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17/03/2012

Back Up, de Paul Colize

back_up.jpgUne chronique d’Albertine.

Paul Colize superpose le « journal » du héros, dont le rôle dans l’histoire reste indéterminé jusqu’au chapitre 50, et qui restera anonyme encore longtemps, avec le récit d’une double  enquête : celle relative à l’identité de l’auteur de ce « journal » et celle relative à la mort des musiciens du groupe de rock Pearl Harbor.  Pourtant, il n’y a  rien de compliqué dans ce récit, qui coule avec  une grande fluidité et nous entraîne dans cinquante ans d’histoire.

En 1967, tous les musiciens de ce groupe de rock sont morts à quelques jours d’intervalle, en quatre pays différents. Cela ne suscite aucun intérêt des polices des différents pays concernées qui vont qualifier chacune de ces morts d’accident ou de suicide ; un journaliste, Michael Stern, mènera l’enquête en refusant de croire à une fâcheuse coïncidence.

La deuxième enquête concerne l’identité de « X Midi » tombé en état de « Loked-in-Syndrome » à la suite d’un accident de la circulation en 2010, près de la gare de Bruxelles ; elle  sera conduite par Dominique, le kinésithérapeute du centre de soins où il est pris en charge, qui noue avec son patient en état quasi-végétatif une belle relation de restauration de la confiance.

Le lecteur se doute rapidement que X Midi est le narrateur du journal, sans deviner son rôle dans l’énigme des quatre morts, jusqu’au chapitre 50 où le journaliste Michael Stern livre l’indice décisif qui fait la jonction entre les deux enquêtes : « Dans une ville comme Berlin, où de nombreux groupes de bon niveau se produisaient, il ne devait pas être très compliqué de dénicher un batteur valable pour assurer un bak up ».

Bak up, comme le titre du roman : l’histoire naissante du rock n’est pas un simple contexte : elle constitue la trame du récit, étroitement liée à l’usage de toutes les drogues en  circulation, licites ou illicites, et à tous les désordres qu’elles engendrent. Musicien, drogué, le narrateur du journal est dans son époque  des années soixante : il se réalisera par le rock et se perdra par la drogue mais largement aidé par d’obscures forces que le roman nous révèle à travers le journal et l’enquête du journaliste, et qui perdurent activement cinquante ans après. Les amateurs de rock apprécieront la vaste culture musicale de l’auteur, ses commentaires sur la force vitale et mortelle charriée par cette musique ; et l’auteur donne  aux non-amateurs de rock, une compréhension intime de cette musique : « Larry a pointé un index vers le haut et a attendu que le silence  total s’installe. Il a  claqué quatre fois des doigts et un grondement de tonnerre a jailli. Le riff de Steve était sauvage, féroce et jubilatoire. Il produisait du larsen et saturait à tout va. Après la quatrième mesure, la basse de Larry est entrée dans la danse. C’était un ronflement informe et monstrueux, j’ai composé un fill d’intro et je suis entré avec Jim ; l’enfer s’est déchaîné. Pearl Harbour avait inventé quelque chose. Le sol tremblait, l’immeuble tremblait. Berlin aussi. Une puissance phénoménale se dégageait de leur musique. Soutenus par une basse démoniaque, leurs riffs se combinaient, s’assemblaient, fusionnaient comme les vents en fureur s’accouplent pour former une tornade …»

Le récit est servi par une écriture et une approche précises de personnages complexes. Ainsi Dominique, le bon samaritain, haut en couleur, en bonheur de vivre et en sensibilité, saura inventer un mode de relation avec son patient rebelle à toute relation. Il sait deviner qu’il a vécu des évènements terribles, ce que confirmera le journal. Et il sait également le mettre en confiance. Pourtant se dit le lecteur, il saura aussi trahir son engagement pour des raisons qui restent obscures, aussi obscures que les forces du mal qui sont à l’œuvre.

Quelles forces du mal ? Mais bien entendu, celles du pouvoir, du pouvoir le plus radical, le militaire, qui ne répond que par la vie ou la mort. En l’occurrence, pour dissimuler certaines pratiques, c’est la mort. D’autres mourront à cause de ce bak up, jusqu’en 2011 ; et peut être qui sait, encore, de nos jours ? Comme si une certaine éternité semblait ouverte aux forces obscures, à celles capables de robotiser l’humanité, d’une guerre à l’autre.

Albertine, le 16 mars 2012

Back  up
Paul Colize
Editeur : La manufacture de livres, 2012
Broché: 256 pages
Editeur : Manufacture de livre éditions (1 mars 2012)
Collection : POLICIERS
19,90 €

 Présentation de l'éditeur

Bruxelles, 2010. Un sans-papier est renversé par une voiture devant la gare du Midi. Il est transporté dans un état grave à la clinique où l'on diagnostique un coma particulier, mieux connu sous le nom de Locked In Syndrom. L'homme ne peut communiquer que par le mouvement des paupières. La police tente de l'identifier, sans succès. Il est conduit dans un centre de réadaptation où l'un des kinés parviendra peu à peu à entrer en contact avec lui. Berlin, 1967. Quatre musiciens anglais faisant partie d'un groupe de rock, Pearl Harbor, trouvent la mort dans des conditions et des lieux différents. La police ne trouve ni lien ni élément suspect et conclut à des morts naturelles. Les familles des victimes se tournent vers les médias. Un journaliste irlandais, intrigué par l'affaire, accepte de mener des investigations. X Midi, l'inconnu de la gare de Bruxelles, se souvient. Son enfance dans un Bruxelles qui "Bruxelles" encore, sa découverte avec sa mère des premiers Chuck Berry et d'Elvis Presley, son adolescence difficile à l'heure de l'euphorie consumériste des sixties. Appelé sorts les drapeaux, il fuit à Paris, devient batteur, toxico et vit comme un beatnik entre la France, Londres et Berlin. Petit à petit le destin du marginal s'enfonce dans un monde de violence et de délires stupéfiants, jusqu'au jour où il est appelé pour remplacer au pied-levé le batteur du groupe Pearl Harbor pour une session d'enregistrement, un titre, un seul, qui ne sera jamais commercialisé, et pour cause. Back up est le roman noir d'un génération : des débuts du rock n'roll sur les premiers vinyls des sixties aux dérives narcotiques des seventies, Paul Colize nous fait revivre une époque en France, en Belgique, en Allemagne, au Royaume Uni à travers le destin d'un homme né avec la Seconde Guerre Mondiale et que l'explosion créative des années soixante va façonner. Les années sexe, drogues et rock n'roll vont constituer la toile de fond de ce polar plein de fausses pistes, mélangeant le réel et la fiction au son des Rolling Stones, des Beatles ou des Who. Maîtrisant les allers et retours avec le passé et le présent. Paul Colize brosse les contours d'une formidable machination sur fond de guerre du Viet Nam et d'utilisation à des fins militaires du LSD, mais pour mieux semer le doute dans un final exceptionnel. Une grande réussite.

 

 

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