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09/02/2012

Entretien avec David Liss

Davis Liss, talentueux auteur américain dont trois des romans* sont sortis en France, a accepté de répondre aux questions de un polar collectif à la suite de la chronique que nous avons publiée sur son dernier roman l'assassin éthique.

(*) Une conspiration de papier (2004) ; Le marchand de café (2007); L'assassin éthique (2012)

La version anglaise de l'entretien est ici Cet entretien est le fruit d'un travail collectif de Ishtar, Zu Fu et Jacques.

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Jacques. David Liss, comment vous présenteriez-vous aux lecteurs français qui ne vous connaissent pas et qui vont découvrir l’auteur de L’Assassin éthique ?

David Liss. Je suis avant tout un auteur de romans historiques et la majeure partie de mon œuvre  concerne les différents aspects de l’histoire financière. J’ai aussi écrit des bandes dessinées et, à l’occasion, une nouvelle d’horreur.

 J.  Comment vous est venu le désir d’écrire, et en particulier ce goût pour les thrillers et les polars ?

David Liss. D’aussi loin qu’il m’en souvienne, je voulais écrire des histoires. J’ai toujours aimé les histoires et, pratiquement toute ma vie, j’ai essayé de comprendre comment je pourrais en élaborer moi-même. Par bonheur, j’ai plus ou moins fini par comprendre, en quelque sorte. Je ne me vois pas comme quelqu’un qui serait plus intéressé par les thrillers ou les romans à suspense que par d’autres formes littéraires mais, selon moi,  la littérature traditionnelle est une littérature à suspense. Les lecteurs veulent savoir ce qui va arriver et pourquoi ça va arriver, même si le mystère peut se formuler en ces termes :  qui tel personnage va-t-il épouser ? Trouveront-ils ou non le bonheur ? Comment le trouveront-ils ? Moi, quand j’écris, j’aime bien bâtir des histoires où les enjeux sont importants,  où les personnages doivent affronter des problèmes graves. J’aime bien procéder ainsi.

 J. Quels sont les écrivains qui vous ont influencé ? Et pourquoi ?

David Liss. Je pense que je suis influencé par chaque livre que je lis, bon ou mauvais. Je dis toujours aux auteurs en herbe qu’à chacune de leurs lectures, il faudrait qu’ils remontent à la source de la structure. Si un livre est bon, comprendre pourquoi ça marche. S’il est mauvais, comprendre ce qui ne va pas. 

 J.  Vos deux premiers romans publiés en France, Une conspiration de papier et Le marchand de café, sont des romans centrés sur le monde de la Finance. L’Assassin éthique, tout en étant un roman de suspense remarquablement fait, glisse par moments vers la philosophie. Pourquoi ce changement de cap ?

David Liss. J’ai toujours cru que je devrais écrire le livre que voulais écrire et au moment où je voulais l’écrire. J’ai toujours aimé la fiction contemporaine et j’exultais à l’idée d’écrire un roman rigolo basé sur mes propres expériences de vendeur itinérant d’encyclopédies. Cela n’a rien d’une orientation nouvelle dans la mesure où je me suis remis à l’écriture de romans historiques. Mais ça m’a plu et j’espère bien recommencer. 

 J. Contre toute attente, vous rendez le personnage de Melford Kean aussi sympathique que passionnant. Est-ce un défi littéraire que vous vous êtes lancé ?

David Liss. Oui, je savais qu’il allait être le porte-parole d’une situation qui dérangerait beaucoup de lecteurs, alors j’ai fait en sorte qu’il soit tout à la fois charismatique et  étrange. C’était un personnage très amusant à composer, c’est pourquoi j’espère que les lecteurs l’apprécieront.

 J.  Les défenseurs de la cause animale que vous avez rencontrés pendant la période de documentation et dont vous citez les noms dans les remerciements sont-ils aussi extrémistes que Melford ? Seraient-ils capables eux aussi d’actions violentes ? Eventuellement de tuer des humains pour sauver des animaux ?

