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09/04/2012

Amères thunes, de Zolma (chronique 2)

ameres_thunes.jpgUne chronique d'oncle Paul.

Vous avez sûrement parmi vos parents, vos amis, vos connaissances, et vous-même avez-vous été confronté à ce genre de situation, eu un patron paternaliste, avec lequel il était agréable de travailler et qui arrivé à l’âge de la retraite a passé la main à un jeune arriviste, carriériste, sans états d’âmes. C’est qui arrive à Rémy Baugé, responsable du service des achats et du personnel dans un hypermarché d’une petite ville du sud de la France. Il a participé à la création du magasin avec Raoul Trille, le fondateur, vingt ans auparavant. Cette grande surface florissante a été rachetée quelques années auparavant par un grand groupe parisien. Seulement Trille prend sa retraite, largement méritée, et il est remplacé par un jeune manager parachuté par la direction parisienne.

Pourtant tout allait bien avant, aussi bien pour Rémy Baugé que pour Clotilde Massa, la comptable, que pour Fabrice Roderer, responsable de la sécurité, que pour tous les employés qui travaillaient dans une ambiance bon enfant. Seulement Jean-Edgar de Fourchon, le nouveau patron, possède un point de vue totalement différent concernant le bon fonctionnement du magasin, et il s’attache surtout à réaliser de substantiels profits à n’importe quel prix. D’abord dégraisser la charge salariale en proposant la porte de sortie à quelques collaborateurs en fin de course. En s’alignant aussi sur des prix de vente des concurrents situés parfois à plusieurs dizaines de kilomètres du rayon d’action du magasin. Bref la galère voguant sur les termes d’économies sur la masse salariale, rationalisation, diminution des coûts, modernisation. Et puis il est bien connu que pour efficace, il suffit d’adopter la méthode du présentéisme : venir tôt le matin, partir tard le soir.

Des inscriptions détournant une campagne d’affichage destinée à motiver le personnel et promouvoir l’économie, fleurissent. Par exemple Halte aux investissements vains, devient Halte aux investissements nains. Les posters sont tagués et sont collées dessus des effigies du nouveau patron en uniforme nazi. Il est vrai que cela n’est guère de bon goût, mais la rancœur et l’aversion générées par les actes et les paroles de Jean-Edgar de Fourchon ne prêtent guère à jouer dans la dentelle. Baugé est chargé de découvrir le coupable qui n’est autre que Roderer, mais il ne veut pas le dénoncer. Seulement De Fourchon n’est pas dupe, convoque les deux hommes, et sans vergogne affirme que Baugé a dénoncé Roderer. Ce qui est faux mais le mal est fait.

Le supermarché est transformé en hard-discount, et les produits destinés à la vente restent empilés sur les palettes, les clients devant se débrouiller. Massa est congédiée et Baugé astreint à exécuter des tâches subalternes. Jusqu’au jour où Baugé ne peut plus se contrôler et assène une gifle magistrale sur la figure poupine de son supérieur. Un geste qui soulage, qui défoule mais désigne par la même occasion la porte de sortie, direction la recherche d’emploi.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la femme de Baugé le quitte et il tourne comme une âme en peine chez lui. Les premiers temps, il se dit qu’il va pouvoir procéder à du rangement, effectuer des travaux qu’il a différé depuis longtemps, s’occuper intelligemment en attendant de retrouver quelque chose. Seulement sa principale préoccupation consiste en transvasement de bouteilles d’alcool vers son estomac. Jusqu’à ce que germe en lui l’idée de s’approprier l’argent du coffre-fort du magasin, Jean-Edgar de Fourchon ayant supprimé le ramassage quotidien de la recette et le réduisant en collecte hebdomadaire. Et comme il a procédé à l’installation du système de l’alarme, Baugé n’a plus qu’à recruter quelques comparses.

Bon nombre de lecteurs se reconnaitront en Baugé, jusqu’à un certain point toutefois. Et Zolma nous offre sa vision des dérives mercantiles, des méthodes abruptes de management, les mesquineries, le harcèlement moral de la hiérarchie bien plus dégradantes que les agressions physiques même si elles ne laissent pas de traces visibles, au détriment des employés et des chalands. Seuls les gagnants de ces façons de procéder étant les actionnaires qui engrangent les bénéfices réalisés. Mais ce n’est pas uniquement sa vision personnelle, c’est surtout une réalité à laquelle tout un chacun est aujourd’hui est confronté. Heureusement Zolma dépeint avec humour, parfois avec une ironie féroce mais salutaire, les tribulations de son héros et de ceux qui gravitent dans cette histoire. Baugé devient une sorte de Robin des Bois moderne, et on se prend à rêver…

Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

 

A lire : une autre chronique publiée sur ce roman, celle de Cassiopée.

Amères thunes.
ZOLMA :
Collection Forcément Noir.
Editions Krakoen.
228 pages. 10€.

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