05/02/2012
Un avion sans elle, de Michel Bussi (chronique 2)
Une chronique de Christine
Regardez le monde qui vous entoure, et la vie que vous menez. Quelles sont vos certitudes ?
Rien n’est stable, immuable, tout change à chaque seconde.
Vous pensiez réussir votre pâte à pain, et la voilà qui refuse de lever.
Vous étiez certain de pouvoir flemmarder au chaud sous la couette et vous réalisez subitement qu’il vous faut repasser votre chemise pour demain.
Quant à votre famille…. Rappelez-vous. Rappelez-vous bien !
N’avez-vous jamais au grand jamais imaginé, étant enfant « Moi, j’suis sûr, j’ai été adopté, mes parents c’est pas mes vrais parents »… ? Jamais ?
She's got a smile it seems to me
Reminds me of childhood memories
Oh, oh, oh, oh
Sweet child o' mine
Where do we go ?*
23 décembre 1980. Un vol Airbus Istanbul-Paris. À bord, entre autres, deux couples. Chacun voyageant avec un bébé de trois mois, et ayant laissé un autre enfant, un peu plus âgé, à la garde des grands-parents.
L’avion s’écrase près de la frontière franco-suisse. Cent-soixante-neuf passagers, cent-soixante-huit victimes.
Un seul rescapé, un bébé de trois mois : la petite « miraculée du Mont Terrible ».
Quelle est son identité ?
Les grands-parents vont s’affronter devant les tribunaux pour que cette petite fille soit reconnue comme étant la leur. D’un côté, Pierre et Nicole Vitral, une famille modeste de Dieppe. Aux antipodes (et presque dans tous les sens du terme) Léonce et Mathilde de Carville. Famille à particule et industriels prospères.
Deux familles vivant pourtant le même drame et espérant que le sort a au moins épargné leur petite-fille.
Alors, ce bébé : est-ce Émilie Vitral, ou Lyse-Rose de Carville ? À une époque où l’on ne parlait pas encore d’analyses ADN, pas facile pour la Justice de trancher !
Mais elle le fera en faveur de la famille Vitral. Au grand désespoir de la famille de Carville, qui ne renonce pas et va embaucher un détective privé, Crédule Grand-Duc. Un contrat grassement rémunéré, frais de mission en plus, jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant, pour tenter de connaître un jour la vérité.
« Émilie- Lyse-Rose » devient « Lylie » car nul n’est réellement certain de son identité.
2 Octobre 1998. Lylie Vitral a dix-huit ans. Elle retrouve son frère aîné Marc dans un café, lui remet le carnet que Crédule Grand-Duc lui a déposé dans sa boite aux lettres en guise de cadeau d’anniversaire. Ce carnet contient le résumé de l’enquête menée jusqu’à la majorité de la jeune fille. Puis Lylie s’en va en disant qu’il lui est nécessaire de s‘absenter quelques jours, et qu’en lisant ce carnet, Marc comprendra pourquoi.
Qu’a découvert Crédule Grand-Duc ?
Marc se plonge dans la lecture. Puis part sur les traces du détective car l’enquête est loin d’avoir révélé tous ses secrets…
You are my sister
And I love you
May all of your dreams come true
We felt so differently then
So similar over the years**
Comme dans « Nymphéas noirs », Michel Bussi aime entrecroiser les récits, alterner passé et présent, pour maintenir le suspense, semer des indices comme autant d’apparences trompeuses, et jouer avec les nerfs de ses lecteurs. Tout y est, encore faut-il regarder au bon endroit et sous le bon angle.
Nous progressons en même temps que Marc dans cette intrigue bien construite et découvrons avec lui l’enquête de Crédule Grand-Duc, détaillée depuis les premiers jours jusqu’aux dix-huit ans de Lylie. Le rythme de l’histoire va crescendo, avec un final. Nous sommes bien obligés de patienter, parfois en trépignant devant des effets d’annonce qui nous laissent régulièrement sur notre faim en fin de chapitre. L’auteur maîtrise le « page turner » et prend un malin plaisir à nous le montrer.
Une fois admis qu’on ne pourra pas éviter les « attendez un peu » et les « vous n’avez encore rien vu », il faut que les choses se mettent en place, et c’est d’un doigt impatient que l’on tourne les pages pour avoir le fin mot de l’histoire.
En conclusion : malgré un rien de manichéisme allié à une larme de machiavélisme il faut bien le dire, quelques personnages parfois campés à la truelle, un zeste d’ambiance familiale à la Chabrol, et un petit détail peu vraisemblable (mais là, je ne dis rien pour ne pas déflorer ce que fait Lylie), je me suis laissée prendre dans cette toile d’araignée bien tissée.
Tout se tient, et si vous relisez bien, il est impossible de trouver une faille dans le déroulement de l’intrigue et dans le raisonnement.
Il est incontestable que Michel Bussi mérite amplement sa place dans le paysage polardeux actuel.
C’est un bon roman policier, plaisant, sans surenchère d’effets sanglants ou atrocement noirs, qui vaut pour son écriture et sa construction impeccables, avec une histoire d’amour en prime, qui devrait plaire à de très nombreux lecteurs.
* Guns N’Roses « Sweet child o’mine »
** Anthony and the Johnsons «You are my sister»
Christine, (Blog : Bibliofractale )
A lire également : la chronique d’Oncle Paul sur le même roman.
L'entretien avec Michel Bussi, ainsi qu'une chronique sur son roman : Nymphéas noirs
Un avion sans elle
Michel BUSSI
Presses de la Cité (Terres de France)
532 pages ; 22 euros
20:01 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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