David Liss. Non, je pense que la plupart des défenseurs de la cause animale trouveraient les méthodes de Melford excessives et détestables. Encore une fois, l’astuce du livre n’était pas de prêcher la morale au lecteur et donc, en rendant Melford aussi révoltant, j’ai évité que l’on puisse m’accuser de me faire l’avocat de ses actes.   

 J. Partagez-vous tout ou partie de ses idées ?

David Liss. Je partage pas mal de ses points de vue. Je suis végétarien depuis plus de dix ans et je pense que la philosophie marxiste nous aide à observer le monde.

 J. Un autre thème de votre roman est celui de la drogue, très documenté. A ce propos, comment vous y prenez-vous pour réunir votre documentation ? Cela vous prend-il beaucoup de temps ?

David Liss. Je ne suis pas très aventureux dans la vie réelle, aussi n’ai-je ni consommé ni fabriqué de drogues lors de mes recherches pour le roman. Pour l’essentiel, j’ai effectué des recherches livresques – c’est toujours tellement excitant ! – et j’ai interrogé quelques officiers de police. 

 J. La description que vous faites des méthodes de vente utilisées par les vendeurs d’encyclopédie ainsi que la connaissance de la psychologie du public qu’elle suppose est tellement précise que le lecteur en vient à se demander si vous avez fait vous aussi ce travail, tout comme Lem. Est-ce le cas ? Les vendeurs d’encyclopédie sont ils aussi cyniques que vous les dépeignez, ou est-ce une invention de romancier ?

David Liss.  J’ai réellement exercé ce job –  durant un été quand j’étais au « collège ». Excepté le deal et le meurtre, l’emploi et les employés sont exactement tels que je les décris. C’était une expérience dingue et j’étais ravi d’avoir l’opportunité d’exprimer ça.

 J. Un assassin qui lit Michel Foucaut, cite les structuralistes et Louis Althusser, c’est plutôt inattendu dans un thriller et cependant c'est dans la logique du personnage principal de votre roman. Les défenseurs de la cause animale que vous avez rencontrés sont-ils également des théoriciens ?

David Liss..Non, c’était juste pour m’amuser.

 J. L’humour est une caractéristique de votre écriture. Vous préférez peindre les côtés les plus noirs et les plus sombres de nos sociétés avec légèreté et une distance ironique. Pourquoi ce choix, aux antipodes ce ceux d’un James Ellroy, d’un Michael Connelly ou d’un Hennig Mankell ?

David Liss. Il y a de l’humour dans tous mes livres, même dans mes histoires financières sérieuses. J’ai toujours considéré l’humour comme une partie importante de la vie. Les gens s’expriment toujours par l’humour – même en de graves circonstances. J’ai entendu des gens sincèrement endeuillés raconter des blagues pendant des funérailles. Je prends plaisir à lire et à écrire des histoires amusantes si bien qu’avoir recours à l’humour dans ce livre m’a semblé tout naturel.

 J. Vous évoquez également d’autres thèmes comme la pédophilie, le machisme, le racisme, les violences policières et le système carcéral. Y a-t-il d’autres dérives de nos sociétés dont vous souhaiteriez faire le sujet de romans ultérieurs ?

David Liss. Je n’ai pas planifié ça mais c’est fort possible.

 J. L’Assassin éthique a été publié en France en janvier 2012. Quand aurons-nous le plaisir de lire la version française de vos derniers romans ?

 David Liss. Franchement, je n’en ai aucune idée. C’est mon agent qui prend les décisions liées aux affaires mais je souhaiterais que tous mes romans soient rapidement accessibles en France. 

 J. Au fait, êtes-vous un amateur de hamburgers ?

David Liss. J’ai cessé de manger de la viande parce que je ne pouvais pas consentir au traitement infligé aux animaux de boucherie et non pas parce que je n’aime pas ça. J’ai toujours aimé le goût de la viande et ça me manque. Je ne peux tout simplement pas revenir en arrière. Alors, de temps à autre, j’apprécie un bon soja-burger.

 

 

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