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02/02/2014

Rose sang, d’Annabelle Demais

rose_sang.jpgUne chronique de Jacques

Culture, sexe et journalisme à Marseille...

 Ce curieux polar démarre très fort : un règlement de comptes entre truands aboutit à la mort d’un flic dans les quartiers nord de Marseille, célèbres depuis le scandale de la BAC Nord et l’utilisation un tantinet exagérée de la Kalachnikov par certains de ses habitants.

 L’enquêtrice va être non pas un(e) flic, mais une journaliste, grand reporter du journal La Provence racheté par Tapis : Annabelle Demais, qui signe d’ailleurs le livre sous ce nom. Ce pseudo très marseillais (la belle de mai est un quartier connu de la ville), permet à l’auteur, qui semble connaitre à merveille le milieu de la presse régionale, de se cacher de ses confrères tout en jouant de son statut de narrateur/auteur avec un plaisir évident, à la manière des San Antonio, mais avec un style propre à l’auteur, très différent de celui de Frédéric Dard.

 En réalité, l’enquête que va mener notre héroïne ne portera pas sur ce crime, mais sur la mort qui survient quelques jours plus tard d’une collègue et amie, photographe de presse dans le même journal : Noémie Cajner. Suicide, semble-t-il dans un premier temps. Elle se serait jetée dans la mer à l’Estaque, se fracassant sur des rochers avant d’atteindre l’eau. Annabelle, qui pense bien connaitre Noémie (mais est-ce vraiment le cas ?) y croit d’autant moins qu’en mettant de l’ordre dans les affaires de celle-ci, elle tombe sur des échanges de courriers qui l’intriguent. Elle va suivre cette piste, sans trop savoir où elle va la mener, et le résultat de son enquête va être... surprenant !

 Il y a dans le livre deux parties bien distinctes. La première est la mise en place des personnages et de l’intrigue, et nous conduit vers le cœur du récit. Elle nous décrit l’environnement familial de Noémie, qui est mariée et mère de deux enfants, la vie affective en pointillés d’Annabelle, mais surtout et avec beaucoup d’acidité et de force, le monde des journalistes et des flics marseillais, la liaison (même légèrement erratique) qu’Annabelle entretient avec le chef de la police de la ville lui permettant d’avoir des renseignements de première main sur certaines affaires sensibles.

 C’est cette première partie que j’ai trouvé la plus intéressante, par ce qu’elle nous révèle des dessous d’un « Marseille 2013, capitale européenne de la culture » et des liens entre les milieux du journalisme, des flics, de la culture. Certes, toute grande ville est traversée par ces problèmes de corruptions, de drogues, d’accommodements avec la loi, mais ici, la réalité crue des choses et des êtres, vécue de près par l’auteur, transpire à chaque page. Que l’on connaisse ou non Marseille, cette expérience est restituée de façon forte au lecteur.

 La deuxième partie est plus surprenante, qui nous écarte des magouilles, des trafics et des compromissions de tous ordres pour nous amener vers les mœurs sexuelles d’une partie de la bourgeoisie locale qui pratique (comme partout) des parties fines et des soirées SM. Depuis les affaires « DSK », largement montées en épingle par les médias, le grand public sait ou devine à peu près tout de ce qui peut s’y passer. Les mœurs évoluent et ces pratiques (entre adultes consentants, comme on dit pudiquement) choquent souvent moins que l’hypocrisie ambiante sur le sujet. Ici, elles vont servir de toile de fond à l’enquête que mène la journaliste sur les raisons de la mort de son amie, et même si l’intrigue est bien menée et le suspense maintenu jusqu’au terme du roman, j’ai ressenti une certaine frustration à quitter la sphère politico-médiatique pour entrer dans celle des coucheries ordinaires d’une partie du gratin de la société.

 Sans doute d’autres lecteurs y trouveront-ils leur compte ? Ce serait d’autant plus mérité que le roman est  plaisant à lire. L’écriture est sèche, nerveuse et va droit à l’essentiel, c’est-à-dire, ici : la crédibilité et la justesse des personnages campés par l’auteur. Annabelle se déplace à travers la ville sur sa moto, et l’écriture de son roman est calquée sur ce mode de déplacement, efficace et rapide.

 Un court roman, qui tranche sur beaucoup de productions actuelles par sa vivacité et son réalisme.

 Jacques ( lectures et chroniques )

Rose sang
Annabelle Demais
Éditions Archipoche (5 février 2014)
250 pages ; 7,65 €

 

Quatrième de couverture.

2013. Marseille étrenne son titre de capitale européenne de la culture. La manne financière répandue sur la ville attise la convoitise de hauts fonctionnaires, élus, affairistes, sans parler des artistes prêts à tout pour être exposés. Dans une cité des quartiers nord, un policier est tué à la suite d’un règlement de compte sous les yeux d’Annabelle. Sa meilleure amie, devenue célèbre pour les clichés exclusifs de ce meurtre, se suicide peu après. Flics ripoux, guerre des petits caïds pour le contrôle de la drogue, soirées SM et obscurs chantages, la journaliste se retrouve plongée malgré elle dans les bas-fonds de la cité phocéenne.