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26/04/2015

Quand j'avais cinq ans je l'ai tué, de Laurent Chabin

 quand-j-avais-cinq-ans.jpgUne chronique de Richard

Je m’en confesse, j’adore cet homme à la moustache tombante ! Et bien plus, j’aime l’écrivain, son écriture, son style, ses personnages, son monde. Laurent Chabin possède un style, un imaginaire propre à lui ; mais jamais on ne sent qu’il veut faire du Laurent Chabin. Il est lui-même, vrai, dur, doux et sensible, généreux et équarri à la hache, sans compromis mais plein de nuances.

Découvrir Laurent Chabin, c’est découvrir une littérature crue, noire, un monde de violence mais des émotions profondes. Lire du Chabin, c’est se plonger dans des quartiers glauques, des piqueries malpropres et des appartements infestés de misère humaine.

« Quand j’avais cinq ans, je l’ai tué ! » est le dernier tome d’une trilogie où l’auteur nous raconte les histoires de deux personnages fascinants : Lara Crevier et Serge Minski.

Amorcée dans « Le corps des femmes est un champ de bataille » et suivie par l’excellent « Apportez-moi la tête de Lara Crevier », l’histoire se poursuit (même si chacun des romans peut être lu indépendamment…) entre cette jeune étudiante en littérature comparée, assoiffée de sexe et de justice et son amant au passé mystérieux, sardonique et machiavélique.

Ce troisième tome est le roman de l’introspection pour Lara. Dès le début, on apprend la triste histoire de son enfance. Toute l’histoire ? Oh non ! Juste une partie, celle dont elle se souvient. Ou plutôt, celle dont elle pense se souvenir ?

Oui, elle se rappelle très bien de sa mère … celle qui lui a légué ce « goût immodéré pour le sexe », sur un testament tellement sale, notarié par des clients qui profitaient de sa jeunesse et graissaient la patte de sa mère, ignoble.

Ce qu’elle sait avec certitude, c’est le bonheur qu’elle ressentait quand elle visitait ses voisins, Véra et Milan Svislotch, dans leur maison pleine de livres, un monde plein d’imaginaires différents qui lui a donné, gratuitement, cette passion de la littérature.

Et enfin, dans ses souvenirs, cet incendie qui a tout détruit, où Milan et Véra sont morts. Suicide ? Meurtre ? Accident ?

Pourquoi ces souvenirs suscitent-ils tant l’intérêt de l’horrible Minski ? Que s’est-il passé réellement ? Que sont devenues ces peintures qui apparaissaient et disparaissaient dans la maison des voisins, au fil des jours ? Est-ce que l’amant aurait eu quelque chose à voir dans ces événements ? Qui étaient vraiment les Svislotch ?

Lara s’embarque donc dans une enquête qui la mènera au plus profond de sa mémoire et la ramènera dans le village de son enfance, où tout le drame s’est joué.

 Absolument passionnant !

Ce qui me charme de cette série de Chabin, c’est sa capacité à se mettre dans la tête, le cœur et la mémoire de son personnage féminin central. Rien n’est plaqué, tout est crédible et malgré sa marginalité, on s’attache à cette Lara.

Mais c’est surtout le style de l’auteur qui nous accroche, sa plume sans concession et sa poésie urbaine à la versification aux accents des rues des quartiers pauvres de Montréal. Un roman ni violent ni sanguinaire, mais une rudesse du sexe dans des corps en souffrance qui recherchent le plaisir pour occulter leurs douleurs. L’émotion à fleur de page, les sens en alerte, la quête se terminera-t-elle dans la paix ?

Il faut lire cette trilogie de Laurent Chabin, le romancier-poète des bas-fonds montréalais.

Quelques extraits … pour vous montrer la puissance des mots :

« La campagne n’est pas la nature, c’en est le dépotoir. Les oiseaux ou les renards ne me dérangent pas, mais je hais ces champs où marinent les sercets de famille, où l’homme pourrit avant que de vivre, où la femme se dégrade avant que de bourgeonner, où les deux confondent la survie avec l’agonie sans cesse prolongée. »

« Quand il te baise, la plupart du temps, un homme ne te voit pas. Il ne pense pas. Il n’est plus là. Il est tout entier dans ses couilles, noyé dans le brouillard de ses hormones, ce n’est pas le moment de lui demander d’inventer l’eau tiède… »

« Ce n’est pas nécessairement l’utérus dont on sort qui conditionne ce qu’on deviendra. »

 

Bonne lecture !

Richard (blog : Polar noir et blanc)

Quand j’avais cinq ans, je l’ai tué !
Laurent Chabin
Expression noire
2015 ; 263 pages