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13/06/2011

658, de John Verdon

658.jpgUne chronique de Jacques

 David Gurney est un ex-flic de 47 ans, jeune retraité, qui vit avec sa femme Madeleine à la campagne, loin de New York où il exerçait son travail. Sa réputation de chasseur de serial killers, intuitif et à l’esprit extraordinairement logique, a largement dépassée les frontières de l’état de New York, et c’est tout naturellement qu’un de ses anciens copain d’université s’adresse à lui quand  un inconnu lui envoie des poèmes inquiétants et étranges, menaçant en même temps de révéler des aspects de sa vie passée qu’il préfèrerait oublier.

Presque malgré lui, et surtout malgré sa femme Madeleine qui souhaiterait partager avec lui autre chose que des enquêtes, Gurney est embringué dans une histoire qui va le mener  bien loin de sa vie tranquille de retraité.

Ce livre, le premier de son auteur,  est une vraie réussite. Son côté le plus impressionnant repose sur l’intensité et la crédibilité que l’auteur parvient à donner à ses différents personnages, mêmes les secondaires. Je rappelle ce que disait Nicolas Sker ( auteur du roman le premier crâne ) dans son entretien avec Bruno, à propos des  thrillers :  « tu mets le doigt sur la plus grande difficulté du thriller selon moi. Faire exister des personnages quand l’intrigue est si forte. Dans ce genre de roman, les personnages sont dans une urgence et l’histoire a tendance à les écraser. Il est donc très difficile de prendre du temps pour leur donner une épaisseur psychologique totalement satisfaisante. La plupart des auteurs font le choix de la caricature. ».

Or chez John Verdon, la réussite est à cet égard  totale ; ses personnages sont à l’opposé des caricatures que l’on peut trouver (par exemple) chez l’auteur de thrillers le plus populaire au monde : James Patterson.  Le héros de 658 est saisi dans toute la complexité de sa vie conjugale, dans toutes ses difficultés psychologiques liées à la mort de son fils quelques années plus tôt, dans toutes ses interrogations sur les différentes pistes possibles dans la recherche du tueur, des rapports qu’il établit avec ses collègues et des liens qu’il tisse avec eux.  Et la plupart des personnages secondaires sont traités de la même façon, avec une telle maîtrise, que chacun d’eux va rester dans notre mémoire une fois le livre refermé. 

Le risque, comme le souligne Nicolas Sker, était que tout cela ne se fasse au détriment du suspense. Ici, au contraire, la richesse de l’écriture de l’auteur permet un suspense accru, car il s’étend tout à la fois de la dimensions psychologique jusqu’à celle de l’intrigue policière et des rebondissements attendus normalement à la fin de tout bon thriller. Et les questions que se pose le lecteur portent aussi bien sur les motivations du tueur, sur les procédés qu’il utilise pour parvenir à berner la police, que sur le fait de savoir si David et Madeleine vont enfin réussir à se rapprocher, à se comprendre, à tisser de nouveaux liens.

Ainsi l’auteur, en nous faisant pénétrer avec talent dans l’univers de ses personnages, augmente la crédibilité de son récit et l’intérêt que nous pouvons porter à son histoire, élargissant du même coup le champ habituel des thrillers « ordinaires ».

« Comme s’il appuyait sur une plaie enflammée pour juger du degré d’infection, il se força à remplacer « l’accident » par les mots précis qui lui étaient si pénibles :

la mort de notre fils de quatre ans.

Ces mots, il les prononçait toujours tout bas, pour lui-même, guère plus qu’un murmure. A ses propres oreilles, sa voix rendait un son éraillé et creux, comme si elle appartenait à quelqu’un d’autre.

Il ne pouvait pas supporter les pensées et les émotions qui accompagnaient ces mots, et il tenta de les chasser en sautant sur la première diversion à portée de main.

Se raclant la gorge, puis se détournant de la porte vitrée pour regarder Madeleine à l’autre bout de la pièce, il dit avec un enthousiasme exagéré :

—   Et si on s’occupait du tracteur avant qu’il fasse nuit ? »

Mais outre le suspense psychologique, le suspense lié à la recherche du serial killer se conjugue à une intrigue policière brillante, pour laquelle John Verdon donne une solution aussi élégante qu’inattendue : le tueur prévient ses victimes en leur envoyant une série de poèmes troublants et inquiétants. Il les connait, leur dit-il, et il sait ce qu’ils pensent, mieux qu’ils ne le savent eux-mêmes. Pour les convaincre, il leur envoie une lettre dans laquelle il leur demande de penser à un nombre. L’ami d’enfance de David Gurney, d’abord dubitatif,  avait pensé au nombre 658 (le titre du livre) d’une façon aléatoire, un nombre qui n’avait aucun rapport avec  sa vie passée.

Bien sûr le tueur devine le nombre. Mieux, il pratique de la même façon avec ses autres victimes, avec la même réussite. Comment s’y prend-il, sachant que l’explication n’est pas liée au fantastique ou  à la parapsychologie mais qu’elle est totalement rationnelle ? J’avoue m’être laissé piéger !

Arriverez-vous à deviner le mécanisme mis en place par le tueur ? C’est un des enjeux amusants de ce roman, même si ce n’est pas le principal, car encore une fois, les qualités narratives de l’auteur et son écriture suffisent largement au plaisir du lecteur.

Un très grand roman, donc, qui navigue entre thriller, suspense psychologique et intrigue policière classique. Un auteur, John Verdon,  dont il faut retenir le nom ; j’attends son prochain roman avec impatience et curiosité : tiendra-t-il ses promesses ?

658, de John Verdon
Grasset
Juin 2011
20,90  €

 

Présentation de l'éditeur

Ancien alcoolique reconverti en gourou pour milliardaires dépressifs dans une clinique très privée, Mark Mellery reçoit un jour une lettre anonyme, lui demandant de se prêter à un petit jeu d'esprit à première vue inoffensif... Mais l'énigme ne tarde pas à prendre une tournure sanglante et terrifiante.

Appelé à résoudre une enquête en apparence insoluble, semée d'embûches et d'indices trop flagrants pour être honnêtes, le légendaire inspecteur David Gurney, jeune retraité du NYPD bientôt rattrapé par les démons de l'investigation, se lance aux trousses d'un meurtrier aussi inventif que machiavélique.

Commentaires

Il fait vraiment envie!
Si on lit la fin, comme moi, on comprend ? Ou il reste du suspense?

Écrit par : Cassiopée | 15/06/2011

Les commentaires sont fermés.