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03/05/2012

Les talons hauts rapprochent les filles du ciel, d'Olivier Gay

 talons_hauts.jpgUne chronique d'oncle Paul.

Malgré ce que peuvent nous faire croire les médias et surtout les déclarations des services du ministère de l’Intérieur, les petits voyous et les dealers de drogues ne résident pas tous en banlieues dite difficiles, le troc s’effectuant dans les sous-sols d’immeubles dégradés et décrépis. Les consommateurs non plus ne relèvent pas des images d’Epinal trop souvent évoquées dans les films et séries télévisées. Ceux que l’on surnomme les cols blancs et les people en usent et en abusent aussi. Des sportifs, des artistes, des fils « de » et d’héritiers(des hommes politiques pourquoi pas, mais l’auteur ne les recense pas), sont les clients habituels des revendeurs (notés la différence d’appellation) qui pratiquent leurs échanges billets/sachets dans des clubs situés dans les quartiers huppés de la capitale.

Fitz, diminutif de John-Fitzgerald (c’est un peu lourd à porter alors nous aussi nous nous contenterons de l’appeler ainsi), hante les clubs la nuit et dormant le jour. Il passe une grande partie de ses nuits à la vente de petits sachets de cocaïne, à draguer et s’enfiler des cocktails de couleur à base de vodka, et dans la journée, lorsqu’il ne dort pas en compagnie d’une conquête, il s’amuse sur une manette à des jeux vidéos en ligne. Une vie de paresse qui lui convient bien, d’autant que, s’il est un gagne-petit, n’envisageant pas d’étendre au-delà du raisonnable son commerce, son triangle d’or est situé entre l’avenue Montaigne, les Champs Elysées et l’avenue Georges V, guère plus loin. Il habite rue François 1er, au cœur de sa surface d’activité, une chambre de bonne certes, mais située dans un quartier qui en jette et pose son homme.

Ce jour-là un appel téléphonique le réveille alors qu’il n’est pas encore l’heure de se lever et de se préparer. Jessica, son ex, commissaire de police de son état, a besoin de ses services. Quatre jeunes filles, toutes habituées à fréquenter les clubs, ont été retrouvées non seulement assassinées mais mutilées. Je ne vous donnerai pas les détails, mais sachez que le résultat sur les photos des cadavres est particulièrement ignoble. Fitz ne connait pas ces jolies personnes, enfin jolies avant les mutilations, mais qu’à cela ne tienne, il va devoir enquêter. Jessica est très persuasive, puisque qu’elle possède un cliché montrant Fitz pratiquant à un échange de marchandises prohibées. Alors il se met au travail, en requérant l’aide de ses amis Moussah, un colosse, et Deborah, une gringalette, tous deux eux aussi friands des soirées animées, mais qui travaillent dans la journée.

Deb et Moussah, en posant des questions anodines, parviennent à relever une coïncidence qui pourrait éventuellement les mettre sur la piste du tueur. Les quatre filles avaient été vues en compagnie d’un homme barbu aux yeux bleus. L’homme est repéré, il s’agit du leader d’un groupe musical qui connut son heure de gloire quelques années auparavant. Phil Turner est toujours accompagné de deux gardes du corps mais cela n’empêche pas Fitz de provoquer une explication virile, qui se termine sur le trottoir et quelques contusions de part et d’autres. Mais Phil Turner n’est pas le bon candidat. Toutefois Phil Turner apporte d’autres éléments de chasse. Il a vu un vieux beau en compagnie de l’une des défuntes. Avec l’aide d’une Asiatique, Mei, une familière de ce genre de soirée, il parvient à localiser ce vieux beau, un aristocrate hautain, au regard bleu et froid. Un nouveau cadavre est retrouvé et cette fois, Fitz la connaissait.

Fitz n’oublie pas qu’il est dragueur avant d’avoir été bombardé enquêteur, et Mei l’accepte dans son lit. Hélas deux heures après l’avoir quittée, il apprend qu’elle vient de succomber d’une balle. Alors il ne lui reste plus qu’à se renseigner sur le vieux beau, pardon pour les répétitions, et aborde sa fille à la sortie de la fac de Nanterre. La jeune fille est ambivalente, timide et agressive, gaie et apeurée, et Fitz se demande bien pourquoi.

Ce roman mérite amplement le prix du premier roman décerné à l’occasion du festival de Beaune grâce à une intrigue savamment dosée, et à une histoire qui nous entraîne dans des lieux qui nous changent des clichés d’une banlieue qui accumule toutes les déviances. Fitz, malgré son statut de dragueur et de dealer, est sympathique, d’autant que lui-même refuse de toucher à la cochonnerie qu’il vend. S’il est un gagne-petit, c’est bien parce qu’il n’a pas de véritable ambition. Il rend visite le dimanche midi à ses parents, et mange le poulet frit traditionnel. Il fait croire à son entourage qu’il est représentant en jeux-vidéos, une occupation comme une autre. C’est quelqu’un de tranquille, et s’il se lance dans la bagarre c’est bien parce qu’il a la corde au cou, puis parce qu’il doit préserver sa petite personne.

En lisant le prologue, qui montre une des filles promises au charcutage face à son persécuteur, anonyme je le signale tout de suite, je pensais entrer dans un énième thriller à la mode avec scènes d’horreur et hémoglobine giclant jusqu’à tacher les pages du livre, mais il n’est est point question par la suite. Un bon point pour l’auteur qui développe dans la sobriété et ne cède pas à la facilité. Alors, un nouvel auteur en devenir ? Je le pense et le souhaite, mais seul l’avenir nous le dira. Quant au titre avouez qu’il n’est pas banal !

 Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

Les talons hauts rapprochent les filles du ciel.
Olivier GAY  
Le Masque jaune N° 2539.
Editions Le Masque.
384 pages.
6,60€.
Prix du premier roman du festival de Beaune.