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24/01/2014

Play, de Franck Parisot

play.jpgUne chronique de Jacques.

 Franck Parisot : le français qui défie les Américains sur leur terrain !

Ce thriller a la particularité de s’inscrire dans un courant peu répandu : celui des auteurs français qui, choisissant les États-Unis comme cadre de leur histoire, tentent de faire leur place sur le terrain de jeu des Américains. Tout ce passe comme s’ils lançaient un défi à leurs homologues d’outre-Atlantique : nous pouvons faire aussi bien que vous ! C’est le cas pour Maxime Chattam et son profileur Joshua Brolin, Maud Tabachnik et le flic Sam Goodman, Andrea H. Japp et l’agent du F.B.I James Irwin Cagney : avec des styles très différents, leurs livres sont de vraies réussites, largement appréciées par le public français. Il nous faudra maintenant rajouter à cette liste Franck Parisot et ses inspecteurs Bridge, Alves et Morgans, qui sévissent tous les trois à New York.

Franck Parisot ne manifeste aucun complexe vis-à-vis des Américains, et il a bien raison puisqu’il s’en sort aussi bien que les meilleurs d’entre eux : il maîtrise à la perfection tous les codes du thriller, campe parfaitement ses personnages principaux, sans négliger les personnages secondaires, et nous concocte une intrigue sophistiquée qui plonge le lecteur dans une réflexion intense sur l’identité réelle du tueur. Un tueur que les enquêteurs auront naturellement déjà croisé dans le courant de l’histoire... ce qui fait partie des fameux codes !

 Au cœur du roman, il y a un tueur en série nommé « le cyclope » en raison de son accoutrement : une caméra frontale filme ses victimes pendant qu’il les torture ce qui lui permet de transmettre le fichier vidéo aux enquêteurs à l’aide d’une clé USB. Le cyclope ne choisit pas ses victimes au hasard, mais parmi celles (hommes ou femmes) qui affichent leur vie privée sur Internet. Naturellement, cette obsession et sa folie s’expliqueront par son histoire personnelle, et l’explication constituera un des objectifs du récit... et du suspense.

 Ce tueur en série non seulement rivalise en sauvagerie avec ceux de Chattam, mais il est, de plus, redoutablement intelligent. Un élément qui entre lui aussi dans les codes du thriller  et qui est évidemment indispensable : si le tueur est trop niais, le travail des flics sera trop facile et ceux-ci ne pourront pas montrer leur talent.

 Les personnages des trois flics sont un des points forts du roman. La première, Tsukiyo Morgans, est « une énigme vivante, l’incarnation sublime d’un siècle métissé et le fantasme absolu de nombreux hommes ». Vivant seule, tout comme Bridge, elle a des relations privilégiées avec celui-ci, qui a par ailleurs un rôle central dans l’histoire. Joachim Alvez, leur comparse latino est marié et amoureux de sa femme, qui le lui rend bien, ce qui constituera un élément important dans le jeu pervers que le tueur va mettre en place autour des enquêteurs.

 L’écriture est le deuxième point fort. L’auteur n’abuse pas des dialogues, trop souvent excessifs chez certains auteurs de thrillers américains, comme James Patterson qui est sur ce point assez caricatural. Très cinématographique, nerveuse, sèche, efficace et fluide, elle s’adapte parfaitement au suspense, même si l’auteur sait prendre le temps nécessaire pour des descriptions qui permettent au lecteur de visualiser les scènes :

 « Le vent s’était remis à souffler, soulevant des gerbes de poudreuse en fines colonnes tournoyantes. En s’approchant de son but, il ne pouvait s’empêcher de penser aux signes. Il avait la très désagréable sensation que quelque chose allait arriver. Quelque chose de grave. C’était comme si la nature le savait et s’était mise au diapason des événements à venir.

Encore quelques minutes et il y serait. Depuis cinq ou six rues, les immeubles s’étaient raréfiés, laissant place à de grandes demeures, toutes luxueuses. Son GPS indiquait qu’il allait bientôt arriver aux abords de l’adresse que le cyclope lui avait laissée, mais devait-il s’y rendre directement ? Il se méfiait des pièges et des faux-semblants, et une invitation si explicite de la part du tueur ne ressemblait en rien à une volonté de se rendre ».

 Découpé en 68 chapitres et un épilogue, l’auteur est suffisamment habile pour que chacun de ces chapitres happe le lecteur vers le suivant, selon le principe du « tourne-page » (ou « page-turner » si vous préférez le patois) qui se révèle ici particulièrement efficace.

 L’intrigue et les motivations du tueur, ainsi que ses liens avec l’un des flics, tout cela prend sa source quelques années avant le début de l’histoire et nous assistons à un dévoilement progressif du mystère, qui va se révéler pleinement dans les dernières pages du livre.

 J’avoue avoir été impressionné par la technique de l’auteur, sa maitrise narrative et la qualité de son écriture. Pour un premier roman, il se hisse d’emblée à la hauteur des meilleurs   : Play est une réussite exceptionnelle, qui laisse augurer à Franck Parisot une belle carrière d’auteur de thrillers.

 Jacques ( lectures et chroniques )

 

Play
Franck Parisot
Editions Albin-Michel (3 février 2014)
600 pages ; 20 €