13/06/2011
L'heure trouble, de Johan Theorin
Une chronique de Liliba
L'heure trouble, c'est ce moment un peu indistinct où le jour fait place à la nuit. C'est l'heure où les tensions de la journée s'apaisent, où l'on se pose, où le corps et l'esprit se relâchent avant la montée du soir. C'est un moment de flottement, un entre-deux. C'est aussi, pour certains, l'heure où montent les angoisses, les peurs, les pensées malveillantes. C'est le crépuscule, le moment, entre chien et loup, où tout est possible, le meilleur comme le pire...
C'est à ce moment de la journée qu'il y a des années a disparu le petit Jens, âgé de 6 ans. Quand, presque 20 ans plus tard, le grand-père de l'enfant reçoit par la poste un paquet dans lequel il découvre une sandale, il prévient sa fille. Julia décide enfin de retourner sur les lieux du drame, l'île de son enfance souvent envahie par les brouillards de la mer Baltique, l'île où elle a grandi, été heureuse, mais où elle a également perdu sa raison de vivre le jour de la disparition de son fils unique. Car les enquêtes n'ont pas abouti et l'enfant a été donné pour mort, on suppose qu'il s'est noyé, perdu dans la brume. Sauf qu'au plus profond de son cœur de mère, Julia ne veut pas admettre cette évidence, et qu'elle continue à parler à son fils, qu'elle l'imagine vivant, croit le croiser dans la rue, et noie ensuite son chagrin et sa dépression dans le vin rouge, pour oublier cette horreur et sa vie de somnambule depuis.
Alors cette mère brisée prend son courage à deux mains et retourne dans l'ïle. Elle va devoir affronter ses souvenirs, mais aussi son père, qu'elle n'a pas revu depuis bien longtemps et à qui elle en veut de ne pas avoir surveillé l'enfant, de l'avoir laissé se sauver alors qu'il en avait la garde. Elle voudrait enfin comprendre pour, une fois pour toute, enterrer ce passé douloureux, et peut-être, enfin, son fils.
Le père semble rapidement en savoir déjà plus qu'elle, mais ne lui distille les indices qu'à mots couverts. Aurait-il une idée du coupable ? Il faut dire qu'il a quasiment toujours vécu sur l'île, qu'il y connaît chaque personne ou presque. Bien qu'il soit maintenant dans une maison de retraite et que son corps le fasse souffrir au point de lui imposer régulièrement des déplacements en chaise roulante, il a l'esprit alerte. Il voit, entend, se souvient. Et les souvenirs remontent du long de toutes ces années. Le passé des uns et des autres refait surface, pas toujours sous l'angle auquel on s'attendait.
Dans ce huis clos un peu étouffant, prisonniers de l'ile et de ses brumes, nous suivons Julia et son père, qui sont bientôt aidés dans leur quête par l'inspecteur du coin, avec lequel Julia se sent en confiance. Nous découvrons, en parallèle des recherches sur Jens et ce qui a pu se passer cette nuit-là, le passé de nombreux habitants de l'époque. Et notamment celui de Nils Kant, un mauvais garçon dont la réputation encore fait trembler ou se clore les bouches, et qui dut quitter l'ile précipitamment après avoir assassiné le shérif en poste. Nous aussi sommes prisonniers, parce qu'entraînés au milieu de tous ces gens dont chacun semble cacher un secret, qui tous se connaissent, se protègent ou bien se haïssent, mais en tout cas jamais ne sont indifférents. Quand les ambitions des uns font trop d'ombre aux autres, la vengeance gronde... Le danger rode avec la brume, et même si l'île est devenue accueillante et est envahie de touristes et de nouvelles constructions, on y sent toujours l'atmosphère d'antant, le mystère, la peur...
D'ailleurs la mort frappe à nouveau et c'est ce qui mettra le père et la fille sur une piste. Des secrets vont remonter au grand jour, et peut-être, Julia pourra-t-elle enfin entamer son deuil et le long cheminement de pardon vis à vis de son père et des assassins de son fils. Car elle sait, elle sent que l'enfant n'est pas parti seul ; elle est persuadée que, s'il est bien mort, c'est qu'on l'a tué...
Voici donc une histoire passionnante aussi bien qu'émouvante, qui allie un suspense soutenu avec des descriptions magnifiques de cette région de Suède, et une intrigue policière solide avec le récit émouvant du plus grand malheur que puisse connaître une mère. A lire !
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Présentation de l'éditeur
À l'heure trouble, entre chien et loup, un enfant disparaît sans laisser de trace dans les brouillards d'une petite île de la Baltique. Vingt ans plus tard, une de ses chaussures est mystérieusement adressée à son grand-père. Qui a intérêt à relancer l'affaire ? Et pourquoi toutes les pistes conduisent-elles à un criminel mort depuis longtemps ? Dans une oppressante atmosphère de huis clos, une histoire de deuil, d'oubli et de pardon, hantée par les ombres du passé. Numéro un des ventes en Suède, déjà traduit dans une dizaine de pays, ce suspense complexe et envoûtant a été élu Meilleur roman policier suédois 2007 par la Swedish Academy of Crime.
L'heure trouble,
de Johan Theorin
Poche: 533 pages
Editeur : Le Livre de Poche (9 mars 2011)
Collection : Policier / Thriller
7,50 €
11:38 Publié dans 03. polars nordiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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