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08/10/2018

Les illusions (White Bodies), de Jane Robins

les_illusions.jpgUne chronique de Cassiopée

Absorber son essence….

Jusqu’où la relation entre deux jumelles peut-elle aller ? Comment vivre le rapport de la dominante en proie à la dominée puisque très souvent l’une prend le dessus sur l’autre ? Comment s’aimer, s’apprécier, se respecter dans la différence ?

Tilda et Callie sont jumelles. La première est belle, solaire et a réussi dans la vie, elle est actrice et aime à être admirée, idolâtrée.  La seconde est plus terne, elle travaille dans une librairie, a quelques kilos de trop et a l’habitude d’entendre des phrases du style : « La personne qui est avec vous, ce n’est pas Tilda Farrow, l’actrice ? » C’est sans aucun doute très dur à supporter d’être celle qui vit dans l’ombre et Callie développe une espèce d’aliénation bizarre à l’égard de sa moitié. Quelques retours en arrière dans leur enfance nous présentent les difficultés pour chacune de trouver sa place, d’exister en tant qu’être à part entière. C’est plus douloureux pour Callie qui n’a pas le même rayonnement que sa frangine. Elle essaie de « s’approprier l’essence » de Tilda par divers moyens qui lorsqu’ils sont évoqués nous font douter de sa santé mentale. Comme si en agissant ainsi, elle pourrait sortir de sa chrysalide et devenir un joli papillon, comme celle qu’elle admire.  Parallèlement, Tilda est tombée amoureuse de Félix dont le comportement pose question. Il veut tout maîtriser et sa maniaquerie du rangement est inquiétante tant elle peut également déborder sur ses liens avec les autres, notamment avec celle qu’il chérit. Cet homme ne serait-il pas un dangereux pervers narcissique se demande Callie en le voyant ?  Ou est-ce qu’elle n’interprète-t-elle pas mal ce qu’elle observe tant elle est obsédée par le bonheur de sa soeur? N’est-elle pas maladivement jalouse, tout simplement ?

C’est Callie, la laisser pour compte, qui prend la parole dans ce roman, rendant l’intimité de chacune plus proche de nous tant ses réflexions, ses raisonnements, ses remarques nous interpellent.  Elle nous raconte son quotidien mais aussi celui de sa sœur qu’elle « surveille » en permanence en cherchant, dit-elle, à la protéger. On sent que quelque chose ne va pas et même plusieurs choses mais l’auteur nous balade avec beaucoup de détermination et on se demande qu’elle est celle des deux qui manipule le plus son entourage. Au départ, on pense seulement au classique trio de protagonistes : les deux jeunes femmes et leur mal-être et l’amoureux de l’une qui essaie tant bien que mal d’apporter un équilibre harmonieux à l’ensemble. Mais l’histoire est beaucoup plus complexe comme le sont d’ailleurs les sentiments humains.

J’ai trouvé l’écriture et le contenu très addictif. Le style est fluide, vif et très prenant puisque fréquemment, un élément ou un indice viennent remettre en cause nos fragiles convictions. L’aspect psychologique, torturé de ceux que Jane Robins évoque est présenté avec doigté. Elle n’en fait pas trop, dosant parfaitement la normalité et le côté sombre de chaque individu.

Pour un premier récit, l’auteur frappe fort en mettant le lecteur au cœur d’un ensemble de personnages, tous plus surprenants les uns que les autres. Elle réussit à nous déstabiliser faisant voler en éclats le peu de certitudes que nous avons, nous rappelant régulièrement que tout n’est qu’illusion.  Elle nous rappelle que les secrets, les non-dits conjoints modifient les rapports humains, agissant comme des liens indéfectibles  en ligotant ceux qui les partagent.

Les illusions (White Bodies)
Auteur : Jane Robins
Traduit de l’anglais (Angleterre) par Caroline Nicolas
Éditions : Sonatine (4 Octobre 2018)
ISBN : 978-2355846298
360 pages

Quatrième de couverture

Callie a toujours vécu dans l'ombre de sa sœur, Tilda, à qui tout réussit. Celle-ci est actrice et forme un couple heureux avec Felix, un riche banquier, alors que Callie vit seule et végète dans la librairie où elle travaille. Si elle admire toujours autant sa sœur, elle ne peut néanmoins s'empêcher de penser que quelque chose se cache sous ce vernis de perfection. Tilda ne serait-elle pas sous l'emprise de Felix, dont les comportements obsessionnels sont de plus en plus inquiétants ? Ou bien Callie se fait-elle des illusions ?