05/10/2025
Les braises de l’incendie, d'Éric Decouty
Le juge Krause est dans un « placard ». Il y a quelques années, sa façon de faire, en remuant ce qui ne sent pas bon, a dérangé, surtout parce que ça touchait des collègues corrompus. Alors, maintenant, il est sur la touche, un peu oublié de tous, avec des petits dossiers à régler.
Et puis, voilà qu’on lui confie une affaire délicate. La nuit du 8 Avril 2005, vingt-huit personnes, dont des enfants, sont décédés dans un incendie. Elles étaient installées, en surpopulation, avec d’autres, dans un hôtel insalubre. À lui de mener l’instruction avec pour consigne principale de « Ne pas faire de zèle ». Deux courants « opposés » encadrent sa « nomination », certains voudraient que, comme, autrefois, il aille au fond des choses, qu’il ose et d’autres qu’il ne creuse pas trop, que tout cela reste un fait divers, certes, tragique, mais sans remous car du côté des propriétaires, ce n’est pas très « propre ».
Alors que va choisir cet homme, miné par des problèmes personnels ? Aura-t-il l’envie, la force de s’investir dans des investigations qui peuvent le mettre face à des situations où les choix seront difficiles ?
Sa rencontre avec Nathalie Ségurel, une jeune avocate, le motive. Elle a recueilli le témoignage d’une petite fille rescapée de la fournaise. Elle a perdu sa mère et sa sœur et cherche son grand-frère sorti avant que le feu prenne. Le juge et l’avocate forment un duo atypique, improbable, mais attachant. Ils n’auront de cesse de comprendre tous les enjeux qui se cachent derrière les apparences. Mais trouver la vérité peut parfois provoquer des dommages qu’on ne maîtrise plus, qui protéger et pourquoi ?
« La vérité contre la promesse d’un avenir ravagé. »
Est-ce que la doyenne en lui confiant ce dossier espère des réponses ou veut-elle l’aider à avancer, à tenir le coup, lui qui a un quotidien difficile ? En tout cas, elle a bien fait car il ne lâche rien. Ce qui est le plus compliqué pour lui, c’est de gérer les informations qu’il récolte, pouvant mettre des personnes en danger ou les compromettre.
Krause et Ségurel prennent des risques, transgressent un peu les règles pour obtenir des éléments afin de cerner la personnalité de chacun. Mais ils sont face à des décisions qui peuvent tout bouleverser. Que vont-ils faire ?
C’est très intéressant de suivre leurs raisonnements parce qu’on s’interroge. Quelle position aurait été la mienne à leur place ? Qu’est-ce qui est le mieux, qui croire ?
C’est le quatrième roman que je lis de cet auteur et je l’ai trouvé extrêmement juste, complet. Éric Decouty était journaliste spécialisé dans les affaires politico-financières. Son écriture est très précise, « fouillée », jamais rébarbative car il insère des dialogues, évitant ainsi toute monotonie dans le propos. Son récit fait froid dans le dos, il nous ouvre les yeux ou nous rappelle ce qu’on connaît déjà. La précarité dont on sait qu’elle existe mais qu’on « oublie » parfois. Les jeunes d’origine étrangère qui, même avec Bac + 5, galèrent à trouver un boulot. L’embrigadement dans les cités entre trafic de drogues ou influence des islamistes radicaux. Quel avenir leur propose la société ? Quel encadrement, quelles propositions d’accompagnement ont-ils ? Que mettre en place pour éviter les erreurs de « trajectoire » ? Et quid des marchands de sommeil, de ceux qui se remplissent les poches en profitant de la vulnérabilité des autres ?
C’est un livre édifiant, au contenu lucide. Le rythme est excellent, pas de temps mort, des protagonistes bien campés et très crédibles. Le texte est abouti et l’ensemble absolument réussi. À conseiller et à lire !
Éditions : Liana Levi (2 Octobre 2025)
ISBN : 979-1034911387
354 pages
Quatrième de couverture
« Ne pas faire de zèle. » Voilà ce qu’on rabâche au juge Krause depuis qu’il est chargé d’instruire l’affaire de l’hôtel Caumartin. Dans la nuit du 8 avril 2005, cet hôtel social délabré où s’entassaient des immigrés africains a été réduit en cendres par un violent incendie. Comment « ne pas faire de zèle » quand 28 personnes ont perdu la vie ? Pris dans une tourmente personnelle, le juge Krause n’est pas sûr d’avoir la force de mener à bien cette enquête. Jusqu’à ce qu’il croise la route de Nathalie Ségurel, une jeune avocate qui lui remet un témoignage inédit. Tano, un adolescent ivoirien, a disparu après avoir vu quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir ce soir-là. Le juge et l’avocate se lancent à sa recherche, écoutant leur instinct quitte à franchir la ligne rouge.
20:42 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |