24/04/2011
Seul le silence, de R.J. Ellory
« Et la sombre solitude devint claire … »
une chronique de Cassiopée
Lorsqu’on tourne la dernière page de ce livre, on reste assis un long moment, comme hébété, habité par le contenu saisissant de ce roman, l’écriture « coup de poing » de son auteur.
Tout au long des pages on voit grandir un enfant, il se pose des questions, il est tourmenté, il est tellement mal parce que son vécu va « au-delà du malheur » ... on voudrait pouvoir l'aider, lui dire: "laisse toi aller, dis ce qui ne va pas …" mais on ne peut pas...Alors on l'accompagne dans sa quête folle, dans ses démarches qui se retournent parfois contre lui ... Je crois pouvoir écrire que l'on souffre avec lui ... et de ce fait ... on ne ressort pas tout à fait indemne de cette lecture ... ou du moins pas indifférent.....
Bien sûr, parfois, on trouve que c’est « un peu trop », qu’il est difficilement envisageable que tant d’horreurs s’abattent sur une même et seule personne … Pourtant lorsqu’on se penche un tant soit peu sur l’histoire personnelle de R.J.Ellory, on s’aperçoit que pour lui « la vie n’est pas un long fleuve tranquille ». Cet homme a une importante « part d’ombre », une approche particulière de la solitude (orphelinat, prison), des expériences qui l’ont marqué au « fer rouge ». Il cite d’ailleurs avant de commencer son livre, Cynthia Ozick « Ce que nous nous rappelons de notre enfance nous nous le rappelons pour toujours-fantômes permanents, estampés, écrits, imprimés, éternellement vus. »
Il est hanté par son passé et écrire doit l’aider à éliminer ses fantômes personnels ….
« Alors écris le livre »
« Le livre ? »
« Celui que les gens comme toi ont toujours en eux »
Cet échange (page 252), montre, à mon avis, combien, R.J.Ellory porte « l’écriture » en lui.
Joseph Vaughan, son héros, est hanté par son enfance, par un premier meurtre resté sans réponse, par ce passé qui lui colle à la peau même lorsqu’il essaie de s’éloigner.
Trente quatre chapitres se succèdent, où Joseph s’exprime, raconte ce qu’il vit. Parfois quelques pages en italiques, une voix off qui reprend des événements évoqués ou pas par Joseph, qui décortique les pensées, qui analyse, qui nous chuchote à l’oreille.
Cette voix off, nous permet de pénétrer dans l’intimité de Joseph, de fouiller avec lui son âme, on est silencieux, immobile pour mieux l’écouter.
J’ai (forcément) apprécié son institutrice qui lui dit : « Ecrire est un don, monsieur Vaughan, et nier son importance, ou faire autre chose qu’utiliser ses capacités, serait une erreur grave et lourde de sens. »
Elle est peut-être une des rares personnes à avoir compris Joseph, à lui permettre de ne pas sombrer. Joseph qui veut « récupérer » sa vie, qui ne sait plus où, comment, pour quoi (en deux mots) vivre, Joseph qui voudrait se soulager du fardeau du chagrin et pouvoir continuer la route, libéré, mais qui ne peut pas, tant le passé le poursuit ….
L’écriture nous happe, nous englobe, comme des serres d’angoisse qui se mettent à nous retenir fermement. On a du mal à s’échapper pour faire autre chose et lorsqu’on pose ce livre, en cours de lecture, Joseph est encore « présent » en nous.
R.J.Ellory réussit à nous « faire toucher du doigt » le mal-être de son personnage principal. Cela va presque plus loin que de l’empathie, l’écriture est telle que ce Joseph est «en nous».
C’est douloureux. Parfois, on voudrait avoir le courage de lui dire : «Lâche-moi, prends ta vie en mains, je ne veux plus t’écouter, te lire…» mais ce n’est pas possible, une fois commencé, ce livre s’impose à vous et vous n’avez plus envie de le poser, à part pour « souffler » de temps en temps avant de mieux reprendre la route aux côté de Joseph ….
Présentation de l'éditeur
Joseph a douze ans lorsqu’il découvre dans son village de Géorgie le corps d’une fillette assassinée. Une des premières victimes d’une longue série de crimes.
Des années plus tard, alors que l’affaire semble enfin élucidée, Joseph s’installe à New York. Mais, de nouveau, les meurtres d’enfants se multiplient…
Pour exorciser ses démons, Joseph part à la recherche de ce tueur qui le hante.
Avec ce récit crépusculaire à la noirceur absolue, R. J. Ellory évoque autant William Styron que Truman Capote, par la puissance de son écriture et la complexité des émotions qu’il met en jeu.
Titre : Seul le silence
Auteur : R.J.Ellory
Editions : Sonatine
Nombre de pages : 503
08:31 Publié dans 02. polars anglo-saxons | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook | |
Commentaires
C'est exactement ce que j'ai ressenti à la lecture de ce roman et qui est "mis en mots" ici, dans cette belle chronique !
Écrit par : bibliofractale | 24/04/2011
D'accord avec toi, Christine. Cassiopée rend parfaitement compte de la complexité du personnage de Joseph et nous montre bien la force de l'écriture d'Ellory. Un grand roman !
Écrit par : Jacques | 24/04/2011
ou tout a fait d'accord avec cassiopee
Écrit par : auka | 24/04/2011
J'ai bien aimé ce roman pour le style et l'ambiance, mais moins pour le rythme pas toujours haletant, et pour l'intrigue, très classique. Même si je suis un peu mitigé j'ai tout de même apprécié cette lecture.
Écrit par : Nico | 23/01/2012
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