21/02/2021
Nous sommes bien pires que ça, de Guillaume Audru
Une chronique de Cassiopée
C’est un livre d’hommes, de mecs qui savent se battre, se montrer violents, indifférents, humains aussi, bref des soldats. Les figures féminines sont rares et ne sont pas sur le devant de la scène.
Fin 1918, la guerre est quasiment finie, l’armistice va être signé et ceux qui sont au front ne rêvent que d’une chose : rentrer à la maison. C’est le cas de Simon Fleurus qui pense à son épouse et son fils et espère les retrouver bientôt. Et puis, finalement, il est obligé de repartir en mission en Algérie, au centre pénitentiaire de Ouchkir. Comme il a participé aux tribunaux militaires qui jugeaient les mutins, il est affecté dans ce bagne du Sahara, isolé de tout, pour mener l’enquête. Sauf qu’il ne se sent plus en accord avec tout ça. Il a de terribles migraines, il fait des cauchemars, il est hanté par des images de camarades blessés ou morts, il est mal et personne ne le comprend. Embarqué malgré lui, il part même s’il n’est pas d’accord car « il se doit de comprendre. »
Sur place, au cœur de ce désert à la chaleur étouffante, il doit essayer de saisir pourquoi il y a tant de désertions parmi les prisonniers. Le colonel Gardanne qui est le responsable, ne le voit pas arriver d’un bon œil. Il n’aime pas qu’on vienne à critiquer ou surveiller son fonctionnement. Pour lui, les hommes qui sont là sont des rebelles, il faut les briser, les casser, pour qu’ils soient soumis, dociles. Les traitements, les conditions de vie, tout est inhumain mais il ne veut pas discuter. Il a raison et c’est ainsi. « Comme si la violence qui s’étale au quotidien au camp était devenue banale, comme si la discipline était la seule voie à suivre. » Si Fleurus creuse trop et dérange, il se débrouillera pour lui faire comprendre qu’il faut regarder ailleurs et se taire, quitte à employer des moyens illicites. Le lecteur est confronté à l’horreur et à l’impuissance de ceux, peu nombreux, qui voudraient faire bouger les choses et par l’intermédiaire de retours en arrière, il revit le séjour de Fleurus à Ouchkir.
En parallèle, c’est le présent, nous sommes en 1955. Gabriel Fleurus (fils de Simon) part en pleine guerre d’Algérie pour retrouver le colonel Julien Gardanne, qui l’a « convoqué ». L’homme n’a pas vraiment perdu de sa superbe même si c’est un vieillard alité et malade dans un hôpital à Alger. Il veut toujours être celui qui parle, qui décide, qui en impose mais son corps ne le suit plus.
Quel est le but de ces retrouvailles ? Revenir sur le passé et s’expliquer ? Boucler la boucle ? Comprendre l’attitude des uns et des autres ? Ce qui les motivait à agir ainsi ou ce qui les empêchait d’être humain ? Pourquoi Gardanne a-t-il demandé à voir Gabriel ?
Ce roman met des frissons, il vous happe très fort et ne vous lâche plus. Il montre le côté sombre de certains hommes, leur soif de pouvoir, de puissance sur les autres, leur besoin d’exister par ce biais. L’écriture de l’auteur est incisive, précise, elle pointe les événements et nous les transmet. Il n’en fait pas trop, il présente chacun, les faits, le quotidien mais c’est tellement vivant qu’on y est, en plein dedans. On le vit et c’est pour ça qu’on se prend à serrer les poings de rage devant l’attitude de certains, devant l’injustice flagrante, devant les mauvaises raisons, devant l’inconcevable…. Ce récit est fort, puissant et bouleversant. Une réussite !
Éditions : du Caïman (12 Janvier 2021)
ISBN : 978-2919066803
332 pages
Quatrième de couverture
Été 1918, la Première Guerre Mondiale touche à sa fin. Ici, on combat. Ailleurs, on négocie la paix. Le capitaine Simon Fleurus est un héros contradictoire. Harassé par ces guerres obscures et souffrant de stress post-traumatique, il sollicite sa mutation, au grand étonnement de son état-major. Ses supérieurs, qui ont apprécié ses capacités d'enquêteur, l'envoient en Algérie française. Dans un bagne de l'armée, en plein désert du Sahara, les cas d'évasion sont particulièrement élevés. Fleurus, accompagné du major Louis Zamberlan, pénètre dans la gueule de l'enfer...
17:06 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |