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06/12/2012

Furioso, de Carin Bartosch Edström

furioso.jpgUne chronique de Jacques.

Amis lecteurs, si outre les polars vous aimez la musique de chambre et les instruments à corde, si vous êtes des amateurs fervents de violon et de violoncelle, vous allez être comblés par le roman de cette auteur suédoise, encore inconnue du grand public français mais qui ne devrait pas le rester longtemps : il faut dire que Carin Bartosch-Edström est musicienne. Ancienne directrice d’orchestre, elle est également compositrice d’opéra et de musique de chambre et en matière de musique, elle sait donc de quoi elle parle.

 Si je voulais trouver une deuxième raison pour laquelle vous devriez lire ce livre, je pourrais ajouter que vous aurez deux livres pour le prix d’un : un roman psychologique de haute volée pour sa première moitié, un polar subtilement agencé pour la seconde partie, avec pour l’ensemble du roman des rapports entre les personnages et des situations d’une intensité étonnante.

 Mais finalement, je ne vais pas chercher à vous en convaincre. Il me suffit de partager avec vous les instants d’émotion et de plaisir qu’il m’a apportés, moments qui ne sont finalement pas si fréquents !(*).

 C’est un huis-clos que nous propose l’auteur dans la première partie. Quatre femmes, quatre musiciennes formant le groupe de musique de chambre Furioso, se retrouvent sur un îlot privé proche de Stockholm pour enregistrer le dernier quatuor à cordes du compositeur suédois Carl Stenhammar. Elles sont bientôt rejointes par Raoul Liebeskind, violoniste de génie ( une sorte de Yehudi Menuhin contemporain) aussi charismatique que séducteur impénitent, qui a été invité pour remplacer la responsable du groupe qui, blessée à la main, ne peut pas jouer.

 Entre les quatre femmes existait déjà une histoire faite d’amitiés et de rivalités mêlées, de jalousies, d’amour. L’arrivée de Raoul va être le détonateur qui va mettre en danger la cohésion d’un groupe pourtant dirigé d’une main de fer par Louise, riche aristocrate propriétaire de l’îlot, amie de longue date de Raoul mais aussi amoureuse de Caroline, jeune et belle celliste dont la carrière s’annonce prometteuse. Caroline est la sœur d’Hélène, dont le travail de médecin est un obstacle à son épanouissement de musicienne. Quant à la quatrième du groupe, Anna, qui est également directrice d’un orchestre réputé, elle a vécu quelques années plus tôt une relation amoureuse avec Raoul.

Tous ces personnages sont aussi talentueux que séduisants, fragiles pour certains, peu équilibrés émotionnellement pour d’autres, ambitieux, peut-être calculateurs...

 Les passions si humaines de ces artistes vont se croiser, se heurter, s’affronter. Les sentiments amoureux, les passions, les ambitions, le mal de vivre des différents personnages sont disséqués devant nous avec justesse, jusque dans leurs méandres les plus intimes.

 Alors que les répétitions et l’enregistrement se déroulent tant bien que mal en nous dévoilant au passage les détails de la vie professionnelle des musiciens classiques contemporains, ces passions vont s’exacerber, jusqu’au drame prévisible et annoncé (après tout, il s’agit d’un polar !) : la mort de l’un des personnages (homme ou femme... je vous laisse deviner), qui se produit vers la page 245, va faire basculer le roman dans une histoire policière aussi classique que bien construite.

 J’ai dévoré cette première partie du livre, qui aurait pu constituer un roman à part entière, tellement l’auteur manifeste une intelligence des rapports humains, qu’elle sait nous décrire avec élégance et subtilité.

 Dans la deuxième partie, les deux enquêtrices de la police criminelle de Djursholm, Ebba et Vendela, partant du principe maintes fois vérifié que c’est dans le passé que les motivations criminelles prennent souvent leur source, vont travailler à approfondir ce passé des différents protagonistes. De ce fait, au moment où nous croyons tout savoir d’un personnage, une découverte bouleverse notre diagnostic et modifie l’ordre des suspects possibles jusqu’aux dernières pages. L’auteur nous balade ainsi de surprise en surprise, en conservant toujours une grande cohérence narrative. Aucun temps mort, pas de dialogues inutiles. Les personnages sont suffisamment complexes pour ne pas être caricaturaux : la commissaire Ebba Schröder est ambitieuse et rêve de devenir commissaire divisionnaire, ses rapports avec ses subordonnés ne sont pas toujours des plus sympathiques mais sa compétence rattrape ses petits défauts et tout cela en fait un personnage intéressant.

 Carin Bartosch Edström s’inscrit dans le courant des auteurs de polars suédois que sont Camilla Läckberg, Johan Theorin et Henning Mankell, avec un ton plus léger que ces deux derniers, une vision de la vie moins sombre, mais une même précision de chirurgien dans la fabrication des intrigues et l’analyse des comportements humains.

 Elle nous livre là un premier roman remarquable et se place ainsi d’emblée dans la courte liste des nouveaux auteurs à découvrir absolument... et à suivre avec attention !

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(*) Si vous trouvez, en lisant mes chroniques, qu’elles sont très souvent élogieuses (ce qui pourrait signifier que les bons livres sont légion), c’est que – sauf exception rarissime – je n’éprouve que peu de plaisir à chroniquer un livre que je n’ai pas aimé : la plupart du temps je m’en abstiens.

 Jacques, (lectures et chroniques)

Une autre chronique sur ce roman, celle d'Albertine.

Furioso
Carin Bartosch Edström
Editions JC Lattès (octobre 2012)
Collection Thrillers
550 pages ; 22 €