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27/10/2015

Parce qu’ils le méritaient, de Peter Swanson

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 Une chronique de Jacques

Ceux qui font du mal méritent-ils de vivre ?

À cette question, Lily, le personnage principal du roman que vient de publier Calmann-Lévy  Parce qu’ils le méritaient, répond sans hésitation : non !

Après la Fille au cœur mécanique, Peter Swanson nous propose ici un formidable livre, aussi prenant que déstabilisant. Tous les ingrédients les plus classiques d’un polar sont là : l’amour, l’argent, la trahison sentimentale, la jalousie, le meurtre...  Mais deux éléments le font sortir de l’ordinaire et créent une irrémédiable addiction chez le lecteur. Tout d’abord l’écriture de l’auteur, nerveuse, efficace et sans un pouce de graisse, qui va droit à l’essentiel en nous permettant d’avoir le maximum d’information avec le minimum de mots, comme on peut en juger avec l’incipit : 

« Salut, dit-elle.
J’observai  la main pâle et couverte de taches de rousseur posée sur le dossier du tabouret de bar vide à côté de moi, dans le salon classe affaire de l’aéroport d’Heathrow. Puis je levai les yeux sur le visage de l’inconnue.
– Je vous connais ? demandai-je.
Elle ne me semblait pas particulièrement familière, mais son accent américain, son chemisier blanc impeccablement repassé, son jean moulant rentré dans des bottes qui lui arrivaient aux genoux, tout la faisait ressembler à l’une des détestables amies de ma femme
. »

Le deuxième élément, c’est Lily  Kintner (l’inconnue de l’aéroport), un personnage dont l’étrangeté imprègne tout le livre et reste durablement dans la mémoire du lecteur. Fille d’un écrivain connu et archiviste dans une université, elle écoute en attendant leur avion commun les doléances de Ted Severson, un homme aussi riche que séduisant : sa femme Miranda le trompe avec le chef de chantier chargé des travaux de leur somptueuse maison, et sa colère est telle qu’il aimerait la tuer, lui dit-il. Une phrase en l’air prononcée sous l’effet de l’alcool et qui n’induit pas un passage à l’acte probable. Mais tout va basculer quand la jeune femme lui répond, aussi tranquillement que sérieusement : « je crois que vous devriez ».  

En la tuant, il rendra service au monde, ajoute-t-elle, car sa femme est négative ; ce qu’elle lui a fait est  pire que la mort et sa disparition rendra le monde meilleur. Un discours qui rappelle celui que tient le personnage de Melford Kean, dans le délicieux  livre de David Liss l’assassin éthique, même si le personnage de Lily semble plus fragile, plus mystérieux et moins théoricien que celui de Melford.

Nous savons dès les premières pages que Ted Severson va se laisser tenter par la proposition d’aide de Lily, et le roman, qui démarre sur cette base, va prendre peu à peu de l’ampleur. Nous faisons connaissance avec les différents protagonistes de l’histoire, qui chacun à tour de rôle vont nous raconter comment ils vivent les évènements : Ted le mari trompé, Miranda la femme infidèle, Kimball le flic perspicace, et naturellement Lily, le personnage central de l’histoire, que l’auteur parvient à rendre attachant malgré sa morale légèrement décalée (!).

La découverte des liens anciens qui relient les deux personnages féminins éclaire l’histoire sous un autre jour.  L’auteur, qui nous pousse à imaginer la suite de l’histoire en distillant des informations sur leur passé, parvient à nous surprendre et même à nous balader agréablement.

La lecture par Lily Kintner dans l’aéroport du livre Les Deux Visages de janvier  illustre comment Peter Sawanson a voulu placer son roman sous l’égide de Patricia Highsmisth. La référence est prestigieuse, mais avec son suspense psychologique qui va croissant, la densité de ses personnages ainsi que la subtilité de la fin du roman, la comparaison est amplement méritée !

 

 Le blog de Jacques : Lectures et chroniques