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26/03/2012

Double meurtre à Borodi Lane, de Jonathan Kellerman

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Disons-le d’emblée : si vous êtes un fervent lecteur de Jonathan Kellerman, vous retrouverez dans ce dernier opus de la série des enquêtes d’Alex Delaware et Milo Sturgis tous les ingrédients qui font les bonnes recettes des polars tels que vous les aimez.

En premier lieu,  les deux compères habituels issus de l’imagination de votre romancier préféré : Milos Stugis, flic homosexuel aussi sympathique qu’efficace, et Alex Delaware, psychologue et narrateur de l’histoire, auquel Milo fait appel pour les meurtres « intéressants ».

Ensuite, comme point de départ (plutôt classique) de notre histoire policière, un double meurtre dans une immense maison aussi répugnante qu’ostentatoirement chic de Los Angeles, « deux corps enlacés, parodie monstrueuse de l’ivresse amoureuse ». Un jeune couple qui semble avoir été surpris dans des ébats amoureux. Lui tué d’une expéditive balle dans la tête, elle proprement étranglée.

Première remarque qui risque de décourager certains : Jonathan Kellerman ne fait pas dans le gore sordide et monstrueux. Chez lui pas d’éviscération sanglante, pas de tortures aussi épouvantables que diaboliquement imaginatives, pas de tueurs en série détraqués du bulbe après avoir été, dans leur douloureuse enfance, violés par leur papa, haïs par leur maman ou méprisés par leur copains de classe pour cause de nullité affligeante  au base-ball.  C’est du bon meurtre, solide, classique et bien propre, aux motivations ordinaires ( passion amoureuse, fric, sexe, vengeance, et plus si affinités…). Certes, nos deux enquêteurs vont bien découvrir dans le courant de leur enquête que la jeune femme a été violée à l’aide d’un pistolet (!) avant la strangulation, mais cela reste encore dans le registre presque paisible des assassinats agathacrhistiens ou conandoyliens. Car le ressort principal de ce roman reste, avant tout, le travail méticuleux de l’enquêteur, sa capacité à émettre des hypothèses, à s’approcher de la solution, à écarter les fausses pistes, et surtout à comprendre la psychologie des différents suspects.

Car, comme vous ne l’ignorez pas, notre auteur est psychologue, et il nous fait profiter à chaque instant de son expérience de décortiqueur  de l’âme et des passions humaines. Il le fait non seulement à travers le personnage d’Alex, le psychologue dont c’est en principe la fonction, mais aussi celui de Milo, qui n’hésite pas à faire à son pote Alex une concurrence déloyale quand il interroge des suspects : «   Vous tenez beaucoup aux rituels. Le fait de vous raser le crâne, par exemple. Depuis notre première rencontre je cherche l’explication, pourquoi vous faites un truc pareil. Ça y est, j’ai pigé. C’est un rituel d’abaissement de soi que vous vous imposez jusqu’à ce que votre mission soit remplie. C’est un peu comme le jeûne pendant le carême. Auquel vous vous livrez aussi, j’imagine. Ou d’autres formes de jeûne. Le vœu de célibat, par exemple ».

Chaque témoin ou suspect potentiel est donc passé à la moulinette des questions incisives des deux complices qui interprètent, supputent, analysent leurs réponses et leurs motivations en laissant aux lecteurs le soin de faire la part des choses et de se souvenir qui a fait quoi, et pourquoi. Ce qui est parfois difficile, car les personnages sont nombreux, très nombreux, et le lecteur peut être vite noyé dans des  pistes qui, pour la plupart, vont se révéler fausses… même si (fort heureusement pour la conclusion du livre) l’une d’entre elles va enfin donner des résultats !

Parmi les différents suspects, nous aurons ainsi un sultan milliardaire   propriétaire du simili palais dans lequel les corps ont été découverts, un groupe d’éco-terroristes (variété de verts encore inconnue en Europe mais qui fait fureur aux Etats-Unis), un mari jaloux, une femme qui considère que l’homme est une verrue pour la planète Terre et que c’est une bénédiction de s’en débarrasser… et bien d’autres encore qui vont défiler devant nous en nous laissant parfois perplexes, toujours interrogatifs. 

