31/10/2011
Le testament des abeilles, de Natacha Calestrémé
Une chronique de Jacques.
La biosphère de notre planète est en danger, menacée par les hommes. Partant de ce constat, l’auteur a imaginé un polar/suspense remarquablement bien ficelé qui est aussi un plaidoyer sensible et émouvant en faveur de la nature et de la sauvegarde du vivant ainsi qu'une réflexion argumentée sur les liens entre l'homme et la nature.
Au centre de l’intrigue, un mystère non encore résolu, même si la recherche scientifique commence à converger vers des pistes sérieuses qui peuvent l’expliquer : la surmortalité des abeilles et leur fragilisation face aux dangers « ordinaires » qui les menacent.
L’auteur, qui est journaliste et réalisatrice, a enquêté sur le sujet et en a tiré un film documentaire diffusé sur France 5. Avec habileté, elle utilise le corpus scientifique réuni dans son documentaire (et sans doute complété pour les besoins du roman) comme cœur de l’environnement scientifique du livre.
Au point de départ, une série de meurtres étranges dans Paris. Meurtres… ou suicides, peut-être provoqués. Ces morts inexpliquées touchent une proportion anormale d’enfants très jeunes. Un enquêteur, le major Yoann Clivel, est chargé de la toute première enquête et soupçonne très vite les liens entre sa propre enquête et les suivantes, qui vont être confiés à la Crim’.
Avec un tel point de départ, le lecteur pourrait penser que le roman va verser dans le fantastique ou l’ésotérisme. En réalité, si certains des personnages s’inscrivent dans un courant New Age et ont des pratiques parapsychologiques répandues dans certains milieux aspirant à une nouvelle spiritualité (magnétisme, voyance…), la part de rationalité dans l’enquête policière reste forte, aussi forte que la place accordée aux explications scientifiques portant sur les liens entre l’homme et la nature.
Les personnages sont un autre atout du livre. L’auteur a travaillé leur psychologie, réfléchi avec finesse aux rapports qui les lient, leur a donné une densité et une épaisseur qui accroche le lecteur à l’histoire et lui donne toute sa saveur. C’est le cas pour le personnage central du roman, Yoann Clivel.
Yoann, dont le père - séducteur impénitent - a été assassiné quand il était enfant, a conservé de celui-ci le désir impérieux de plaire aux femmes qu’il rencontre et de ne pas s’engager affectivement. Il est un coureur de jupons insatisfait de son propre comportement, que l’auteur nous rend attachant en nous laissant percevoir les fêlures qu’il porte en lui depuis l’enfance.
Alisha, séduisante jeune femme rencontrée par Yoann dans le cours de l’enquête, va être son initiatrice sur les questions d’environnement et lui donner des pistes sur les mécanismes subtils régissant les rapports entre l’homme et la nature. Mais qui est vraiment Alisha ? Un simple élément de la recherche de Yoann, qui permettra à celui-ci d’approcher la solution de l’énigme ? Est-elle impliquée elle-même dans le drame, et si oui, de quelle façon ? La relation amoureuse qui se développe entre les deux personnages rend plus aigüe encore cette interrogation et participe du suspense si bien créé par l’auteur.
L’écriture de Natacha Calestrémé est un autre atout pour le roman. Elle est fluide, précise et s’adapte parfaitement à son récit. Natacha Calestrémé a le sens du détail qui rend une scène crédible et permet de la visualiser, comme en témoignent les premières lignes du prologue :
« Des troncs calcinés témoignent d’une forêt autrefois dense. De rares branches, lisses, nues, tordues comme par une souffrance, pointent vers le sol et observent avec regret des broussailles devenues légion. La terre est craquelée, aride, trop éloignée du Rio Grande pour bénéficier de ses bienfaits. Seul le bourdonnement de milliers d’insectes annoncent que la vie est là. (…) ».
L’intrigue, suffisamment complexe pour être un des points d’accrochage fort pour le lecteur, est dévoilée par couches successives et menée avec habileté et avec un crescendo bienvenu jusqu’à l’apogée finale.
S’il y a du suspense dans le livre, il est moins un thriller qu’une enquête policière classique dans laquelle la colonne vertébrale serait constituée par l'information scientifique. Une sorte de « nom de la rose » qui aurait remplacé le moyen-âge par l’époque contemporaine, les hérésies par le processus d’agression contre la nature et la religion par un composé de science et de New Age mêlés.
Un remarquable premier roman donc, aussi plaisant à lire qu’il est stimulant pour l’esprit, un auteur à suivre, dont j’attends le deuxième roman avec beaucoup d’intérêt !
Vous pouvez visiter le site de l'auteur.
A lire : une chronique de Cassiopée sur le même roman.
Le testament des abeilles
Natacha Calestrémé
Albin Michel ( 2 novembre 2011)
19 €
Présentation de l'éditeur
Brusquement pris de démence, un homme sans histoire massacre sa famille avant de se suicider ; les habitants d’un petit immeuble du XIIIe sont décimés par un mal inexplicable… En quelques jours, une véritable hécatombe s’est abattue sur Paris et 26 adultes et 15 enfants ont trouvé la mort. Aucun lien apparent entre ces drames, sauf peut-être le dessin d’une fleur de lotus (symbole de pureté), retrouvé chaque fois à proximité des lieux. Secte, terrorisme, sadique, rien ne semble coller… jusqu’à ce que le major Yoann Clivel découvre un texte prophétique, écrit quatre ans plus tôt par un certain « Moine aux abeilles » et annonçant l’arrivée d’un élu : « L’année 1 du deuxième millénaire,
l’enfant éclairé de réponses croisera l’ombre, en une folie meurtrière… ». Ce «testament» énigmatique servirait-il de fil conducteur à un hypothétique assassin ?
15:09 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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