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15/08/2011

La zygène de la filipendule, de Ricardo Salvador

lazygene.jpgUne chronique de Richard

Vous connaissez Ricardo Salvador ? Moi, je ne le connaissais pas. Aujourd’hui, après ma lecture, j’aimerais bien le rencontrer. Il me semble que partager une bonne bouteille avec ce poète du règne animal, cet iconoclaste du genre policier, ce romancier qui ne sait même pas qu’il existe des sentiers battus, ça doit pas être désagréable.

Je vous invite donc à le rencontrer sur le site de sa maison d’édition où on nous le présente bien mieux que je pourrais le faire. Et n’oubliez pas de revenir lire ma chronique ... !!! Promis !!! Si non, je ne vous donne pas l’adresse !!!

http://www.kykloseditions.com/ricardo_salvador.html

Bon normalement, à ce moment, le blogueur expérimenté que je suis, vous raconte, à sa façon, l’histoire, le récit qu’il vient de lire. Mais après avoir lu un livre comme celui-ci, on ne peut pas faire quelque choses qui ressemble trop à des conventions écrites ou non. Alors, je vais vous présenter la galerie de personnages.

Tout d’abord, puisque «La zygène ...» est un roman policier, voici donc «le» policier: le commissaire Jules Maigret. Non non, pas le faux, inventé par un certain Georges Simenon. Ce Jules Maigret est le vrai. Il porte un drôle de chapeau, il fume la pipe et à chaque lundi, sa douce moitié lui prépare son plat préféré, la blanquette de veau. Il possède un sens de la déduction à toute épreuve qu’il farcit d’un peu d’humour pour alléger les situations pouvant être dramatiques.

«Le commissaire s’était toujours demandé comment son concurrent, l’autre là ... le Maigret des romans policiers, le faux Maigret, avait pu s’arranger pour que sa femme lui fiche la paix et le laisse fumer la pipe chez lui. Invraisemblable. Impensable. Voilà ce qu’il reprochait en deux mots aux polars, le manque de crédibilité

 

Son adjoint l’ineffable Lucas possède l’intelligence et la verve de son collègue sicilien, Catarella, ci-devant fidèle collaborateur de Montalbano. Ses répliques et son esprit d’analyse font la joie ... des lecteurs. Maigret l’aime bien pour sa fidélité.

Albert-Albert est le personnage central de ce roman; il partage le haut de l’affiche avec le commissaire. Intelligent, perspicace, amateur d’art, ayant un succès fou auprès des femmes, ce personnage «transcende» le roman ! Ah oui, j’oubliais, Albert-Albert est un orang-outan !

 

Nestor et Pollux sont jumeaux. Nestor est l’homme à tout faire dans ce jardin zoologique où se passe une série de meurtres ... un peu bizarres. Pollux a une aversion viscérale ... le travail ! Pollux, genre athlétique, plaît aux femmes; Nestor, plus ordinaire et rondouillet, plaît aux animaux (Attention aux esprits tortueux !!!).

La belle Nathalie qui avec son "décolleté abyssal ne laissait même plus la place aux conjectures", amoureuse de Pollux, gère avec efficacité une galerie d'art très rentable.

Ginette, la caissière «momifiée dont l’âge avancé faisait passer Mathsalem pour un morveux à peine déniaisé ...» et Joséphine Bontédivine, la femme de ménage adepte de culture vaudoo.

Pour gérer ce jardin zoologoque (communément appelé le zoo) deux personnages: monsieur Laventure, gestionnaire centré sur la mission et la boisson et son adjoint monsieur Laigle, administrateur chevronné prônant la «rétro-gestion humaine», théorie économique bien particulier: couper les salaires de moitié pour voir quels sont les employés vraiment motivés.

Voici avec sa valise remplie d’instruments sophistiqués, le docteur Égoïne (??), évidemment, médecin légiste.

