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17/04/2012

Entretien avec Olivier Barde Cabuçon.

 casanova.jpgQuelques questions à Olivier Barde Cabuçon à propos de Casanova et la femme sans visage

 

 Albertine.  Une première question sur la généalogie de votre roman : qu’est ce qui lui a donné naissance : l’époque ?  le  personnage de Casanova ? … ?

 Olivier Barde Cabuçon. Etonnamment, car ce n’est pas le héros principal de ce livre, ni le personnage récurrent pour les prochaines aventures, c’est Casanova qui a donné naissance au commissaire aux morts étranges et à son moine hérétique ! La lecture de « Mémoires de ma vie » de Casanova a été un électrochoc. Quel écrivain ! Quelle vie ! Quel personnage ! Mais comment faire un roman de la vie de quelqu'un dont la vie est déjà un roman ?

Il m'a semblé que le plus intéressant serait de l'intégrer là où on ne l'attend pas car, s'il a exercé beaucoup de métiers (précheur, soldat, violoniste, joueur, espion ...), Casanova n'a jamais été policier. Le situer dans le cadre d'une enquête policière, où doivent tomber les masques, permettait de le présenter sous un jour nouveau, son vrai jour (!) car, comme toute pièce, il a deux faces et tombe rarement sur la tranche ! Casanova est séducteur mais attentionné, vénal mais désintéressé, humain mais détaché, attachant et exaspérant. Face à lui, mon duo est né d'un coup dans mon imagination : un jeune homme intelligent et déterminé mais trop intransigeant et qui aurait des choses à apprendre de lui, accompagné d'un moine hérétique et humaniste, savant et un peu déjanté, qui, lui, n'a plus rien à apprendre car il appartient à la même confraternité d'aventuriers du destin que Casanova.

J'aime les oppositions de caractère car sans conflit pas d'histoire !

 Albertine.  A propos des personnages : Volnay est en apprentissage… et son « maître de vie » est Casanova, mais Volnay ne le sait pas, (et le lui dirions-nous, il en serait fâché). Casanova lui, est tout entier dans l’hédonisme, joie et  légèreté ; et pourtant, (est-ce parce qu’il est vieillissant ?), il nous émeut et donne une jolie leçon de vie. Pouvez-vous nous dire comment vous avez conçu cette belle relation entre les deux hommes ?  Avez l’intention de la prolonger dans vos futurs romans sur le commissaire aux morts étranges ?

 Olivier Barde Cabuçon. Casanova et Volnay, c'est quelque part un monde ancien qui veut passer le relais à un monde nouveau ... mais pas trop vite, pas tout de suite. C'est en cela, je pense, qu'il est touchant.

"J'ai aimé les femmes plus que tout au monde mais je leur ai toujours préféré ma liberté".  Casanova émeut car s'il n'a qu'un seul dieu, la liberté, il paye très cher celle-ci comme Chiara le lui dit à un moment. Casanova répond : "  Je suis toujours heureux par mes souvenirs, je serais fou de me créer d'inutiles regrets." Et au soir de sa vie, c'est ce qu'à fait Casanova, seul avec ses souvenirs, en prenant sa plume pour écrire ses mémoires et revivre tous ses souvenirs.

Casanova, c'est le carpe diem et la recherche de la liberté la plus totale. A la liberté, Volnay oppose une contrainte : la recherche de la vérité. En cela, ils sont irréconciliables.

 Albertine. Le comte de Saint Germain est une figure esquissée, qui reste mystérieuse. Grand maître des francs maçons, alchimiste efficace ; que pouvez-vous nous dire sur ce personnage ?

 Olivier Barde Cabuçon. Après avoir lu de nombreux historiens et témoignages d’époque sur le comte de Saint Germain, j’ai repris l’hypothèse historique la plus solide que développe d’ailleurs un de ses biographes sur l’origine de sa naissance et de sa fortune. Cela permet d’éclairer l’homme, son humanité mais pas de lever tout le voile de mystère qui l’entoure. Il est, comme je le décris dans mon roman, un homme aux multiples talents : peintre, chimiste, musicien, historien, orateur … et surtout celui qui sait. Il raconte lui-même dans mon livre comment sa légende est née. Pour le reste, le mystère reste entier : le comte de Saint-Germain a-t-il réellement découvert le secret de l'immortalité ?  

 Albertine. La franc-maçonnerie est le sujet sous-jacent du roman, au point nous voyons réunis sous cette enseigne nombre des principaux protagonistes dans la fort belle scène du dénouement. Quel rôle politique ce mouvement a-t-il joué dans le rayonnement des Lumières, dans la révolution française (et peut être dans votre vie ?) ?

