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19/11/2015

Les Bouches, de Nicolas Feuz

bouches.jpgUne chronique de Paco

Coup de cœur !

 Ce roman fera partie des livres qui resteront gravés dans ma mémoire de lecteur ! En lisant ce bouquin, j’y retrouve quasiment tout ce que je recherche, et ça n’arrive pas tous les jours. Quels tours de passe-passe ! Tout y passe ! Être bluffé avec une telle minutie et subtilité — principalement sur les personnages et sur le contexte —, c’est très déstabilisant. Le but est donc atteint pour moi.

Je salue également le travail accompli pour dérouler cette histoire, soit avec une solide cadence et, surtout, réglée comme du papier à musique. La structure et l’organisation de la trame sont spectaculaires.

Le début de cette histoire aurait presque des similitudes avec le roman précédant,  EMORATA, à savoir que nous sommes au bord de la mer Méditerranée et, surtout, la mort a frappé, ou frappera. Ici, elle a déjà œuvré, car la mer charrie et berce le corps d’un homme comme un pantin, au gré de ses vagues. Nous sommes près de Bonifacio, en Corse.

L’auteur nous emmène sur l’Ile de beauté, dans les alentours de Bonifacio, où le paysage idyllique s’oppose aux circonstances du début de ce polar : une mort violente. L’enquête menée par un gendarme natif de l’île nous permettra de nous familiariser avec les lieux, bien sûr, mais aussi avec les personnes vivant sur cette terre, des familles très intéressées à retrouver un jour leur indépendance. Oui, car la Corse est française, c’est vrai, mais pas vraiment française non plus... (Collectivité territoriale de Corse vous connaissez ?). Et puis, il y a le FLNC qui n’est jamais bien loin du cœur de l’intrigue, évidemment... Peut-on parler de mafia ?

D’ailleurs, comme le prétend l’un des personnages dans ce roman, ce que la France juge comme étant du terrorisme, le Corse considérera plutôt cela comme de la politique. Leur réputation n’est plus à faire de ce côté-là. Cette mentalité est d’ailleurs bien rendue dans cette histoire.

Nicolas Feuz remontera également le temps et nous posera au centre d’une Corse occupée par les Allemands, en 1943. Nous suivrons quelques soldats corses, des résistants qui se battent becs et ongles pour sauver leur peau et délivrer leur île de l’occupation. Affrontements, surveillances, interrogatoires, torture, espionnage, plans déjoués... Et, surtout, un lien que le lecteur pourra établir avec le présent.

Éric Beaussant, la quarantaine, natif de l’île, est adjudant-chef dans la gendarmerie nationale, au commandement de la brigade territoriale de proximité de Bonifacio. Il a quitté l’île de beauté à l’aube de ses 18 ans pour rejoindre le continent. Un drame qui s’est produit en 1983, impliquant ses parents, lorsqu’il avait 7 ans, a probablement contribué à choisir cette option de fuite. Il ne reviendra plus. La Corse l’a rendu orphelin.

Ce n’est que maintenant, à l’âge de 40 ans, qu’il retourne sur sa terre natale, provisoirement, dans le cadre de son travail. Il retrouvera la seule famille qui lui reste, son grand-père Émile Beaussant, âgé de 90 ans, qu’il n’a pas revu depuis plus de 20 ans. Ce vieil homme végète dans un hospice, aveugle et muet. Émile a combattu durant la Seconde Guerre mondiale, comme commandant d’un croiseur. Il connaîtra le pire, la torture, avant d’être sauvé.

Notre adjudant-chef sera bien entendu en charge de l’enquête concernant le cadavre écorché retrouvé au pied des falaises de Bonifacio. Son identité révélera qu’il s’agissait d’une petite frappe œuvrant dans le recel, la contrebande ou encore dans le braconnage de fonds marins.

Un règlement de compte entre familles semble être la piste privilégiée par les enquêteurs. Ou alors peut-être une vengeance. Quoi qu’il en soit, les morts vont s’enchaîner. Arracher les yeux des victimes, encore de leur vivant, restera un élément troublant de l’enquête.

Ce qui est intéressant, ici, c’est que nous allons retourner régulièrement en 1943, durant la Seconde Guerre mondiale, et nous allons rencontrer, suivre et faire connaissance avec certains membres des familles que nous suivons lors de l’enquête qui se déroule de nos jours. Petite particularité : eux, ils ont combattu ensemble. Nous allons comprendre aussi certaines choses, même beaucoup de choses. Certains dans cette affaire vont même comprendre trop de choses.

Le dénouement représente exactement ce que j’attends à chacune de mes lectures : être trompé, surpris et bluffé. Ici, les révélations sont énormes, avec des conséquences majeures, une remise en question historique. Toutes les pièces s’assemblent enfin et le résultat donne une image affreuse, décevante et désastreuse.

C’est particulièrement violent. L’auteur, muni d’une pelle à neige, nous envoie une claque aller-retour sans se faire prier. Le scénario catastrophe qui se déroule devant nos yeux est lamentable, avec un (ou des) protagoniste(s) qui mériterai (en) t la médaille du couillon.

L’homme est quand même parfois un sacré con, qui n’assume pas et qui devient, par la force des choses, égoïste et très dangereux. Après, il est trop tard pour se retourner, se lamenter, car la machine est en route. 

Savez-vous garder un secret ? Ici, dans ce roman, un ou des protagonistes ont (presque) réussi à tromper tout un peuple, voire le monde entier, en tentant de garder le leur.

Mais cela ne s’arrêtera pas là, l’auteur rajoutera une compresse bien glacée et glaçante, en appuyant bien fort sur notre tête, pour nous achever complètement. Bluffant !

Le blog de Paco : Passion romans

« Les Bouches », de Nicolas Feuz
TheBookEdition/2015
288 pages