22/05/2015
PuKhtu : Primo, de DOA
Pour celles et ceux qui aiment le dessous des cartes et les jeux vidéos.
Drone de guerre.
Pris de remords d’avoir délaissé le lyonnais DOA pendant de longues années, nous voici avec son dernier gros pavé entre les mains : Pukhtu.
Le plus récent à défaut d’être le meilleur …
Tout au long de ces quelques 700 pages, DOA va décortiquer les mécanismes de la guerre US en Afghanistan.
Les ramifications et imbrications entre guerre(s) - au pluriel - et trafic(s) - au pluriel également.
Entre soldats de métier et milices privées.
Entre agences de renseignements et entreprises de l’ombre.
C’est passionnant. Non, plutôt : effarant.
Le fric, la drogue, les armes inondent les vallées et les montagnes, passent les cols et les frontières.
Du Kosovo à Jalalabad via Dubaï.
De Kaboul à Peshawar via la passe de Khyber, voilà autant de noms familiers qui nous ont été serinés à longueur de JT pendant des années.
Nous sommes en 2008, peu avant l’aboutissement de la traque de Ben Laden.
Les scènes de guerre nous sont longuement et patiemment détaillées. La nouvelle tactique américaine nous est rendue transparente : en l’air, des drones pilotés à distance par l’armée US (façon Good Kill).
Sur le terrain, sur place, des mercenaires et des supplétifs chargés de ‘marquer’ les cibles. L’armée ne se salit plus les mains.
Elle ne veut plus, elle n’en a plus les moyens.
« […] L'élan de privatisation de la chose militaire sans précédent constaté à l'occasion des invasions de l'Afghanistan et de l'Irak.
[…] Une double nécessité, le besoin de pouvoir prendre rapidement ses distances avec les paramilitaires s'ils sont découverts et le manque de moyens gouvernementaux disponibles. »
Tout ce petit monde affairé doit bien vivre et les subsides officiels ne suffisent évidemment pas.
« [...] L'Afghanistan produit 93 % de l'opium mondial, un commerce qui rapporte chaque année, d'après les estimations les plus conservatrices, 3 milliards de dollars à l'économie souterraine du pays, alimentant la corruption et finançant pour partie l'insurrection talibane.
[…] Pour les hérauts du capitalisme, l'enjeu commercial premier de ces deux guerres n'a jamais été la captation des richesses des pays en question mais la guerre elle-même, source d'immenses profits. »
Pour faire sérieux et documenté, DOA use et abuse des sigles des armes et des armées. C’est inutile mais cela ne nuit pas à la lecture. Y’a même un lexique pour les fans de AK.
On pourrait également se perdre facilement dans l’abondance de personnages, dans cette région où les patronymes afghans ou pakis ne donnent guère de repères.
Mais là aussi, le professeur DOA fait preuve de patience et s’est également fendu d’un répertoire.
De toutes façons, on reviendra fréquemment sur chacun de ces bonshommes, on prendra le temps de faire connaissance, de chapitre en chapitre. L’auteur est patient avec son lecteur parachuté en territoire inconnu.
L’écriture est simple et directe, sans fioritures, tout cela est bien entendu viril, vulgaire parfois, pimenté de sexe inutile et de violence gratuite.
Les mecs en mission là-bas oublient peu à peu les repères du monde et du genre humain : fallait pas s’attendre à voire les GI Joe disserter sur Spinoza. N’oublions pas qu’ils sont en mission pour nous, sur ordre officiel ou suggestion officieuse de nos gouvernements. DOA nous le rappelle.
Comme il nous rappelle la genèse et l’Histoire de cette guerre sans fin.
« [...] Ces connards d'Anglais ont été les premiers à participer massivement au foutoir actuel. Obsédés par leur Grand Jeu contre les Russes, ils établissent à la fin du XIXe siècle une frontière artificielle entre le Raj, les Indes britanniques, et l'Afghanistan, rabaissé au rang d'État tampon. Appelée ligne Durand, du nom du diplomate qui en négocia le tracé, cette démarcation coupe alors en deux le monde pachtoune, jusque-là naturellement réparti le long de l'Hindou Kouch, la Montagne qui tue les Hindous, et de la chaîne de Soulaïman, son prolongement méridional. Elle s'accompagne de l'annexion de six régions montagneuses déclarées zones tribales, par opposition aux zones pacifiées, c'est-à-dire le reste du Pakistan, l'Inde, le Bangladesh et une partie de la Birmanie. Dans chacune de ces six enclaves, l'Empire dépêche un administrateur dont le pouvoir repose sur un système de règles exclusives, simplistes, et de punitions collectives.
[...] Lorsque le Pakistan obtient son indépendance en 1947, il ne change pas le statut des zones tribales. La nouvelle constitution ne s'y applique pas et le droit de participer aux élections nationales n'est pas accordé aux populations locales. »
En dépit de tous ces centres d’intérêt, sans vraiment s’ennuyer, on trouve les 700 pages un peu longuettes, franchement répétitives et la déception est grande lorsqu’à la place du mot FIN, on découvre qu’il ne s’agit que du premier épisode d’une série …
Un gros pavé pour se caler la tête sur le sable cet été.
On pourra même le ressortir chaque année, puis le repasser à nos petits-enfants, c’est tout l’avantage bien compris de ces guerres du Moyen-Orient.
« [...] - Comment se passe ta guerre, Gareth ? » Pour Montana, Voodoo a toujours été Gareth.
- Bien. Elle est sans fin. »
- Ne le sont-elles pas toutes ? »
Bruno ( BRM) : les coups de Coeur de MAM et BMR
14:11 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doa, pukhtu, primo, afghanistan | Facebook | |
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