Il faut le reconnaitre : l’enquête est méticuleuse, bien ficelée, astucieuse,  ses ressorts sont détaillés avec précision et efficacité. Du bon travail, d’un pro du polar, qui fait penser par sa méticulosité à Michael Connelly et son personnage de Hyeronimus Bosch.

Le clou du roman reste pour moi, vers la fin du livre, l’interrogatoire du principal suspect par Milo (je ne vous dirai pas si le personnage est un homme ou une femme, bien sûr). Un modèle du genre. Plutôt que d’utiliser la menace, la force brutale ou la crainte, le flic va créer une relation amicale avec lui en lui demandant son aide, puis peu à peu le ficeler par des questions de plus en plus précises dans une toile d’araignée dont il ne peut se dépêtrer en le poussant à se contredire et finalement à avouer. L’utilisation des ressources de la psychologie par l’auteur est ici maximale et pleinement efficace aux yeux du lecteur. Du grand art !

Cependant, quelques éléments me laissent perplexe. En premier lieu : à quoi sert réellement le personnage d’Alex ? Si Milo  conduit l’enquête,  Alex donne parfois son point de vue de psy sur l’un des témoins, mais il reste un personnage très secondaire, qui fait rarement avancer la compréhension des choses. Il est un peu le Docteur Watson de Milo, mais alors que Watson est un personnage  attachant et original, Alex reste désespérément transparent et fade. De plus, au contraire de beaucoup de polars contemporains, la vie personnelle des enquêteurs, leurs problèmes, leurs états d’âmes, passent largement au second plan, concentrant les ressources du lecteur dans le domaine très cérébral de la résolution de l’enquête, ce qui peut être un handicap pour accrocher certains lecteurs.

Un deuxième élément m’a semblé plutôt indigeste : les dialogues. S’ils jouent parfaitement leur fonction consistant à permettre  la compréhension des personnages et de leurs rapports, ils sont parfois inutilement bavards et auraient mérité un bon élagage,  qui aurait allégé la lecture du roman.

Heureusement,  la tonalité,  légère et parsemée parfois de touches d’humour, compense cette pesanteur. Les fans de Jonathan Kellerman retrouveront bien ici les ingrédients habituels du  plaisir de lecture suscité par l’auteur. Quant à ceux qui ne le connaissent pas, s’ils sont passionnés d’enquêtes policières pures et dures, il peuvent toujours tenter le coup !

Jacques

Double meurtre à Borodi Lane
Jonathan Kellerman
éditions du Seuil
418 p
19 €

 Présentation de l'éditeur

Le gardien d’une somptueuse maison du quartier huppé de Borodi Lane à Los Angeles, dont la construction a été suspendue sans raison apparente, trouve sur le chantier deux corps enlacés dans une position non équivoque. Le garçon a pris une balle dans la tête, la fille a été étranglée après avoir été violée avec une bouteille. Qui sont-ils ? Pas de problème 
pour lui : l'inspecteur Milo Sturgis et son comparse le psychologue Alex Delaware apprennent sans difficulté qu’il s’agit de Des, un jeune architecte employé par Helga Gemein, dont l'agence à forte tendance écologiste vient de fermer ses portes. Pour la jeune et jolie victime, en revanche, mystère total. Au fur et à mesure des pistes qui s'ouvrent à eux, les deux enquêteurs constatent que personne ne veut leur parler, qu'il s'agisse de voisins ou d'agences gouvernementales. Et quand enfin ils découvrent que la bâtisse appartenait au sultan milliardaire d'une île indonésienne, et que Des avait fricoté avec les éco-terroristes pendant ses années de fac, un incendie criminel détruit la maison de Borodi Lane, relançant totalement l'enquête.

 

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