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12/09/2012

Je pars demain pour une destination inconnue, de Maud Tabachnik

je_pars_demain.jpgUne chronique de Paul.

 L’exode de l’Exodus.

Les tribulations de l’Exodus, le navire qui devait emmener plus de 4500 Juifs vers la Terre Promise, ont été immortalisées par le roman de Leon Uris, et surtout par le film éponyme d’Otto Preminger avec Paul Newman. Seulement dans la réalité, ce voyage ne s’est pas déroulé comme cela a été conté.

Sous couvert de roman, Maud Tabachnick nous raconte la véritable histoire du President Warfield, rebaptisé Exodus 47, de ses passagers et de ceux qui ont été à l’origine de cette aventure. Elle met en scène, si l’on peut dire, des personnages réels, contrairement à Leon Uris et Otto Preminger qui eux avaient inventé des héros de fiction. Et le terme du voyage ne fut pas si idyllique qu’il fut conté.

30 mai 1947. Le jeune Serge Menacé, dont les parents ont été abattus sur ordre de Paul Touvier, a demandé une entrevue avec l’abbé Glasberg qui officie à Lyon. Ce n’est pas tant en souvenir de sa grand-mère, que le religieux a rencontré au camp de Drancy, que Serge veut le voir, mais parce qu’il pourrait l’aider, lui et ses compagnons, grâce aux relations que l’ecclésiaste entretient. En effet la Haganah, l’armée juive clandestine, veut ramener au pays les Juifs qui n’ont plus d’endroit pour vivre. La Haganah a acheté un vieux bâtiment à Baltimore, le President Warfield, et après des réparations dans un port italien, il stationne à Sète afin d’emmener plus de quatre mille cinq cents passagers. Or Glasberg peut, grâce à son ami le cardinal Gerlier qui a ses entrées à Matignon, obtenir des autorités civiles et militaires l’autorisation d’embarquer. Mais les quotas édictés par le gouvernement anglais sont gelés.

En effet l’empire britannique, depuis des décennies, possède une main mise sur les états arabes qu’il n’est pas prêt de vouloir abandonner. Et Clement Attlee, le premier ministre, est fermement décidé à empêcher tout embarquement vers la Palestine. Un agent du SIS, Secret Intelligence Service, John Milton, est envoyé sur place pour faire avorter le projet. Ahmed Yassim, qui dirige depuis deux ans la principale branche armée des Volontaires arabes constituée dès 1920, est chargé de prévenir les Anglais s’il découvre les projets sionistes. L’armée des Volontaires arabes a été constituée vingt ans auparavant, en réponse à la déclaration Balfour qui précisait dans un courrier adressé à Lord Lionel Rotschild l’intention du gouvernement de Sa Majesté d’envisager favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national juif.

 

En catimini Yossi Harel, le commandant politique, Ike Aronowicz, le jeune capitaine de l’Exodus, Saul, Marga, Yosh et quelques autres compagnons délivrent les Juifs qui sont parqués depuis des mois dans des cantonnements dispersés sur le territoire français suite à leur libération des camps de concentration allemands, et les amènent à bord de camions jusqu’à Port de Bouc d’où doit avoir lieu l’embarquement. Ils attendent les papiers qui doivent leur permettre de quitter le port, à destination théoriquement de la Colombie. Un subterfuge qui ne convainc pas les Britanniques. Des bâtiments britanniques suivent le navire dans les eaux méditerranéennes et l’empêchent d’aborder les côtes palestiniennes alors que l’Exodus n’est qu’à vingt-sept kilomètres de Haïfa. La suite sera plus terrible.

Il est difficile de ne pas ressentir un sentiment de révolte, à la lecture de ce roman-document, devant l’acharnement des troupes britanniques envers ces fils d’Israël, qui souhaitent tout simplement retrouver après des siècles d’errance le pays dont ils ont été spoliés. Depuis une vingtaine d’années, des communautés juives vivent en Palestine, en plus ou moins bonne intelligence avec les Arabes. Seulement les intérêts financiers sont en jeu. En effet, à l’ONU, un vote doit avoir lieu afin d’entériner la décision de créer un état d’Israël, en partageant la Palestine. Les Etats-Unis sont pour et s’avèrent être un soutien actif pour les délégués Juifs. L’URSS, Staline est antisémite et son action envers un comité antifasciste juif créé en 1942 est là pour le prouver, n’y sont pas favorables. Les enjeux financiers sont représentés par le sous-sol arabe qui possède une véritable richesse pétrolifère.

Autre fait troublant, c’est la collusion entre le grand mufti Hadj Amin al-Husseini, qui avait choisi le camp d’Hitler durant la guerre, la légion arabe se battant courageusement aux côtés des Nazis. En cette année 1947, les Arabes ont néanmoins obtenu des Anglais que le quota de soixante-quinze mille immigrants soit maintenu et que l’interdiction de vendre des terres aux nouveaux arrivants soit renforcée. Le Pétrole, de tout temps, a toujours senti bon.

Si l’on peut comprendre les récriminations des Palestiniens, si l’opinion internationale prend leur défense vis-à-vis d’Israël et des affrontements qui opposent ces deux nations, il ne faut pas oublier que depuis près de vingt siècles les Juifs sont rejetés de partout. Ils ont perdu leur terre, ils ont été spoliés, et ce qui leur est reproché aujourd’hui, ils l’ont subi en étant chassés de leur nation. Si torts il y a, il faut les attribuer aux deux camps, à leur entêtement, à leur manque de tolérance. Egalement à l’intolérance religieuse, au fanatisme, à l’intégrisme, d’où qu’ils viennent. Sans oublier l’esprit mercantile qui n’est pas l’apanage d’une nation. Et l’on peut se poser la question de savoir comment les grandes puissances réagiront lorsqu’il n’y aura plus de pétrole en jeu ?

Un roman-document qui éclaire l’origine de bien des conflits et qui propose une vision non édulcorée de l’histoire. Quant aux Juifs qui ne purent débarquer de l’Exodus, ils furent envoyés sous bonne escorte britannique à Hambourg où ils végétèrent ensuite dans des camps de rétention allemands.

 Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

 Je pars demain pour une destination inconnue.
Maud TABACHNIK  
 Collection Cœur noir.
Editions de L’Archipel.
Septembre 2012.
242 pages. 18,95€.

 

Présentation de l’éditeur

Dans la nuit du 29 juin 1946, la petite colonie juive de Yagour, près d'Haïfa, est réveillée par des soldats britanniques à la recherche d'immigrés clandestins. Un officier vient saisir les armes et arrêter les récalcitrants. Opération brutale, répétée dans plusieurs kibboutz de Palestine mandataire...
Quelques mois plus tard, à Lyon, Serge Menacé, fils de déportés, prend contact avec l'abbé Glasberg, fondateur de l'Amitié chrétienne venue en aide aux Juifs pendant la guerre, pour lui confier une mission délicate. Il s'agit d'obtenir du ministère de la Marine l'autorisation d'embarquer plus de 4 500 rescapés des camps à bord d'un navire affrété en port de Sète par la Haganah - l'armée juive clandestine -, avec le soutien financier d'associations américaines. Son nom : le President Warfield, bientôt rebaptisé Exodus. Destination : la Terre promise, au défi des quotas imposés par les Britanniques, qui ont fixé à 1 500 les certificats d'entrée pour l'année 1947...
Étayé par une documentation historique précise, ce roman à suspense raconte l'épopée de l'Exodus : l'une des aventures humaines qui résume le mieux le courage d'entreprendre et la volonté de vivre.

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