30/07/2012
Le testament des abeilles, de Natacha Calestrémé (chronique 5)
Une chronique d'oncle Paul.
Après La disparition soudaine des ouvrières de Serge Quadruppani, Le gène du perce-neigede Jacques Bullot, pourquoi ne pas continuer notre voyage dans le monde délictueux des laboratoires phytosanitaires ? C’est ce que je vous propose d’effectuer en découvrant ce premier roman d’un auteur prometteur.
Pour écrire un bon Frileur (thrilleur en anglo-saxon), il faut choisir avec discernement ses ingrédients, les doser savamment afin qu’ils développent harmonieusement leurs saveurs, éviter qu’une épice empiète sur l’autre, les mélanger sans les brusquer ou les casser, laisser mijoter et servir aussitôt. Et vous aurez un délicieux plat aigre-doux qui enchantera vos neurones, comme ce roman dont le dosage entre les divers éléments est habilement agencé.
Natacha Calestr2mé nous entraîne dans un frileur naturaliste, botanique, et entomologique, véritable plaidoyer pour la protection de la nature, mais sans tomber dans des excès écologiques, démontrant les effets néfastes d’une certaine mainmise des laboratoires phytosainitaires. Mais commençons par le début, ce sera plus simple.
Major à la troisième division de la police judiciaire de Paris, Yoann Clivel revendique clairement ses origines basques par sa mère, n’ayant que peu connu son père breton assassiné dans la rue alors qu’il n’avait que dix ans. Il est officieusement le responsable du service. Le commandant Ponstain préfère s’occuper de la paperasse au lieu de se déplacer sur le terrain, tandis le gradé en dessous de Ponstain est un jeune lieutenant qui n’a obtenu sa nomination qu’en passant un examen mais ne possède aucune expérience (compétence ?). Une banale affaire de meurtre familial est soumise à la sagacité de Clivel et de son équipe. Un père de famille, sous l’emprise de la folie vient d’assassiner sa femme et sa jeune fille de six ans avant de se suicider à coups de couteau. Du moins c’est ce qu’il ressort des premières constatations, une reconstitution due à l’intuition de Berckman.
Berckman, chef enquêteur adjoint et ami de Clivel, est déçu par les femmes à causede la sienne qui lui a fait porter des cornes et il ne peut s’empêcher de passer la plupart de ses nuits dans des parties de poker interminables. Il porte en permanence sur lui une boîte d’allumettes qui contient six cloportes, des petits crustacés terrestres à quatorze pattes. Lorsqu’une affaire se présente, il secoue la boîte et le nombre de bestioles enroulées sur elles mêmes détermine la gravité de l’affaire. Dans ce cas, six boules gisent la boîte, ce qui signifie une enquête longue et difficile.
Vont participer également à l’enquête, aux enquêtes devrais-je écrire, car cette affaire n’est que la première d’une série qui va prendre de l’importance quant au nombre de victimes, Marc Honfleur, lequel est un spécialiste des recherches sur Internet et dans les archives de la police, ainsi que Jane Velin qui ne sera incorporée à l’équipe qu’un peu plus tard. Sans oublier le juge Gutineau proche de la retraite et qui voudrait partir en beauté.
Les premières victimes, au nombre de trois, habitaient dans le Quartier Latin. Le père était un biologiste reconverti en chef d’entreprise, important des plantes médicinales. Peu après ce sont treize morts qui sont recensés dans le quatorzième arrondissement parisien. Treize personnes dont la mort est tout autant une résultante de meurtres que de suicides ou de décès à l’apparence naturelle. Puis une nouvelle cascade de défunts est enregistrée, plus d’une vingtaine de victimes. En recoupant les professions des adultes, il appert que bon nombre d’entre eux gravitaient dans des professions dont le point commun est la nature, les plantes, la biochimie ou la biologie. Autre coïncidence relevée, les enfants sont tous âgés de six ans.
Clivel est déchargé de l’enquête au profit de la Criminelle, service de police dans lequel travaille Valentin, son ami d’enfance. Ils sont sensiblement du même âge et une forme de mimétisme physique s’était opéré. Mais est-ce véritablement son ami aujourd’hui ? Une question de jalousie peut-être, à moins que le meurtre non élucidé du père de Clivel soit une barrière entre eux.