 Olivier Barde Cabuçon. Mon intérêt intellectuel me pousse vers tout ce qui est étrange, insolite ou secret ! A ce titre, mais seulement à ce titre, la Franc-Maçonnerie au XVIII ème siècle m'a intéressé car elle a participé au débat des idées et contribué à répandre des principes et des valeurs qui seraient plus tard reprises pour partie par les révolutionnaires. Il ne faut toutefois ni en exagérer le rôle, ni le sous-estimer. C'est un acteur parmi d'autres mais auréolé de mystères

Albertine.  La fameuse lettre, objet de multiples convoitises sera finalement brûlée sans être lue, devant les protagonistes, comme pour souligner le caractère dérisoire de l’agitation à laquelle elle a donné lieu. Serait-ce une caractéristique de la vie (courtisane) que de créer des motifs de vaine agitation ?

 Olivier Barde Cabuçon. Tout est illusoire chez les courtisans ! La seule chose d'importante à connaître pour eux, c'est l'heure du lever et l'heure du coucher du roi. Tout est illusion à la Cour car tout est factice : les sentiments, les compliments, le decorum  ... et effectivement, l'ironie de la situation est cette lettre et ce qui arrive à Mademoiselle Hervé.

 Albertine.  « Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent être, et bien fou qui se fie aux apparences » dit la marquise de Pompadour. Diriez-vous que c’est la morale de l’histoire, qui a pour titre une femme sans visage, morte de s’être  trop préoccupée de son apparence ?

 Olivier Barde Cabuçon. Je ne me souviens plus qui a dit  « Je peins les choses derrière les choses, un nageur pour moi, c’est déjà un noyé. »

Nous vivons dans un monde d’images et de faux-semblants, les gens ne sont pas ce qu’ils sont. J’aime bien la couverture de mon livre car la personne chargée de la maquette a eu l’intelligence de représenter une femme avec un masque. Le masque au figuré est un des thèmes de mon œuvre. Tout le monde porte un masque en société et bien fou est celui qui croit connaître les gens derrière. C’est particulièrement vrai au XVIIIème siècle dans cette société si soucieuse des apparences et qui n’a en tête qu’une seule chose : être vue. Mais attention, on le voit dans des rites pratiquées par certaines tribus : parfois le masque aspire toute la personnalité de celui qui le porte !

S'il faut trouver une conclusion ou une morale à mon livre, je me contenterai de citer cette phrase de Vivan Denon à la fin de son livre "Point de lendemain" : "Je cherchai bien une morale à cette histoire ... et je n'en trouvai point."

 Albertine. Le roman se situe une trentaine d’années avant la prise de la Bastille.  Aurons-nous le plaisir de voir vieillir le jeune Volnay jusqu’à la Révolution ?

 Olivier Barde Cabuçon. Je ne sais pas répondre à cette question car elle nécessite de se projeter trop loin alors que je suis un auteur d’instinct qui ne calcule pas et ne prévoit pas ! L’important, pour moi, était de montrer que c’est sous le siècle de Louis XV que sont nées les prémisses de la révolution, en ce sens, il est presque plus important que le règne de Louis XVI. Il est effarant de constater, lorsque l’on se plonge dans l’histoire du XVIIIème siècle, et ailleurs qu’à Versailles et dans les salons, l’étendue de la misère du peuple et l’état de servitude et d’ignorance dans lequel il est sciemment tenu, sans parler de la main de fer d'une monarchie policière. Il est tout aussi incroyable de constater les inégalités d’états et de traitements entre les classes sociales et comment, malgré les philosophes, la liberté de penser est censurée.

Enfin, pour revenir à votre question, pour le moment, je n'ai pas tellement envie de voir vieillir mes personnages ! (rires)

 Albertine. Qui êtes-vous, Olivier Barde-Cabuçon ?

 Olivier Barde Cabuçon. Il est difficile de répondre car nous avons de nous forcément une image fausse. Il y a ce que nous sommes, ce que nous souhaitons être et ce que nous pensons être. En plus, l'image que les autres ont de vous peut être encore différente La quête de l’identité est d’ailleurs en filigramme de mes deux précédents romans. Enfin, je m’égare une fois de plus pour ne pas répondre ! (rires) Disons que j’’espère être quelqu’un doté du sens de l’humour (« il naquit avec le don du rire et le sentiment que le monde était un peu fou »), de valeurs humanistes, de quelques talents d’écriture et de beaucoup trop d’imagination !