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03/01/2014

Etranges rivages, d'Arnaldur Indridason

étranges rivages,arnaldur indridason,métailiéUne chronique d'Éric    

Revenir sur les lieux du passé est toujours un pari risqué et un défi qu’on n’est jamais sûr de relever. C’est ainsi que l’inspecteur Erlendur, meurtri par la disparition de son frère, s’immerge dans cette contrée sans concession à l’est de l’Islande, celle des fjords et des chemins escarpés, là où la glace et les tempêtes étourdissent les êtres et suscitent « des meurtriers sans visages » ; épousant un mode de vie spartiate et se mettant ainsi à l’épreuve d’un climat âpre — il réside dans la demeure familiale abandonnée, ouverte à tous les vents, n’hésitant pas à faire des kilomètres pour obtenir de menues précisions sur tel ou tel fait — son enquête sur lui-même va se heurter à d’autres disparitions, celle de Mathildur sur laquelle il va plus particulièrement se pencher, et sur l’évanouissement de cette armée britannique emportée par une tempête en 1942.

 Nous ne l’avions pas oublié, mais Erlundur avait bel et bien disparu des précédents romans d’Indridason ; nous étions orphelins de cet inspecteur secret et perspicace, névrosé et démuni face aux désespérances humaines ; et s’il revient, c’est pour mieux mettre en scène la disparition de cet autre lui-même, ombre portée de son déséquilibre intérieur, comme le fantôme qui plane sur le désastre de son existence et que rien, pas même l’amour, ne peut consoler de vivre. Indridason — comme il le révèle dans un entretien passionnant — « s’intéresse à ceux qui sont confrontés à la perte » ; tout ici s’entrelace dans une mise en abyme brillante de toutes ses disparitions dont on ne sait au fond si elles se confondent ou si elles s’unissent dans un même désordre de l’Histoire, de la confusion des sentiments et d’un pesant relent de culpabilité qui anéantit tout. Indridason sait créer une intrication d’histoires conjuguées qui nous engloutissent jusqu’au malaise, et que le dévoilement final ne dissipe pas.

 L’auteur d’« Étranges rivages » ne nous épargne rien (pas même le grincement d’un doigt au fond d’un cercueil), et n’offre aucune perspective heureuse à ses personnages, pas plus qu’à ses lecteurs. Les hommes meurent ici irréconciliés avec la nature et avec leur entourage et désépris d’eux-mêmes, car, comme l’indique Erlundur, « le temps ne guérit pas nos blessures ».

 Nous sommes ici sur une terre dévastée où l’homme est nu, en état d’hypothermie. À cet égard le romancier islandais se situe au tout premier rang des grands auteurs nihilistes d’aujourd’hui avec Cormac McCarthy, Michel Houellebecq, Jonathan Coe.

Bonne lecture quand même !

Éric FURTER

Étranges rivages (2013)
Arnaldur Indridason
Editions Métailié
Collection bibliothèque nordique
298 pages ; 19,50 €

 

Présentation de l’éditeur
Erlendur revient !
Parti en vacances sur les terres de son enfance dans les régions sauvages des fjords de l’Est, le commissaire est hanté par le passé. Le sien et celui des affaires restées sans réponses. Dans cette région, bien des années auparavant, se sont déroulés des événements sinistres. Un groupe de soldats anglais s’est perdu dans ces montagnes pendant une tempête. Certains ont réussi à regagner la ville, d’autres pas. Cette même nuit, une jeune femme a disparu dans la même région et n’a jamais été retrouvée. Cette histoire excite la curiosité d’Erlendur, qui va fouiller le passé pour trouver coûte que coûte ce qui est arrivé… C’est un commissaire au mieux de sa forme que nous retrouvons ici !

 

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