Un premier élément se dégage lorsque les enquêteurs découvrent une feuille de lotus stylisée non loin du lieu de la première découverte macabre. Puis une autre. Enfin, en vérifiant tous les éléments dont ils disposent, Clivel et son équipe s’intéressent à une affaire ancienne, dite le Testament des abeilles, qui pourrait être à l’origine de ces morts suspectes. Et ils vont s’atteler à retrouver la trace d’un guérisseur magnétiseur qui pourrait détenir les clés de cette sorte de prophétie.
Clivel n’est pas prêt à passer la main, il tient à garder cette enquête, malgré les efforts de la Criminelle et le nouveau juge en charge de l’affaire à s’accaparer du dossier.
Ce roman policier et de mystère écolo-naturaliste possède une petite part d’ésotérisme et une pointe de surnaturel. Il nous offre plusieurs pistes de réflexions.
La mémoire du père chez un enfant de dix ans qui reste prégnante malgré les années qui passent à cause d’un mystère réel ou supposé sur une disparition éprouvante. Le rôle et les agissements d’entreprises soi-disant philanthropiques qui ne pensent qu’à s’enrichir : alors que depuis le début du monde, la pollinisation des plantes est assurée par les abeilles et qu’elles se ressèment grâce aux volatiles et au vent, les semenciers ont mis au point un principe de stérilisation empêchant la flore de se reproduire. Ils « donnent » des graines aux agriculteurs africains, par exemple, mais ces plantes ne pourront pas se reproduire. Et les malheureux cultivateurs seront obligés par la suite d’acheter de nouvelles semences au lieu de pratiquer le troc comme cela se faisait naturellement. Mais ceci n’existe pas qu’en Afrique. Plus grave, cette stérilité est contractée également par les abeilles qui ne peuvent plus se reproduire. Un cercle infernal.
Mais d’autres exemples sont également développés démontrant les nuisances d’autres éléments dont l’aluminium qui se trouve partout, jusque dans les déodorants, et qui favorise le développement de la maladie d’Alzheimer. Sans parler du soja transgénique utilisé en complément d’alimentation pour le bétail, alors que la plupart des éleveurs pensent être à l’abri en introduisant ces granulés au fourrage. Et la viande produite, le lait, les œufs, contiennent des OGM conçus pour être stériles et résistants aux antibiotiques. Je ne vous en dis pas plus afin de préserver l’intérêt de la lecture, mais sachez qu’en aucun cas ces digressions sont ennuyeuses, au contraire. Elles sont riches d’enseignement.
Je pourrais évoquer également le rôle contradictoire et néfaste de certaines sectes, ainsi que de l’interprétation des textes dits divinatoires, interprétation qui peut s’opérer selon l’état d’esprit, l’attente, les aspirations, les désirs de celui qui désire apporter des explications et dont les solutions édictées sont parfois le contraire de ce qu’ils veulent dire.
Un roman passionnant, abouti, attrayant qui possède quelques zones d’ombre, ne nuisant nullement à la compréhension de l’intrigue mais qui pourraient faire l’objet d’un second ouvrage avec les mêmes personnages.
Paul (Les lectures de l'oncle Paul)
L'entretien avec Natacha Calestrémé sur "un polar-collectif"
Sur ce roman :
Le testament des abeilles
Natacha Calestrémé
Albin Michel ( 2 novembre 2011)
19 €
Présentation de l'éditeur
Brusquement pris de démence, un homme sans histoire massacre sa famille avant de se suicider ; les habitants d’un petit immeuble du XIIIe sont décimés par un mal inexplicable… En quelques jours, une véritable hécatombe s’est abattue sur Paris et 26 adultes et 15 enfants ont trouvé la mort. Aucun lien apparent entre ces drames, sauf peut-être le dessin d’une fleur de lotus (symbole de pureté), retrouvé chaque fois à proximité des lieux. Secte, terrorisme, sadique, rien ne semble coller… jusqu’à ce que le major Yoann Clivel découvre un texte prophétique, écrit quatre ans plus tôt par un certain « Moine aux abeilles » et annonçant l’arrivée d’un élu : « L’année 1 du deuxième millénaire,
l’enfant éclairé de réponses croisera l’ombre, en une folie meurtrière… ». Ce «testament» énigmatique servirait-il de fil conducteur à un hypothétique assassin ?
17:08 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.