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05/01/2014

La Madone de Notre-Dame, d’Alexis Ragougneau

madone_de_notre_dame.jpgUne chronique de Jacques

Polar et religion : quand la passion s’immisce partout, et frappe où elle veut...

Coïncidence ou loi des séries ? Deux polars récents ont pour toile de fond le monument le plus visité de France avec plus de treize millions de visiteurs chaque année. Un lieu que la littérature avec Victor Hugo et le cinéma avec Jean Delannoy, et surtout Gina Lollobrigida, ont rendu mythique : la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Il y a d’ailleurs, en prime,  une autre coïncidence : ces deux polars sont tous les deux des premiers romans !

Le premier d’entre eux est celui de Catherine Bessonart, publié aux éditions de l’Aube : Et si Notre-Dame la nuit..., à qui le prix polar Cognac 2013 a été décerné.

Le deuxième est ce roman : La Madone de Notre-Dame,qu’Alexis Ragougneau et les éditions Viviane Hamy nous proposent en ce mois de janvier 2014. Un livre qui, comme celui de Catherine Bessonart, pourrait bien se voir décerner, au vu de sa qualité, un des nombreux prix qui consacreront en 2014 les meilleurs polars francophones.

La cathédrale parisienne, par sa dimension historique, sa beauté et sa complexité architecturale, est un décor idéal pour une trame romanesque, tout particulièrement pour un polar, puisqu’elle est située à proximité du 36 qui des Orfèvres, autre lieu mythique immortalisé par Simenon et des centaines de créateurs avec lui, romanciers ou cinéastes. Mais le Moyen-âge cher à Hugo est bien loin de nous, et comme le roman se déroule à notre époque, l’auteur ne peut pas occulter la difficulté où se trouvent les autorités ecclésiastiques à devoir concilier deux ferveurs qui semblent (et sont) irrémédiablement contradictoires : la religieuse et la touristique, la seconde étant de loin la plus exigeante.

Cet élément n’est pas, naturellement, le cœur de l’intrigue, mais cette double dimension, sans cesse présente en arrière-plan, est une source de tensions narratives qui sont partie prenante de l’histoire.

Une histoire dont le point de départ est simple : le corps d’une très belle jeune femme, toute vêtue de blanc, est retrouvé un matin dans la cathédrale, étranglée. Elle est assise sur une chaise et semble dormir. La veille, pendant la procession mariale de l’Assomption, elle a été frappée à l’aide d’un crucifix par un jeune homme blond qui estimait sa tenue indécente et son comportement provocant.

Qui est cette jeune femme ? Que venait-elle faire à la cathédrale ? Comment a-t-elle pu y pénétrer la nuit, alors que toutes les portes sont closes ? Qui a-t-elle rencontré le soir de sa mort ? Dans l’enquête qui va suivre, deux personnages tiennent un rôle central. Claire Kauffmann, jeune substitut du procureur est chargée de l’affaire et nous découvrons au fil des chapitres les raisons de ses difficultés relationnelles, tout particulièrement avec les hommes. Le deuxième personnage est un des nombreux prêtres de Notre-Dame, le père Kern, qui souffre depuis l’enfance de douleurs liées à une maladie inconnue qui a stoppé sa croissance en faisant ainsi de lui un homme de très petite taille. Contrairement à la police, Kern comprend rapidement que le jeune homme blond est une fausse piste et que le coupable ne peut-être qu’une des nombreuses personnes qui travaillent dans la cathédrale. Il va tenter de découvrir la vérité.

La narration est habile, faisant alterner les points de vue de ces deux personnages avec celui de l’assassin, dont nous ne découvrirons l’identité qu’à la fin du roman. En même temps, au fil des chapitres, l’auteur lève le voile sur le passé de celui-ci avec un minimalisme de bon aloi et va nous permettre de comprendre la raison d’un crime qui se révèlera lié à un vécu personnel dramatique qui s’inscrit dans une période douloureuse de l’histoire de notre pays.  

Alors que la police considère que l’affaire est terminée, le père Kern, rongé par sa maladie et miné par des douleurs permanentes, va chercher à comprendre qui est cette jeune fille assassinée et à remonter le fil d’Ariane qui finira par le conduire au cœur de la Cathédrale. Pendant ce temps, Claire Kauffmann va se débattre avec les erreurs commises par un de ses enquêteurs, erreurs qui vont aboutir à la mort d’un innocent.

Ce sont donc trois êtres qui ont chacun vécu un drame personnel que l’auteur fait vivre pour nous, en donnant à chacun d’eux (particulièrement au père Kern et à Claire Kauffmann) suffisamment de chair et de profondeur pour les rendre attachants au lecteur. Ce pari était difficile à tenir pour un livre aussi court (deux-cents pages à peine), mais il est pleinement réussi, grâce à une écriture dense, efficace et plaisante.

Sans doute peut-on s’amuser à chercher (et à trouver) des parallèles entre certains des personnages de Hugo et ceux de ce roman : Esméralda et Luna Hamache – la jeune fille en blanc – d’un côté, Frollo et l’assassin de Luna de l’autre. Mais en réalité, les personnages de la Madone de Notre-Dame ont une originalité certaine, qui rend cet exercice plutôt vain.

Alexis Ragougneau se révèle, avec ce premier livre, comme un auteur intéressant et prometteur : une bonne découverte des éditions Viviane Hamy !

 Jacques, lectures et chroniques

La Madone de Notre-Dame
Alexis Ragougneau
Éditions Viviane Hamy (23 janvier 2014)
Collection Chemin Nocturne
204 pages ; 17 €

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