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01/10/2012

Carrières noires, de Elena Piacentini

carrieres_noires.jpgUne chronique de Richard.

Foisonnant, vous dites ?
Si vous cherchez un roman qui illustre bien le terme «foisonnant», ne cherchez plus. «Carrières noires» d’Elena Piacentini répond à tous les critères: une galerie de personnages complexes et variés, de l’action constante, deux mondes parallèles qui se côtoient, des intrigues qui convergent vers une finale étonnante et une écriture riche et ... foisonnante. Et voilà, la boucle est bouclée.
«Carrières noires» est arrivé au Québec dans ma valise, au retour de mon séjour à Paris. À la suite à une rencontre avec Véronique Ducros, éditrice de la maison «Au-delà du raisonnable», j’ai eu la chance de rapporter trois romans de cette maison (voir ma chronique).
Et je me suis lancé dans la lecture de ce roman, sans attentes précises, ne connaissant pas du tout l’auteure ! Mais je l’avoue, avec un petit, tout petit préjugé favorable pour une nouvelle maison d’édition consacrée aux romans du genre que j’affectionne.
Et le choc a eu lieu.
Et pour l’histoire, et pour la façon dont elle est racontée.
Une découverte !
Allons-y donc pour cette histoire pas si facile à résumer.
Disons tout d’abord que «Carrières noires» est le quatrième roman qui met en scène le commandant de police Pierre-Arsène Leoni. Le nouveau lecteur que je suis, découvre qu’à la suite de la mort brutale de sa femme, il a quitté la police de Lille pour se réfugier en Corse. Il retourne à Lille pour régler certaines affaires personnelles et sous l’insistance de la belle Éliane Ducatel «pétillante et fantasque médecin légiste», il s’implique dans l’enquête sur l’étrange mort d’une vieille sénatrice riche et ... machiavélique.
Toute son ancienne équipe le supporte dans cette enquête et lui reste fidèle, le nouveau patron ne faisant pas l’unanimité ... et peut-être encore moins: à genoux devant les politiciens influents, prêt à bâcler une enquête pour accélérer sa montée dans la hiérarchie.
Justine Maes, cette sénatrice assassinée avait un projet qui était à la veille de se réaliser. Son neveu, Norbert Fauvarque, député-maire de son état, elle avait l’ambition d’en faire «son» président de la République. Avec des moyens «pas très catholiques» mais sûrement bien politiques! Ces moyens sont-ils la cause de son décès «naturel» ?
Ce neveu, il a énormément d’ambition. Joueur, frimeur, politicien (???), est-il juste l’instrument de sa démoniaque tante ou bien, serait-il capable, seul, d’atteindre le sommet tant désiré? Sur sa route, chaque plaisir est accepté parfois même (souvent pourrait dire sa tante !) aux dépens de sa carrière florissante.
Tout près des jupes de la sénatrice créatrice de président, se tient un homme de main fort utile, prêt à tout pour servir sa patronne. Dévoué, René Laforge est totalement dédié à sa patronne. Aucune basse oeuvre ne lui résiste. Et il en prend d’ailleurs plaisir. Sa fidélité et son obéissance font sa fierté.
Parallèlement à cette histoire, mais si peu ... Trois dames sont à la recherche de leur rêve: une maison sur le bord de la mer. Mais ce n’est pas leur maigre salaire de femme de ménage qui leur suffira pour vivre cette retraite dorée sous le soleil de La Panne, en Belgique. Mais comment faire, quel moyen plus ou moins honnête pourraient-elles prendre pour se payer leur inaccessible rêve. La réponse se trouverait-elle chez une de leur célèbre et riche cliente ?
Et sous le sol de ce «paisible» quartier, au fond des caves si peu fréquentées, il y a souvent une porte, probablement condamnée, qui mène à un réseau de galeries souterraines, immense dédale inquiétant. Il y fait noir, on s’y perd, la peur nous est souvent de mauvais conseil et pourtant. Deux enfants s’y trouvent. Et ils n’y sont pas par choix. Quelqu’un a décidé pour eux.
«De grosses larmes perlèrent au coin des yeux de la fillette. Sa frêle poitrine
