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11/07/2014

N’oublier jamais, de Michel Bussi

n_oublier_jamais.jpgUne chronique de Jacques.

 Si vous aimez les intrigues sophistiquées qui  titillent les neurones jusqu’à les mettre en vrille, si vous trouvez celles d’Agatha Christie un peu trop simplistes pour vos capacités de déductions dignes de Sherlock Holmes, si vous êtes fâché contre les auteurs de polars parce que vous découvrez toujours le coupable avant la page 100, si enfin vous aimez être surpris et piégé par un romancier qui se révèle plus malin que vous, alors la lecture de N’oublier jamais devrait combler vos attentes.

Il faut dire que depuis la publication en 2011 de Nymphéas noirs, couvert de prix littéraires divers, puis de deux autres romans qui ont également cartonné, Un avion sans elle et Ne lâche pas ma main, Michel Bussi s’impose comme l’un des plus remarquables auteurs français, capable de mêler énigme et suspense avec une parfaite maitrise.

Jamal Salaoui est un sportif de haut niveau bénéficiant d’une prothèse de carbone à la jambe gauche, à partir du tibia. Il rêve d’être le premier handicapé à participer au  mythique Ultra Trail du Mont-Blanc, et s’entraine régulièrement pour parvenir à cet objectif. Jamal, chargé de l’entretien dans un institut thérapeutique pour ados fortement perturbés, va être soupçonné d’un meurtre qu’il affirme n’avoir pas commis, celui d’une jeune suicidaire croisée alors qu’il faisait du jogging en bordure d’une falaise d’Yport. Dans la foulée, on le suspectera également d’être le meurtrier en série qui sévit depuis dix ans dans la région.

Vous le voyez, le point de départ n’est pas spécialement original pour un polar, il est même plutôt classique... sauf que le déroulement des faits dans la version présentée par Jamal dans son journal est totalement impossible, et donc invraisemblable.

Jugez-en : Jamal voit une jeune femme hagarde et aux vêtements déchirés en bordure de la falaise. Elle semble prête à sauter. Il lui tend un foulard Burberry rouge en cachemire qu’il vient de trouver quelques instants plus tôt accroché à une branche. Elle le saisit, tire d’un coup sec et saute dans le vide avec le morceau de tissu à la main. Il descend de la falaise et arrive le premier auprès du corps, avant deux autres personnes présentes sur la plage qui avaient assisté au loin à la chute de la jeune femme. 

C’est alors qu’il constate que le foulard rouge est maintenant serré autour du cou de la jeune femme. Pire : l’enquête va montrer que celle-ci a été étranglée avec ce foulard... avant même de tomber de la falaise ! C’est visiblement impossible. Le récit n’a pas pu se dérouler tel qu’il est raconté, sauf à basculer dans le fantastique.

Le dilemme devant lequel est placé le lecteur est donc le suivant : soit Jamal et fou, soit il est coupable et il déforme sciemment la réalité des faits dans son journal. Mais pour éviter cette tentation, qui serait vraiment trop facile, du recours à la folie ou au mensonge, l’auteur utilise une ruse de narration : le journal de Jamal commence dix jours après la mort de la jeune femme, il connait donc la fin de l’histoire et il prévient le lecteur : il n’est ni fou, ni menteur. Il peut même nous assurer que l’histoire s’est bien terminée pour lui.

Une façon pour Michel Bussi de nous dire : « lecteurs, faites travailler votre imagination. Ces faits invraisemblables peuvent être expliqués rationnellement, il vous suffit de trouver la clé, je sème des indices et maintenant, c’est à vous de jouer ».

J’ai joué, et je dois vous avouer que j’ai perdu : je n’ai pas trouvé la solution de l’énigme. Sans doute serez-vous plus malin, mais attention, ce n’est pas si facile, car je ne vous ai pas tout dit : les surprises s’enchaînent jusqu’à la dernière page, qui nous permettra d’avoir enfin la solution définitive du mystère !

Il y a une contrepartie à cette complexité de l’intrigue et à la manipulation permanente et habile du lecteur : l’histoire peut sembler tirée par les cheveux, et même abracadabrantesque. De même, le récit est plutôt hors-sol d’une réalité sociale contemporaine. Mais tout dépend de l’attente du lecteur en matière de polars. Personnellement, comme j’ai des gouts plutôt éclectiques dans ce domaine, je n’en ai pas été gêné, car l’auteur s’inscrit ici dans la lignée des grands ancêtres anglo-saxons de l’intrigue policière pure et dure que sont Agatha Christie et Arthur Conan Doyle. Il tient ses promesses avec panache et assure aux amateurs quelques heures de lecture agréables. Que demander de plus ?

 Jacques (blog : lectures et chroniques)

 

N’oublier jamais
Michel Bussi
Ed. Presses de la Cité
500 pages