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31/05/2017

Le diable n’est pas mort à Dachau, de Maurice Gouiran

le_diable_nest_pas_mort_a_dachau.jpgUne chronique de Jacques

 Pour son vingt-septième polar, Maurice Gouiran, prolifique auteur des éditions Jigal, nous entraine dans un récit qui alterne entre une France rurale de 1967, le camp de Dachau en 1943 et les États-Unis. Nous n’y retrouvons pas son enquêteur fétiche, le sympathique journaliste Clovis Narigou, mais un jeune mathématicien français expatrié en Californie, Henri Majencoules, qui a l’issue de sa thèse a été sollicité puis embauché pour travailler sur le projet ARPANET, qui sera plus tard réputé pour avoir été à l’origine de la création de l’Internet.

La Californie en 1967, c’est le féminisme, la libération sexuelle, la musique, le mouvement hippie, le LSD et autres drogues, mais aussi la naissance de cette incroyable concentration de tant de cerveaux fertiles et imaginatifs qui vont changer le cours de la science et de la technologie, et donc du monde... Peut-on imaginer une vie plus radicalement opposée que celle qu’a connue Henri, qui a passé son enfance à Agnost, un village montagnard complètement paumé du sud de la France, un lieu où la toute jeune télévision n’a pas encore uniformisé les mentalités et qui, par bien des aspects, conserve encore les valeurs de la France paysanne du 19e siècle ?

Revenir au village pour les obsèques de sa mère, alors qu’il l’a quitté sans regrets ni remords d’y laisser sa famille est une vraie corvée pour Henri, d’autant plus que son père, un paysan taiseux dur à la tâche, qui n’exprime que rarement ses sentiments et cache ses émotions, lui est devenu étranger.

Une tragédie vient de se dérouler au village la veille de son arrivée et va permettre à Henri de renouer quelques liens d’enfance tout en passant le temps qui lui reste avant son départ sans trop s’ennuyer : les Stokton, un couple d’Américains et leur petite fille, installés à Agnost d’en haut depuis peu, sont retrouvés dans leur maison, où ils ont été assassinés. Henri va aider son ami journaliste Antoine Camarro, chargé de suivre le déroulement de l’affaire pour France Soir, à mener une enquête en parallèle avec celle de la police.  Le ou les meurtriers sont-ils à rechercher dans le village ? Le massacre de la famille Stockton ne pourrait-il pas évoquer la célèbre affaire Dominici, qui a défrayé la chronique pendant les années cinquante ? Y aurait-il un lien avec la célèbre « affaire du pain maudit de Pont-Saint Esprit » qui s’est déroulée en 1951 et dont on a parlé longtemps après, et encore aujourd’hui ? Ne faut-il pas plutôt chercher dans le passé de Stokton les raisons du massacre ? Ou encore dans son travail de chercheur pour un programme militaire américain ?

Maurice Gouiran reste fidèle à sa méthode, qui consiste en un savant dosage entre les nécessités d’imagination et d’observation nécessaire à un bon récit de fiction et l’inscription de ce même récit dans une réalité historico-politique solidement documentée et toujours passionnante par les rapports qu’elle peut avoir avec notre époque.

Entre l’horreur des camps de la mort et des expérimentations médicales sur des déportés, jusqu’à la guerre froide qui va justifier la récupération des savants Allemands par l’US Army et l’OSS (qui deviendra la CIA), ce sont les mêmes expérimentations qui vont se poursuivre sur le territoire des États-Unis. Des expérimentations sur des prisonniers, des malades, des soldats (de préférence noirs), mais aussi des populations civiles, qui vont occulter toutes les règles de l’éthique.  

Au fond, les expérimentations des camps de la mort du IIIe Reich qui avaient comme justification la survie de la grande Allemagne, la protection de ses enfants et la pérennité du Reich éternel étaient-elles fondamentalement différentes de celles de la CIA et de l’US Army, soucieuses de sauver à l’époque « le monde libre » du communisme, comme aujourd’hui elles le sont de lutter à tout prix contre la menace terroriste ?

Un polar très noir, au style sobrement efficace, remarquablement documenté et habilement construit, dans lequel Maurice Gouiran  jette une lumière crue sur ces questions qui sont toujours d’actualité.  

 

Le diable n’est pas mort à Dachau
Maurice Gouiran
Éditions Jigal (mai 2017)
218 pages


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