enfla par paliers successifs et saccadés avant de se vider brutalement, expulsant d’un coup toute la détresse du monde.
Ça va aller, Sophie. je suis là, Sophie. je suis là, répéta Théo.
... Le petit bonhomme, pas plus épais et guère plus solide qu’une cigarette russe, se sentait la force et le courage d’un colosse.»
Le monde d’en haut ne mérite pas ces enfants et leur innocence; le monde d’en haut ne comprendrait pas. Une certitude : «Les carrières de Lezennes abritent bien un homme-ombre qui arpente et protège ce domaine unique depuis plus de trente ans.»
Comme vous pouvez le constater, personne ne s’ennuiera à la lecture des «Carrières noires».Toutes les histoires se développent parallèlement avec un égal intérêt et leurs convergences vers la finale se tissent d’une façon fort intéressante. Les enquêtes sont bien décrites même celle qui est mal menée. On s’attache très rapidement aux méthodes de Leoni, tout comme Éliane s’amourache de lui avec «ses chignons excentriques et ses décolletés vertigineux...».
L’auteure nous accroche dès le début de l’histoire, nous trace rapidement les desseins honnêtes ou pas de chaque personnage, place chaque élément dans son récit et plus on s’approche des événements, plus le lecteur développe une vue d’ensemble crédible et rassurante. En aucun moment, malgré la diversité de personnages et de situations, je n’ai ressenti un inconfort dans ma compréhension des événements.
Et je ne vous cacherai pas que quelques personnages m’ont particulièrement charmé. Les trois femmes de ménage sont particulièrement sympathiques. Leur façon de réaliser leur rêve n’est pas très orthodoxe mais leur vision, leur pensée et leur innocence sont touchantes. On rêve à leur réussite; on leur souhaite !
J’avoue également un petit faible pour cette médecin légiste qui suit courageusement le commandant, tout en espérant l’impressionner par son courage, sa détermination et son ... charme. De plus, je ne pouvais que vibrer aux réminiscences de l’homme de l’ombre. Un personnage mystérieux aux intentions troubles, marqué par une mère abjecte et sardonique.
Elena Pacientini possède un style très particulier. Très souvent, elle m’a laissé estomaqué devant une phrase ou une description; le lecteur passe de surprise en surprise. L’auteure nous transporte dans son imaginaire avec un sens de la formule assez percutant, «Il avait fini dans la rubrique des journalistes écrasés.»Puis, elle parsème son récit de petits instants touchants, pour le plus grand plaisir des amateurs de style: une phrase superbe par l’image qu’elle nous laisse, une autre qui nous frappe juste entre les deux yeux ou encore, une autre qui nous émeut par sa tendresse ou par sa violence silencieuse.
Inutile de vous dire que je recommande ce roman. Elena Piacentini fait la preuve que l’on peut raconter une histoire intéressante et prenante tout en faisant preuve de style et de qualité d’écriture.
Pour ma part, je pars à la recherche des premiers romans de cette auteure. Son écriture m’a convaincu et son personnage m’a charmé. Alors, ne nous privons pas de ce plaisir.

Quelques extraits, en commençant par ce superbe incipit:
«Pour la première fois de son existence, les mots lui avaient fait défaut. Les mots trompeurs aux accents de vérité. Les mots sucrés bardés d’épines. Les mots d’acier plantés à vif. Tous étaient venus trop tard ou trop tôt.»
«Ce n’est pas facile de se fabriquer des larmes d’eau tiède lorsqu’on est sec et glacé à l’intérieur.»
«Alors aujourd’hui, j’te demande juste l’ascenseur du retour, parce que, moi, j’en ai ma claque de prendre les escaliers.»

Bonne lecture !

Richard, Polar Noir et blanc

Carrières noires
Elena Piacentini
Éditions Au-delà du raisonnable
2012
363 pages

Le blogue de Leoni ... par l'auteure elle-même: Leoni

L'avis de Morgane dans Carnets Noirs

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