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05/02/2013

L'heure des fous, de Nicolas Lebel

heure_des_fous.jpgUne chronique de Jacques.

Dès les premières pages, le ton badin et l’humour espiègle de l’auteur nous emportent allègrement dans son univers rocambolesque. C’est un polar, certes, mais un polar qui ne s’embarrasse pas le moins du monde de la vraisemblance, dont l’objectif premier est visiblement, et avant toute autre chose, d’amuser le lecteur, de le divertir, de l’amener hors des sentiers battus polardiens en le surprenant... exercice plus difficile qu’il n’y parait quand on songe aux dizaines de milliers d’histoires policières qui ont déjà été écrites dans le monde, à des époques aussi diverses que variées !

 Naturellement, cette « surprise » doit s’appliquer en premier lieu aux personnages et à leur description, qui doit si possible sortir des sentiers battus. Ici, d’emblée, le pari est sur ce point largement gagné. Jugez-en par cette belle description du capitaine Mehrlicht, le doyen du commissariat du XIIe arrondissement parisien, un des personnages principaux de cette histoire :

« Ses yeux étaient deux boules sombres que l’on aurait juré indépendantes l’une de l’autre, capables de lorgner l’une la grille de sudoku, l’autre ce qui se passait alentour. Nul n’aurait pu dire s’il avait une langue visqueuse, mais à l’instant où il quittait le bâtiment – ce qui se produisait toutes les demi-heures – on voyait poindre de sa gueule un mégot laiteux qu’il supait avec délectation, s’imbibant de sa teinte cireuse jusqu’aux bouts de ses doigts-ventouses. Au portrait s’ajoutaient des taches brunes qui ponctuaient chaotiquement son crâne fripé où vacillaient au vent du ventilateur les derniers lambeaux d’une chevelure défunte. »

Nicolas Lebel nous campe ainsi trois autres personnages de flics de ce commissariat, que nous allons suivre le temps de l’histoire : Ménard, le tout jeune flic stagiaire, souffre-douleur de Mehrlicht, qui va révéler ses qualités dans cette enquête, Dossantos, un lieutenant colossal adepte du culturisme et obsédé par les femmes, dont la vision de ce que doivent être la société et la police est très « carrée », Sophie Latour, jeune lieutenante plutôt sexy, qui fait baver Dossantos et qui panique dès qu’elle doit participer à une infiltration de « flashs mobs ». Ajoutez à ça quelques personnages secondaires bien campés eux aussi, et on peut dire que l’auteur a parfaitement réussi ce premier objectif.

 Comme dans tout polar qui se respecte – et même pour ceux qui ne se respectent pas – l’intrigue en constitue l’essence, la pierre de touche, le nœud gordien qui relie l’ensemble. Qu’en est-il ici ?

 Tout débute d’une façon un peu « popote », tranquille, banale même. Un SDF retrouvé occis le long d’une voie ferrée, des témoins qui ont repéré trois autres collègues à lui qui poignardaient notre homme et commençaient à le transporter ailleurs quand ils ont été dérangés... bref, une affaire parfaite pour un commissariat de quartier et pour nos quatre mousquetaires du XIIe arrondissement.

 Sauf que l’histoire va rapidement se révéler plus complexe qu’elle ne paraissait de prime abord. Le SDF en question n’est pas un vrai, mais il est en revanche un vrai journaliste, de grand renom, lauréat du prix Albert Londres, qui semblait mener une enquête en infiltrant le milieu des SDF, et dont l’appartement plutôt salement fouillé suggère qu’il avait trouvé des informations intéressantes et gênantes pour certains.

 Intéressantes ? Quel euphémisme ! Explosives, même, et au propre comme au figuré, d’ailleurs, comme nous le verrons ! À tel point que ce sont les services secrets qui vont tenter de prendre l’affaire en main et de manipuler nos sympathiques flics du XIIe... mais ils ne savent pas à qui ils ont à faire !

De piste en piste, nos enquêteurs vont se retrouver dans le bois de Vincennes, furetant dans un simili village de SDF ignoré de tous et dirigé par une sorte de gouverneur-gourou plutôt original.

 L’affaire va prendre peu à peu une tournure étonnante, presque dantesque, jusqu’à un finale éblouissant de fantaisie, qui nous amène dans les catacombes, sous la Sorbonne, et qui mériterait d’entrer dans une anthologie des « fins de polars originales ».

 Bref, vous l’avez compris, voici un premier roman comme on aimerait en voir souvent, plein de joie de vivre, de truculence, de verve, qui tente de faire sourire le lecteur, de l’amuser, de le dérider, bref de lui faire passer un bon moment. Pari pleinement gagné ! Nous attendons maintenant la suite, le deuxième roman de Nicolas Lebel !

 Jacques, (lectures et chroniques)

L’heure des fous
Nicolas Lebel
Éditions Marabout (30 janvier 2013)
384 pages ; 19,90 €