Et tout autour de ce zoo animal ... et humain, une série de personnages politiquement impliqués dans un projet de développement impliquant la mort du zoo:

•madame Lapaud-de Lourse, sous-préfète et mariée à un homme de classe moyenne, son calculateur époux, Sigisbert;

•monsieur Paillepoutre, administrateur de biens et expert financier;

•monsieur Jeton-Lapierre, Grand Facilitateur en Établissement;

•monsieur Fessonni-Loiseau, Haut commissaire à la délégation consultative;

•monsieur Delivray-Bongrain, le secrétaire d’état aux inaugurations diverses et trésorier principal;

•maître Corbeau, l’huissier

•messieurs Loussore et ......, vétérinaires véreux,

•le docteur Capiton, «psychiatre de renommée locale.»;

•et un majordome ..."qui rappelle cet acteur américain qui jouait les vampires."

 

 

Et voilà, avec cette galerie de personnages, la table est mise pour une joyeuse visite dans l’univers déjanté de Ricardo Salvador où non seulement les humains sont suspectés mais aussi certains animaux ... qui pourraient être assez intelligents pour se défendre ???

Et là, nous prenons plaisir à suivre le bon commissaire Maigret dans ses réflexions, ses interrogatoires plus ou moins serrées, ses déductions qui étonnent et ses questions, parfois un peu hors contexte. Malgré cette apparente inefficacité, au fur et à mesure de l’enquête, on sent son expérience, son savoir-faire et son intelligence logique. Quel plaisir de suivre ce personnage aussi sympathique que son célèbre homonyme !!!

Je l’avoue, j’ai été séduit par le style festif de l’auteur. Malgré la loufoquerie de certaines situations, malgré certaines incongruités, on se laisse porter par l’histoire, on y croit et on apprécie. Et chaque page nous apporte son lot de sourires et de rires qui fait que le temps de lecture passe aussi vite que la course du très rapide «Geococcyx californianus», bien connu sous le nom de Grand Géocoucou !

Sans vous révéler le dénouement de cette enquête rocambolesque, je me permets de mentionner que la fin est toute aussi folle que le reste du roman. Je vous avertis amicalement, dès votre arrivée aux dernières pages du roman, munissez-vous d’un masque pour cacher l’air niais de douce béatitude qui devrait envahir votre visage de lecteur comblé.

Et pour vous faire plaisir et surtout pour me permettre de relire certains passages (quel égoïsme !), je vous laisse avec quelques extraits :

« À côté de lui, Hannibal Lecter fait figure d’aimable plaisantin et Jack l’éventreur passerait pour un désoeuvré dépressif.»

« C’est la première fois que je vois des religieux habillés en kaki, armés de Kalachnikov, et avec des cheveux aussi longs, mais je dois avouer que leurs prêches y gagnent beaucoup en efficacité.»

« Vous connaissez le dicton du quai des Orfèvres: «Faute de grives coupables on se tape des merles innocents».»

« Vous vous répétez, Sigisbert. Ceci dit, c’est ce que vous faites de mieux ... Surtout quand vous ne dites rien.»

Et un dialogue ... savoureux ... :

«— Bah ! je viens de lire un rapport d’un confrère américain, ils viennent de coincer un tueur en série qui cuisinait les parties intimes au court-bouillon...
— Au court-bouillon ?
— Oui ! Avec thym, laurier, estragon ...

L’air dégouté, le commissaire fit un geste pour faire taire Égoïne.
— C’est écœurant !

Je vous l’accorde, moi, je n’aurais pas mis d’estragon, à mon avis un oignon piqué au clou de girofle aurait été mieux adapté.

Vous êtes vraiment un type répugnant, toubib !

Je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de répugnant à préférer l’oignon à l’estragon, commissaire.»

Et une petite dernière, pour vous graisser le gosier: « ... et la virginité est devenue une notion n’ayant guère plus cours que chez les fabricants d’huile d’olive.»

La zygène de la filipendule» est un gentil remède qui adoucit la morosité actuelle.

Bonne lecture !

Richard, Polar Noir et blanc : http://lecturederichard.over-blog.com/

Vous pouvez lire également la chronique de Cassiopée sur le même livre

La zygène de la filipendule
Ricardo Salvador
Kyklos Éditions
2011
490 pages

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