01/02/2012
La Guerre de Stratton, de Laura Wilson
Une chronique de Christine
En bonne maîtresse de maison, en hôte serviable et attentif, il vous est certainement arrivé de vous trouver face à des choix difficiles à faire. Votre chère amie Priscilla-Sidonie n’aime que le poisson, votre fidèle pote de bringue Michel-Théodule n’aime que le steak tartare. Cousin Hugues-Balthazar est abstinent, Cousine Charlotte- Edmonde carbure au gros rouge en bouteille consignée. Que la vie est compliquée !! Comment plaire à tout le monde autour de la table ? N’écoutant que votre courage et votre dévouement, vous mettez les petits plats dans les grands, et proposez un peu de tout.
Et bien, Laura Wilson est comme nous !! La reine du compromis, c’est elle !!
Enfin, en deuxième place, car la première place, elle nous est réservée. Carpaccio de bœuf de Kobe sauce aigre-douce ou ceviche de crevettes au citron vert ?
Londres, 1940. La guerre qui sévit sur le continent se rapproche, la ville est en émoi, bombardements et descentes aux abris rythment la vie des londoniens. Une ancienne star du cinéma muet, Mabel Morgan, est découverte défenestrée. Conclure à un suicide serait bien pratique.
Après tout, il y a de la criminalité, de la vraie, de la sérieuse. Et puis il faut faire la chasse aux espions, surveiller les réseaux pro-germaniques, décrypter les messages interceptés. Tout cela demande d’énormes moyens en personnel, tout cela prend du temps.
Pourtant l’inspecteur Ted Stratton va s’intéresser à cette affaire.
Star déchue, sans ressources mais non sans gouaille ou panache, Mabel était hébergée par Joe, un jeune projectionniste dont elle était l’idole. Son appartement est vandalisé, il est agressé par deux malfrats qui cherchaient visiblement quelque chose de précis mais n'ont rien trouvé. A la faveur d’un bombardement, on va retrouver une malle ayant appartenu à Mabel.
A l’intérieur, quelques lettres étranges, de vieux films.
Un surtout, qui éveille l’intérêt de Stratton et qui va décaler l’enquête dans le très secret et très feutré milieu du contre-espionnage dont le colonel Forbes-James est le farouche gardien et défenseur. Utilisant une armada de jolies jeunes femmes de bonne famille pour réaliser les basses besognes, homme énigmatique et ambigu, il contrôle tout d’une main de fer dans un couvre-théière.
Un de ses hommes impliqué dans un scandale ? By Jove !! N’y pensez même pas !!
Le pays est en guerre et en période de guerre, tout est permis. Même les coups les plus bas. Même les alliances les plus improbables.
Connaître la vérité sur la mort de Mabel va s’avérer bien plus compliqué que prévu.
Thé au gingembre ou café à la cardamome ?
Ce livre a reçu le prix Ellis Peters du meilleur polar historique, et on peut facilement comprendre pourquoi. L’ambiance de guerre est palpable, bien rendue. Entre bombardements, propagandes, désinformations, c’est une trame habilement tissée et tendue pour y broder une belle histoire.
Alors, roman d’espionnage ? Oui, en partie.
Bien documenté, avec quelques éléments inspirés de personnages ou faits réels, ce livre éveille l’intérêt. On a plaisir à suivre l’enquête et ses aléas, l’entrée dans le monde des faux-semblants et des tricheries infâmes, des manipulations retorses il faut bien l’avouer.
L’ambiance des années 40, le monde de ces jeunes filles quittant leur cocon familial pour voler de leurs propres ailes, l’émancipation difficile et douloureuse. Le poids de l’éducation, des apparences… Bref, c’est plutôt pas mal fait.
L’écriture est agréable à lire, et ne rebutera pas les allergiques à ce genre de romans.
D’autant plus qu’il y a une belle histoire d’amour ! Du vrai amour ! Avec des fleurs bleues et des larmes ! Des frissons et du chagrin ! Des « oh non !! C’est impossible » avec des « oh oui ! Je t’aime »...
Mais non, je ne me moque pas. Mon âme de midinette en est encore sous le choc !
Il y en a, suffisamment pour plaire aux lectrices et rendre la lecture plus palpitante au cas où le côté espionnage leur ferait tomber le livre des mains.
Mais pas trop pour que les lecteurs ne ronchonnent pas parce que ça dénature l’intrigue.
Et l’intrigue n’est pas mal du tout, ce serait dommage de ne pas l’apprécier.
Tout est dosé comme il faut !! Ah, elle est douée, Laura….
Et puis il faut lui reconnaître un talent certain pour camper ses personnages. Ils gagnent en épaisseur et en complexité au fur et à mesure, deviennent attachants ou odieux, et Stratton est particulièrement réussi.
Donc, il y a de tout, un peu.
Par moment c’est très fluide, par moment ça devient très capillotracté. Par moment il y a des longueurs, par moment ça se bouscule un peu. Par moment il y a de l’espionnage, et par moment une histoire d’amour. On vit avec la famille Stratton et on louvoie dans les méandres d’une histoire mafieuse.
Chacun y trouvera son bonheur !!
Laura Wilson est une hôtesse parfaite…
Christine, (Blog : Bibliofractale )
La Guerre de Stratton
Laura WILSON
Albin Michel
523 pages, 24 euros
Présentation de l'éditeur
Londres, juin 1940. Le « suicide » par défenestration d'une star déchue du muet ne convainc pas l'inspecteur Ted Stratton. Ignorant le veto de ses supérieurs, il continue de mener son enquête, qui va rapidement croiser celle de l'élégante Diana Calthrop, recrutée par le MI5 pour infiltrer un groupuscule pro-nazi. Mais le supérieur de Diana, le puissant Sir Neville Apse, est-il au-dessus de tout soupçon ? Stratton et la jeune femme comprendront-ils à temps que les intérêts des Services secrets et ceux de la pègre londonienne peuvent parfois concorder ? La Guerre de Stratton nous plonge dans l’atmosphère oppressante de la capitale londonienne pendant le Blitz, une période que Laura Wilson connaît bien et qu’elle évoque à la perfection.
08:05 Publié dans 02. polars anglo-saxons | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |