie. Peut-être était-ce suffisant ». Ils vont bientôt découvrir que vingt cinq ans plus tôt, près de  la Hoh-River, James Sinclair, le père de famille assassiné, avait été enlevé avec deux autres copains de son âge. Un des trois enfants n’avait jamais été retrouvé et les deux autres ne conservaient aucun souvenir de ce qui s’était passé. L’affaire était restée non résolue. Peut-il y avoir un lien entre cette disparition ancienne non élucidée et ce quadruple assassinat ? se demandent Brown et Madison. Et si oui, lequel ?

 Assez rapidement, un suspect émerge : John Cameron, qui est justement l’un des deux enfants rescapés de Ho River. L’avocat et ami de Cameron, Nathan Quinn, est le jeune frère de l’enfant disparu : David. Les liens entre l’affaire ancienne et celle-ci semblent bien réels.

 Le crime et la résolution du mystère servent de support  à l’auteur pour nous présenter un beau portrait de femme, subtil et complexe, celui d’Alice Madison. Nous sommes loin des descriptions parfois simplistes, sinon caricaturales de certaines femmes-flics de romans. Ici, les rapports entre l’héroïne et les principaux personnages sont fouillés, analysés, disséqués, sans que cela nuise au suspense créé par les situations dangereuses que vont vivre les enquêteurs.

 Si je devais chercher des références entre ce personnage d’Alice Madison et ceux de la littérature policière contemporaine, c’est du côté de deux maîtres incontestés du genre que je les trouverai : Michael Connelly et Henning Mankell. Alice a les mêmes caractéristiques que Harry Bosch et Kurt Wallander : pugnacité, méticulosité, courage, capacité à prendre des risques pour faire avancer l’enquête. Tout comme eux, elle va tenter d’aller au-delà des apparences pour trouver de nouveaux indices qui la mettront sur une nouvelle piste, une piste qu’elle sera presque la seule, avec son collègue, à juger intéressante.

 Mais c’est surtout dans l’articulation entre sa vie privée et l’enquête que les liens avec les deux célèbres flics américains et suédois sont les plus évidents. Pour Valentina Giambanco, la psychologie de ses personnages, et tout particulièrement celui d’Alice,  a autant d’importance que l’intrigue, sinon davantage. Nous découvrirons donc, au fil des chapitres, quelques détails sur son enfance, ses relations avec son père, les raisons qui la rendent relativement solitaire, même si elle conserve une amie d’enfance très proche, Rachel.  Cette vieille amitié mise à part, la vie affective de notre héroïne est proche du néant, ce qui ajoute un certain mystère au personnage, obsédé par sa vie professionnelle. Alice laisse deviner des parts d’ombre dans son enfance, des parts d’ombre qui vont être une des composantes du suspense distillé par l’auteur dans ce roman.

 Sur cette question du suspense, l’approche de l’auteur est double : elle respecte les codes du polar, qu’elle a parfaitement intégrés, et  se débrouille pour que la tension dramatique soit croissante dans la dernière partie du livre, allant jusqu’à mettre en danger certains personnages pour qui le lecteur éprouve de l’empathie. En même temps, à rebours de beaucoup de thrillers contemporains, elle n’abuse pas des dialogues et si son écriture est loin d’être proustienne (ce qui pourrait pourtant être amusant pour un polar) elle est tout de même travaillée et plaisante.  Comme beaucoup d’auteurs américains (ce qu’elle n’est pas), elle adore utiliser dans ses descriptions le petit détail qui fait vrai et va pouvoir ancrer l’histoire dans le réel : « Alice prit une brique de lait avant de ses diriger vers le rayon des DVD à louer – en majorité des films d’action et d’horreur, auxquels se mêlaient quelques Walt Disney pour les familles. Elle-même était plongée depuis plusieurs semaines dans la filmographie de Bille Wilder. A son retour du cimetière, un mois plus tôt,  elle s’était endormie sur le canapé du salon devant Certains l’aiment chaud, bercée par les voix de Joséphine et de Daphné ».

 La fin du roman est particulièrement palpitante et ne laisse aucun répit au lecteur : le danger est là, l’action devient plus présente, plus intense. Nous attendons le moment où tout va enfin s’éclairer, et où nous comprendrons les liens entre la vieille histoire des enfants enlevés et le quadruple assassinat du début du livre.

 Le personnage d’Alice, qui conserve à la fin du roman une part de mystère, est visiblement destiné à devenir un personnage récurrent. Pour ma part, je la retrouverai avec plaisir dans une éventuelle suite, car ce livre est une vraie réussite : écriture plaisante et efficace, intrigue savamment dosée, enquête menée avec méthode et détermination par l’héroïne... Il a tout ce qu’il faut pour offrir quelques heures de lecture agréables !

 Jacques (blog : lectures et chroniques)

13 jours
Valentina Giambanco
Albin-Michel (26 février 2014)
576 pages ; 22,50 €